Annals
of the M.B.C. - vol. 1° - n° 2 - September 1988
BILAN D'ACTIVITÉ DU SERVICE DE
RÉÉDUCATION FONCTIONELLE DES BRÜLÉS DU CENTRE MÉDICAL DE SAINTE-FOY L'ARGENTIÈRE
Marduel YX, Rienmeyer K, Almanza L.,
Marichy J.*, Ruet J11.
Centre de Rééducation Fonctionnelle de
Sainte Foy l'Argentière
* Centre de Brûlés Hopital Edouard Herriot Lyon, France
RÉSUMÉ.
La finalité du traitement des brûlés est d'assurer au mieux leur réintégration
socio-professionnelle. Ceci n'est possible que dans le cadre d'une prise en charge globale
donc multidisciplinaire de ces patients. De 1980 à 1986, 455 brûlés ont été traités
précocement au Centre médical de Sainte-Foy l'Argentière. Les complications
infectieuses ont été rares en particulier chez les patients en phase précicatricielle,
seuls trois patients ont eu une septicémie après leur hospitalisation en centre de
rééducation. L'acquisition des techniques de cicatrisation dirigée par l'équipe de
rééducation a permis de réduire la durée d'hospitalisation en centre de brûlés en
particulier pour les patients greffés. La prévention des séquelles est confirmée par
un taux faible de reprises chirurgicales secondaires. Le port de vêtements compressifs
est bien toléré dans la majorité des cas.
Cette étude
s'inscrit dans le cadre d'une conception multidisciplinaire des soins aux brûlés. En
effet, si de brûlés la phase initiale de traitement vise à maintenir l'équilibre des
paramètres vitaux du patient, son évolution cicatricielle dépend de la qualité des
soins locaux et en particulier de la précocité de la kinésithérapie.
C'est pourquoi depuis 1981 le Centre de Brûlés de l'Hôpital Edouard Her'riot travaille
en collaboration étroite avec le Centre de Rééducation Fonctionnelle de Ste-Foy
l'Argentière situé dans les Monts du Lyon nais à 42 Km de Lyon.
Structure du service
- Le service:
Sa conception est celle d'un service hospitalier classique de 16 lits, sans circuit de
ventilation ni salles d'aseptisation à l'exception de 4 chambres (schéma n' 1). Son
originalité réside dans la possibilité d'effectuer les soins nécessaires de
cicatrisation dirigée et d'y associer les techniques de rééducation et de
réadaptation.
Une salle est réservée à la balnéothérapie et aux douches filiformes pour le
traitement des cicatrices hypertrophiques.
- L'équipe
de soins:
Elle se compose de 2 médecins rééducateurs, 1 surveillante, 2 infirmières, 3 aides
soignantes, 2 kinésithérapeutes, et 2 ergothérapeutes. Des relations permanentes sont
établies entre cette équipe et celle du centre de brûlés.
- Les soins:
L'objectif des soins est d'atteindre le plus rapidement possible l'autonomisation du
patient et faciliter sa réinsertion socio-professionnelle. Celui-ci nécessite:
- la continuation des soins mis en route en centre
- le contrôle des gênes fonctionnelles
- la confrontation progressive à la réalité quotidienne
- l'aide à une gestion responsable de ses activités.
Le traitement local est assuré pour les patients greffés par une activation de la
couverture épidermique, pour les patients en cours d'évolution par une détersion
préparant une greffe ou par le contrôle d'une cicatrisation dirigée.
La détersion est obtenue par l'utilisation de pommades protéolytiques (Travase*,
Calendula*, Elase*) ou par l'élimination des tissus nécrosés au cours d'un bain.
L'action mécanique de la douche assure une décontamination finale des plaies.
La décontamination des plaies est obtenue par des bains contenant une solution
antiseptique (Betadine* ou chlorhexidine). Elle est complétée par l'action mécanique de
la douche. Les pansements sont faits avec des topiques antibactériens à action
antiseptique (Betadine*, Flamazine~) ou antibiotique (Primixine*, Staphylomycine).

Prévention et traitement des sequelles
L'organisation des soins dans le centre de
rééducation précédemment décrite permet de commencer précocement le traitement
préventif des séquelles à toutes les phases d'évolution de la brûlure.
- Phase précicatricielle:
La prévention des séquelles fonctionnelles est la priorité essentielles dès la fin de
la phase précicatricielle. Celle-ci correspond à la consolidation puis l'élimination de
l'escarre. Il est alors nécessaire d'éviter toute mobilisation intempestive, le
pansement devien un abrasif qui risque de décoller une greffe récente ou d'entraîner
l'apparition de phlyctènes sur une épidermisation trop fraîche.
