Annals of the M.B.C. - vol. 1° - n° 2 - September 1988

PROGRAMMATION D'UN CENTRE DE BRÛLÉS DANS UN PAYS EN VOIE D'INDUSTRIALISATION

Amamou R., Nefzi k Marichy 1, Riondet 1, Poncet J11.

Centre Hospitalier Universitaire Lyon, France


RÉSUMÉ. La nécessité de soigner les brûlés dans une Unité spécifique de soins s'est imposée progressivement dans nos pays industrialisés du fait de la spécificité de ce traumatisme et des traitements locaux et généraux qui en découlent. Le premier Centre de Brûlés français a été crée en 1953, à l'Hôpital Saint Luc à Lyon sous l'impulsion du Docteur P. Colson et des milieux industriels lyonnais. Un deuxième Centre ouvrait ses portes à l'Hôpital Edouard Ilerriot en 1954, dirigé par le Professeur Creyssel.
L'expérience lyonnaise et. celle des autres villes françaises où s'est bâti un Centre de Brûlés fait ressortir que celui-ci ne peut être qu'un service spécialisé au sein d'un CAI.U. En effet, les soins aux brûlés nécessitent la mise en oeuvre de nombreux moyens pour contrôler les iisques vitaux du patient et assurer à celui-ci le maximum de chances de survie avec le minimum d'handicap et de séquelles.
Du Centre de Brûlés et de ses besoins médico-techniques, sa programmation dans un pays en voie de développement doit être conduite en conjuguant les cinq axes de réflexion suivants:
1 - La connaissance du site, des dimensions démographiques et épidémiologiques locales qui caractérisent l'état de la population
2 - Uëtablissement d'un plan directeur à partir de l'ensemble des spécialités cliniques et médico-techniques existant ou non sur le site prévu d'implantation
3 - Le maintien d'un équilibre entre les besoins ressentis, le savoir-faire médical et technique, les techniques disponibles et possibles, les moyens financiers
4 - Le développement d'échanges en termes techniques, médicaux et économiques qui doit avoir pour but de renforcer la collaboration entre les deux pays sur le plan sanitaire et social
5 - La définition d'un calendrier afin de faire coïncider au mieux les différentes phases du projet et d'éviter tout décalage entre la réalisation de l' "outil" et son utilisation.
A partir de ces cinq points une stratégie de démarrage du Centre doit être discutée de façon à éviter tout dérapage ou essouflement de la part des équipes chargées de s'en occuper.

La programmation d'un centre des brûlés dans un pays en voie de développement industriel ne consiste pas à dupliquer toute structure ou organisation appropriée à nos conditions d'environnement.
L'expérience lyonnaise, comme celle des autres villes françaises et européenes, ont montré la nature spécifique des traitements des brûlures graves avec la double nécessité:
- d'une part, soigner les brûlés dans une unité spécifique de soins,
- d'autre part, intégrer cette unité spécialisée dans un complexe hospitalo-universitaire.
Le traitemente des grands brûlés répond aujourd'hui à un protocole de soins mobilisant de nombreaux moyens pour contrôler les risques vitaux du patient et assurer à celui-ci la plus grande chance de survie, au moindre risque d'handicap et de séquelles.
Envisager le transfert d'une technologie médicale de pointe comme les soins aux brûlés, c'est d'abord connaître les conditions spécifiques de prise en charge le ces soins.

La prise en charge des soins aux brûlés

La prise en charge des soins aux brûlés s'effectue (lès la survenue de l'accident. Elle suppose un personnel qualifié, ayant reçu une formation spécialisée pour la mise en condition sur les lieux de l'accident: perfusion, oxygénation, sédation, réchauffement.
Le transport, médicalisé, doit se faire vers l'hôpital ou le centre de brûlés le plus proche par voie routière ou aérienne, tout en respectant les impératifs de confort du patient.
La chaîne des soins dépend ensuite de la gravité de l'atteinte cutanée.
En dehors de toute lésion respiratoire, atteinte traumatique, osseuse ou viscérale, tare médico-chirurgicale associée, les brûlures sont considérées comme:
- bénignes: en dessous de 10% de surface corporelle - moyennes: de 10% à 20%
- graves: de 20 à 40%
- très graves ou létales: au dessus de 40%.
L'efficacité du traitement est directement liée au degré de compétence du personnel soignant et du fait de sa specificité il est fondamental que tous les brûlés soient traités dans une unité spécifique: le centre de brûlés.
En effet, lorsque les brûlés sont traités dans un milieu hospitalier non spécifique, leur durée de traitement est allongée. Dans ce cas, un certain nombre d'entre eux est adressé à une consultation spécialisée de centre de brûlés ou de chirurgie plastique et reconstructive, avec souvent des séquelles importantes. D'autres sont perdus de vue. Dans les deux cas les brûlés manquent d'une prise en charge globale de leur traumatisme et souffrent du manque d'expérience des équipes soignantes.
L'existence d'un centre de brûlés, donc d'une équipe soignante spécialisée, permet l'orientation thérapeutique du brûlé vers l'unité de soins intensifs, semi-intensifs ou légers, ou encore vers une prise en charge par la consultation externe du centre de brûlés.
Sa prise en charge s'effectue alors par une équipe médicale spécialisée comportant médicins, chirurgiens, réeducateurs et psychologues afin de diminuer au maximum le risque vital et/ou fonctionnel.
Un rendement optimal est obtenu lorsque cette équipe s'intégre dans un ensemble hospitalo-universitaire disposant d'un plateau technique, pouvant répondre aux nécessités de l'urgence et du quotidien.
La collaboration étroite avec un centre de Réeducation permet de réduire les séquelles esthétiques et fonctionnelles des brûlés, donc favorise leur réinsertion professionnelle.
Une consultation spécialisée permet de sélectionner les brûlés nécessitant de la chirurgie plastique et reconstructive, d'établir une programmation des interventions et de prévoir la durée d'incapacité à exercer une activité professionnelle.
L'amélioration de la qualité des soins impose également la collaboration avec des unités de recherche scientifique.
Alors, comment transposer un tel protocole de soins et adapter l'objet de soins à d'autres conditions locales d'environnement économique, culturel, clinique et médico-technique?

