Annals of the M.B.C. - vol. 1° - n° 1 - September 1987

APPROCHE EPIDEMIOLOGIOUE DES BRUMES.

(à propos de 1593 brûlés Hospitalisés de 1979 à 1983) Marichy J., Marin-Lafleche I., Bouchard CI., Nombret Th.

Centre de Brûlés, Hôpital Edouard Herriot, Lyon


RÉSUMÉ. L'analyse statistique de 1593 brûlés (adultes et enfants) entre 1979 et 1983, comparée aux études similaires réalisées depuis 1963 dans le même service, permet de suivre l'évolution dans le temps de la population brûlée, des agents et mécanismes des brûlures, des facteurs causals. Il s'agit toujours d'une population très jeune (médiane à 21 ans); la majorité des accidents ont lieu à domicile (46%). Les facteurs de risque létal (gravité de la brûlure, âge, sexe, tares, complications...) sont appréciés. Le risque de complications augmente avec l'âge, le sexe et l'importance de la brûlure. Les complications infectieuses sont les plus fréquentes. Les causes de décès sont surtout infectieuses et respiratoires.  Ce travail permet, enfin, d'évaluer globalement l'efficacité de la thérapeutique: à gravité de brûlure comparable, le taux de mortalité (12,3%) est inférieur à celui de l'étude précédente.

La Région Rhône-Alpes, hautement industrialisée, regroupe une population d'environ 4 millions d'habitants. Il s'agit d'une région à haut risque de catastrophe thermique, comme en témoigne le dernier accident survenu au port pétrolier Edouard Herriot le 2 Juin dernier.
La ville de Lyon est dotée de deux centres de brûlés, chacun ayant une capacité de 17 lits. Le premier historiquement est celui de l'hôpital St-Luc, créé en 1953 grâce au Dr. COLSON et à l'initiative des industriels lyonnais. Puis ce fut celui de la Clinique Traumatologique de l'hôpital Edouard Herriot, en 1957, dirigé par le Pr. CREYSSEL.

1. Structure du centre de Brûlés de l'hôpital Edouard Herriot

Depuis sa création en janvier 19 5 7 et jusqu'au ler janvier 1984 le Centre a reçu 5.918 brûlés, dont 1.593 entre le lerjanvier 1979 et le lerjanvier 1984.
Il comprend 17 lits dont 5 lits d'enfants. Le service est entièrement climatisé, la température ambiente est de 25'C et l'hygrométrie de 60%. Trois chambres sont thermostatées et leur température peut être réglée au-dessus de 30'C.
Le personnel médical est composé de deux médecins anesthésistes-réanimateurs temps-plein et de deux chirurgiens à temps partiel. Un service de garde médicale est assuré la nuit et les jours fériés.
Le personnel paramédical comprend 18 infirmières, 18 aide-soignantes, 2 kinésithérapeutes, 2 servants et 1 hôtelière.

2. Organisation des soins

Le traitement par exposition à l'air a été abandonné vers 1972 pour être remplacé par la technique de cicatrisation dirigée et d'enveloppement plus confortable pour le brûlé. L'introduction, sur le marché français, de la Travase* en 1978 a permis d'accélérer la phase de détersion par voie enzymatique surtout pour les brûlures en deuxième degré intermédiaire et non cartonnées, le recours à l'excision chirurgicale étant réservée aux brûlures en troisième degré cartonnées.

La balnéothérapie sous anesthésie générale est utilisée pour activer la détersion de l'escarre selon une fréquence variable en fonction de l'état local et général du patient.
Depuis 1981 la création d'une Unité de 16 lits de Rééducation pour brûlés, dirigée par le Dr. Marduel, au Centre de Rééducation de Ste-Foy l'Argentière (à 40 km de Lyon) a permis une collaboration étroite entre les deux services et ainsi de mettre l'accent sur l'aspect fonctionnel du traitement de la brûlure.

3. Population étudiée et méthodes

3.1. POPULATION
La population étudiée est celle des brûlés hospitalisés pendant la période de 5 ans, du ler janvier 1979 au 31 décembre 1983.

Dans cette enquête ont été éliminés les dossiers de deuxième séjour, c'est-à-dire les brûlés réhospitalisés dans le service pour greffe (33 cas) et les dossiers concernant les syndromes de Lyell (12 cas).

3.2. RECUEIL ET TRAITEMENT DES DONNEES
1646 fiches analytique ont été établies, 8 dossiers vides ont été exclus.

Le traitement des données e été effectué grâce à Mr. Milan de l'Unité Associée 934 du CNRS. Les ordinateurs utilisés sont ceux du système HARRIS du Centre Informatique Scientifique et Médical (LYON 1).
Les données ont été gérées avec le logiciel INFO*, système de gestion de bases de données relationnelle (HENCO SA). Les résultats statistiques ont été calculés par le logiciel statistique conversationel STAT 80 (STAT WARE).