- Elle se réalise selon trois modalités:
a) sauvegarder l'image corticale du mouvement et à retrouver son indépendance (repas,
toilette, habillage). Cela consiste également à assurer le lever s'il n'a pas eu lieu
auparavant.
b) orienter la cicatrisation par les pansements. Au niveau des mains un bandage
semi-compressif positionne les doigts, autorisant un secteur de mobilité en flexion des
métacarpo-phalangiennes et de l'articulation trapézo-métacarpienne. Ce bandage est
constitué d'une bande nylex de 5 cm de large. Il est change tous les jours pour permettre
la mobilisation passive dans le bain et la désinfection éventuelle de la plaie.
c) lutter contre les, attitudes vicieuses par des postures et/ou des orthèses cutanées.
L'utilisation d'attelles en plastique thermoformable se superpose alors aux pansements.
- Phase cicatricielle:
La phase cicatricielle débute dès la cicatrisation spontanée ou la prise de greffe. Sa
durée est plus longue que la précédente, elle s'étend entre huit et dix-huit mois et
correspond à la phase de remodelage de la cicatrice. L'action préventive se poursuit
selon deux modalités afin de limiter au maximum les séquelles par:
a) la compression. Les recherches histologiques ont démontré qu'une force appliquée
perpendiculairement au plan cicatriciel permet la disparition des éléments impliqués
dans la formation des cicatrices hypertrophiques et rétractiles. Elle facilite ainsi la
réorganisation de la trame conjonctive vers une normalisation. Cette force compressive
peut être un bandage, un tissu élastique, un plastique thermoformable et/ou une mousse.
Les mousses interdigitales sont utilisées pour limiter le développement de palmures
interdigitales.
Dans le service, la confection des vêtements compressifs à partir des tissue élastiques
permet une adaptation constante de la pression pendant l'évolution cicatricielle.
Au niveau du cou un collier respectant le système vasculaire peut être confectionné, la
répartition des pressions est facilitée par l'adjonction de mousses.
Pour le visage, les masques moulés sur positifs épousent les reliefs tourmentés du
visage. Il est possible de les confectionner en plastique transparent et de les décorer
pour les rendre acceptables par les enfants.
b) les massages cicatriciels. Le port de vêtements compressifs durant toute la phase
cicatricielle se complète de massages spécifiques à base de pétrissage superficiel et
de mise en tension continue et soutenue au delà de 10 minutes afin de dissocier la
fibrosclérose qui se forme durant cette phase. Des séances de massage transversal par
l'action mécanique de jets d'eau sous pression diminuent le prurit.
A ce stade, l'activité sociale est stimulée afin de préparer la réinsertion
socioprofessionnelle. Un bilan est établi en vue de faciliter un changement d'activité
professionnelle si cela est nécessaire.
Bilan d'activité de 1980 à
- Les patients:
Depuis 1980, la progression du nombre d'admission est en constante augmentation. 455
brûlés ont nécessité de-la rééducation entre 1980 et 1986. Ils sont admis le plus
précocément possible, en moyenne 21 jours après l'accident. Trois brûlés seulement se
sont surinfectés après leur admission. Parmi les brûlés ayant eu une septicémie
durant la phase aiguë, un s'est compliqué d'endocardite infectieuse et un autre
d'ostéite rachidienne découvertes durant leur période de rééducation.
- La brûlure:
L'atteinte cutanée initiale est en moyenne de 26,5% pour les patients qui n'ont pas
nécessité de greffe dermoépidermique durant leur séjour et de 33% pour les autres.
- Le temps de séjour:
Le temps de séjour dépend de la gravité initiale des lésions. Pour les patients qui
n'ont pas été greffés il est de 54,5 jours soit 72 jours d'hospitalisation totale si
l'on tient compte du temps d'hospitalisation en centre de brûlés. Pour ceux qui ont
été greffés il est de 100 jours soit 131 jours compte tenu du temps d'hospitalisation
antérieur. Il est également allongé de 35 jours en moyenne pour les patients greffés
de plus de 40 ans.
- Facteurs influant sur les résultats
cliniques:
La coopération du patient est le facteur essentiel pour l'obtention de bons résultats
cutanés et fonctionnels en particulier avec les vêtements compressifs et la
kinésithérapie. 76% des patients ont repris une activité professionnelle avec un
maximum de soins et arrêt de travail de 18 mois après la brûlure. Pour 7 d'entre eux,
la formation a permis d'améliorer leur qualification.
Une étude comparative des vêtements compressifs artisanaux (faits sur mesure avec des
tissus élastiques Raucopress* ou Tubigrip*) versus vêtements de fabrication industrielle
(Medical Z* ou Jobst*) ne montre pas de différence significative sur les résultats
cutanés ou fonctionnels sur 57 patients. Seuls deux effets indésirables ont été
observés: une compression du nerf radial réversible en un mois et une allergie aux
vêtements commerciaux (Jobst*).
L'effet des douches filiformes n'a pu être évalué de façon précise, seuls 28 patients
en ont bénéficié.
- Reprises cutanée et osseuse:
Sur les 57 patients suivis jusqu'à 18 mois, 9 d'entre eux ont dû subir des interventions
de chirurgie plastique pour le visage (4), les mains (3), le cou (1), les épaules (1). A
la sortie du centre de rééducation, 29 patients étaient susceptibles de subir une
intervention de chirurgie rtaratrice dont 18 pour leurs mains. Les autres reprises
prévues concernaient la face (lèvres et paupières) et le creux axillaire.
La survenue de para-osteo-arthropathies (P.O.A.) a été observée chez 9 patients. Il
semble exister une corrélation directe avec la profondeur de la brûlure.
Le soutien psychologique
Si la
coopération active du patient est l'élément indispensable à l'obtention de bons
resultats fonctionnels et esthétiques, celle-la ne pourra être obtenue qu'avec un
soutien psychologique de qualité. Celui-ci est réalisé par un psychiâtre, un
psychologue et surtout par toute l'équipe soignante qui permet un réapprentissage de la
communication. Le centre de rééducation est l'espace de transition entre le centre de
brûlés et la vie de tous les jours.
A sa sortie le patient est adressé à son médecin traitant et à la consultation
spécialisée du centre de brûlés. S'il n'y a pas de permanence téléphonique
officialisée comme à l'Israel Jobst Institute qui permette d'épauler le patient lors de
difficultés, celui-ci peut être revu par un de ses médecins quand il le souhaite.
Aspect economique
Une collaboration
étroite entre les deux centres permet de réduire le temps d'hospitalisation en centre de
brûlés dans la phase de traitement initial mais aussi pour les reprises chirurgicales
pour greffes complémentaires lorsque le patient a été adressé au centre de
rééducation alors que sa cicatrisation n'était pas terminée. Ainsi, alors qu'en 1980
on pouvait évaluer le coût d'une greffe à 67500 Francs, auxquels s'ajoute le prix du
transport entre les deux centres, celui-ci se trouve réduit à 4500F en 1985 grâce à
une durée de séjour en centre de brûlés réduite à 24 heures. Cette diminution a
été rendue possible grâce à l'apprentissage par l'équipe de soins du centre de
rééducation des techniques de soins locaux et généraux des brûlés appliqués en
centre de brûlés.
Conclusions
L'objectif
des soins prodigués au brûlé est de préparer la réinsertion socio-professionnelle de
celuici. Elle dépend de trois facteurs:
- - la personnalité du patient
- - la gravité de la lesion
- - l'environnement.
Une
coordination étroite entre centre de brûlés et centre de rééducation permet de,donner
le maximum de chance au patient pour sa réinsertion en limitant les séquelles
esthétiques et fonctionnelles et en lui faisant reprendre progressivement conscience de
son image corporelle.
L'impact économique n'est pas negligeable car le ~tèmps d'hospitalisation en centre de
brûlés, spécialité coûteuse, est réduite. Le prix journalier d'hospitalisation en
centre de rééducation est cinq fois moins cher que celui du centre de brûlés.
SUMMARY. The
treatment of burn patients aims to facilitate their socioprofessional reinsertion. There
must be a multidisciplinary medical approach to the burn management. From 1980 to 1986,
455 patients were precociously treated in the bum unit of the rehabilitation centre of
Sainte-Foy I'Argenti6re. Only three patients developed an infection after their admission
to the rehabilitation centre. The know-how of the bum rehabilitation team reduced the
number of hospitalisation days in the bum centre, especially for patients who needed to be
grafted. Similarly, the number of surgical sequelae decreased. Compressive garments were
well tolerated, only one allergic reaction appearing,
BIBLIOGRAPHY
- Bartlett R.H., Wingerson E.,
Simonton S. et al.: Rehabilitation following bum injury. Surg. Clin. of North America, 58,
6, 1978.
- Marduel Y.N., Marichy J.:
R66ducation des brûlés adultes. 26275 A10, 1-10, E.M.C. Paris, 1988.
- Malick M.H.: Manual on management
of the burn patient. Pittsburg, 1982.
|