4. Résultats

4. 1. DESCRIPTION DE LA POPULATION
La comparaison, par tranche de 5 ans, avec des études preécédentes montre une progression croissante du nombre d'admission.

4. 1. 1. Répartition par âge et par sexe
L'âge moyen de la population est de 23,4 ans.

La comparaison avec les deux études précédentes montre un rajeunissement de la population brûlée puisque 85% de celle-ci a moins de 45 ans ainsi que la stabilité du pourcentage d'enfants de moins de 16 ans hospitalisés.
Dans les trois études on retrouve 65% d'hommes et 35% de femmes. La relation s'inverse après 65 ans.

4.1.2. Répartition par origine ethnique
La population étudiée se subdivise en trois groupes:

1115 Français (70,7%), 368 ressortissants d'Afrique du Nord (23,35%), 94 "autres" nationalités (5,95%). Il existe une augmentation du nombre de brûlés d'ethnie nord-africaine hospitalisés par rapport à l'étude précédente (respectivement 20 et 13). Ceci rend compte des problèmes d'exiguité de logement auxquels se trouve confrontée cette population.
Cette variation est également sensible pour les enfants (33,9% contre 28,35%).

4.1.3. Origine géographique
La grande majorité des brûlés vient de la COURLY (60%), les autres proviennent de la Région RhôneAlpes (20%), des autres départements français (15%) et de l'Etranger (5%).

4.1.4. Qui adresse les brûlés, quel transport?
La moitié des brûlés sont adressés par un Centre Hospitalier, mais un brûlé sur trois vient de lui-même. Ce dernier chiffre est en augmentation par rapport à l'étude précédente.

Le transport se fait dans 43% des cas par SAMU, dont l'activité est surtout de transfert de l'hôpital d'origine vers le centre de brûlés. Un brûlé sur trois vient par ses propres moyens.

4.2. CIRCONSTANCES DE L'ACCIDENT

4.2.1. Deux types d'accidents sont facilement identifiables, ce sont les accidents du travail (A.T.) et les tentatives de suicide (T.S.). Toute les brûlures qui ne rentrent pas dans l'une ou l'autre de ces catégories ont été rangées dans la catégorie "autre": ce sont les brûlures domestiques, les accidents survenus en cours de transports, les loisirs ou de plein air ainsi que les accidents collectifs.
Il existe une augmentation modérée mais néanmoins préoccupante des brûlures par tentative de suicide. Il s'agit le plus souvent de brûlures consécutives à des explosions de gaz; les cas d'immolation sont dans cette étude exceptionnels.
Le pourcentage de brûlures provoquées par un accident de travail reste stable et reste inférieur à celui propose par LEBEAUPIN en 1980.

4.2.2. Lieu de l'accident
Les accidents domestiques surviennent essentiellement dans la cuisine (75,9%) et la salle de bain (9,8%). Il y a par ailleurs une stabilité des accidents de plein air (17%) et en particulier des brûlures par barbecue (4%).

4.3. AGENTS ET MECANISMES

4.3.1. Répartition globale des modes de brûlures.
Trois grandes classes de brûlures sont individualisées: les brûlures thermiques (90%), les brûlures chimiques (2,1%), les brûlures électriques (6,2%).

4.3.2. Analyse différentielle

4.3.2.1. Les brûlures thermiques:
a) La première cause de brûlure est représentée par les liquides chauds: 40,9%. L'ébouillantement par l'eau demeure la cause principale (22%); les autres liquides chauds (thé, lait, café, huile et soupe) représentent 18,9%.

Les liquides enflammés (essence 58,7%, alcool 31,7% huile 9,6%) sont la deuxième grande cause de brûlure: 24,4%.
Les flammes entrament 14,2% des admissions et les explosions de gaz 12,8%.
Les autres causes restent comme dans les études précédentes plus rares. Ce sont les solides chauds (3,6%), la vapeur (reservoir de voiture ou cocotte minute 2,1%), corps en fusion (1%).
b) Le mécanisme est dans 43% des cas par projection, dans 27% par contact, dans 24% par explosion, et dans 6% par immersion.
353 brûlures onte été provoquées par un ustensile ménager, 65 par un appareil électroménager et seulement 5 par un robinet.

4.3.2.2. Les brûlures électriques:
Il s'agit surtout d'un accident de travail, quelques cas s'observent chez l'enfant qui suce ou touche une prise électrique (22,1%).

Trois mécanismes sont observés:

  • - passage directe du courant
  • - par flash
  • - mixte

4.3.2.3. Les brûlures chimiques:
Relativement rares, ce sont essentiellement des accidents de travail.

5. Étude de la gravité des brûlures

5. 1. EN FONCTION DE LA SURFACE ET DE LA PROFONDEUR

Nous exprimons la gravité de la brûlure en fonction de sa surface et de sa profondeur par trois paramètres:

  • BSA = Burnt Skin Area en pourcentage
  • UDB = Unit of Deep Burn = BSA + 3 X (% 2d PROFOND + % 3' degré)
  • BUS = Burn Units = BSA + 3 X (Y degré)

Comme il est souvent difficile, à l'entrée, de différencier le 2' degré profond du 3' degré, nous avons retenu chez les brûlés très graves et décédés dans les premiers jours post-traumatiques patients, l'UDB et le BUS estimés à l'entrée, alors que pour les autres patients, PUDB et le BUS ont été récalculés à la fin du séjour.
Par rapport aux études précédentes (1974 - 1978), il y a stabilisation du nombre de brûlés graves puisque:

  • 25% des patients ont un BSA 30%
  • 25% des patients ont un UDB 92
  • 25% des patients ont un BUS 43

Les brûlures thermiques sont, en moyenne, plus étendues (21%) que les brûlures chimiques (15%) ou électriques (9%).

5.2. GRAVITE LOCALE
Les localisations les plus fréquemment retrouvees sont:

  1. Le visage (44%) et la face antérieure du tronc (44%) entraînent des risques de séquelles esthétiques et fonctionnelles importantes. Toute atteinte oropharyngée doit faire suspecter une lesion pulmonaire d'inhalation.

  2. Les membres supérieurs et les mains (35%) entraînent un risque majeur de perte de profession surtout pour les travailleurs manuels en cas de brûlure profonde.

Les conséquences sont souvent lourdes et caractérisées par des arrêts de travail prolongés de 3 à 6 mois parfois même une ou plusieures années avec nécessité reclassement professionnel. La prise en charge précoce de la rééducation des brûlés a permis de façon appréciable de limiter les séquelles fonctionnelles post-brûlures.
Néanmoins le devenir lointain de certains brûlés reste sombre, surtout pour les classes sociales défavorisées et marginales.

5.3. EVOLUTION LÉTALE
Le taux de mortalité moyen est de 12,3% ce qui montre une amélioration par rapport aux études précédentes: 16,7% entre 1974 et 1978. Le BSA L50 est de 61%, PUDB L50 de 210, le BUS L50 de 165.

Les antécédents les plus fréquemment retrouvés sont l'éthylisme et les troubles psychiques.
Les deux principales causes de mortalité sont l'infection et les atteintes respiratoires qu'elles soient directement liées au traumatisme ou d'origine infectieuse.
Le taux de mortalité croît avec Page et la profondeur, il est de 50% au delà de 60 ans. A partir de 100 BUS, il est de 100%. Le taux de mortalité des enfants est très faible et n'atteint 100% que pour les brûlures supérieures à 250 BUS.

5.4. EVOLUTION NON LÉTALE
Le fait dominant est le raccourcissement du temps d'hospitalisation de 1979 à 1983. La durée moyenne de séjour etait de 21 jours entre 1974 et 1978, elle est de 14 jours dans cette étude.

Cela s'explique par le développement de nouvelles techniques de détersion enzymatiques des plaies (Travase*) et le recours à l'excision précoce. Les patients sont ensuite rapidement mutés dans un service de rééducation spécialisée au Centre Médical de SteFoy l'Argentiére à 40 km de Lyon, ce qui permet une meilleure prise en charge à la fois physique et psychique.

Conclusions

L'acquisition de nouvelles thérapeutiques locales et générales a permis durant cette période de 5 ans d'améliorer le pronostic vital et fonctionnel du brûlé. Ceci n'est possible qu'avec la collaboration de différents services à orientations diverses mais spécialisées telles que la rééducation, l'ophtalmologie, l'o.r.l.... ainsi qu'avec le développement de programmes de recherche orientés sur les différentes perturbations engendrées par la brûlure.

Ces bilans sont nécessaires afin d'évaluer régulièrement l'activité d'un Centre de Brûlés et l'évolution des techniques.

SUMMARY. A statistical analysis of 1593 bum victims (adults and children) between 1979 and 1983, compared to a similar survey carried out since 1963 in the same Bums Unit, makes it possible to follow the evolution in time of the burned population, the agents and the mechanisms of bums, and the causal factors.
The population effected is always young (median age 21 years) and most of the accidents took place in the home (46%). An assessment is made of lethal risk factors (severity of bum, age, sex, disabilities, complications etc.): the risk of complications increases with age, sex and the extent of the bum. The most frequent complications are of an infectious nature. The causes of death are mainly infectious and respiratory. This survey renders possible an overall evaluation of therapeutic success: at a comparable degree of bum severity, the death rate (12.3%) is
lower than'that of the previous study. All these data have enabled the authors to prepare a prevention campaign. They hope that the next survey will be considerably reduced thanks to the prevention campaign that will have been undertaken.




 

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