Les conditions d'un transfert de technologie

Notre réflexion a été conduite avec la volonté permanente d'intégrer performance médicale et efficacité économique.

Un préliminaire:
La connaissance du site et l'élaboration des objectifs

Avant toute décision d'action de programmation, il est indispensable de situer précisément le contexte réglementaire, sanitaire et conomique dans lequel le projet s'insère.
A cela s'ajoute l'indispensable approche des dimensions démographiques et épidémiologiques locales qui caractérisent l'état de la population. L'analyse doit être complétée par un inventaire des dispositifs de soins, par un examen des projets en cours et par une évaluation des besoins qu'ils couvrent.
Le processus d'élaboration des objectifs est un point important, puisque ceux-ci ne sauraient être définitifs. Les réalisations s'inscrivent dans un cycle de longue durée et dans un contexte médical et économique en rapide mutation.
Il fut confirmé que le centre des brûlés ne pouvait être un hôpital spécialisé et autonome, mais qu'il devait s'inclure dans un Centre Hospitalo-universitaire dont il serait l'un des services. Il apparaissait aussi qu'introduire un centre tel que celui des brûlés dans un hôpital général faisait basculer l'organisation traditionnelle de celui-ci. D'une conception de services associés les uns aux autres, on s'engage vers un modèle d'organisation où les services coopèrent autour d'un plateau technique.
D'un premier objectif portant sur le centre des brûlés et ses environnements médico-techniques associés, la réflexion s'est donc orientée vers l'ensemble des spécialités requérant ce plateau technique, car le but à atteindre n'est pas de construire mais de mieux soigner les grands brûlés; cela signifie:
- soigner plus de malades
- soigner plus tôt
- soigner plus d'affections - soigner plus vite
dans un contexte technique humain, règlementaire et financier, certes en plein mutation, mais déjà constitué.

Une démarche:
Le Plan Directeur

Le Plan Directeur, c'est l'outil qui permet de réfléchir du global au particulier et d'agir du particulier au global.
Tout projet médical est conditionné par la disponibilité simultanée d'hommes, d'équipement et de savoir faire.
Le centre des brûlés relève de cette logique, puisqu'il suppose que le brûlé grave soit, dès le ramassage sur les lieux de l'accident, préparé pour être maintenu en vie et transporté vers l'hôpital qui, averti de son arrivée, aura dû préparer la réception du malade à traiter en urgence.
La logique de ce système ne doit souffrir d'aucune défaillance dans la chaîne de soins et dans le respect des équilibres.

Un impératif:
L'équilibre des facteurs

Nous n'insisterons jamais suffisamment sur la précarité de l'équilibre des facteurs de production.
L'influence étrangère bouleverse les règles du jeu du développement naturel en amplifiant les besoins ressentis, en introduisant de savoir-faire et des techniques de pointe sans que ceux-ci soient toujours accompagnés d'une aussi forte évolution de l'environnement technique et humain qu'ils supposent.
Nous proposons d'aligner la programmation au rythme du développement de ce pôle sanitaire, de l'accompagner en recherchant l'équilibre des facteurs suivants:
- les besoins ressentis
- les moyens financiers - le savoir-faire
- les techniques disponibles et possibles.
La progression de ces quatre facteurs doit se faire de manière simultanée et cohérente. A chaque écart correspond une seule position nouvelle d'équilibre.
Cet impératif nous conduit à développer une programmation et une réalisation par étapes.
Ce phasage assure une montée en charge progressive, évitant ainsi une situation du tout ou rien.

Un enjeu:
Une coopération sanitaire et économique

Il ne s'agit pas d'une mission d'assistance mais d'une collaboration technique et économique, dont les termes de l'échange permettront de dynamiser les relations portant sur la fourniture d'équipement et de produits pharmaceutiques, mais également sur la maintenance et la formation des hommes.
Il est essentiel de respecter les rythmes différents de montée en puissance:
- élaboration et édification des établissements
- formation et constitution des équipes de soins - mise en place d'outils de gestion
- définition de réseaux d'approvisionnement.
Tout objet de coopération doit être à géométrie variable dans le temps et dans l'espace et s'adapter aux conditions économiques et culturelles d'un état, surtout quand il s'agit d'une coopération entre pays à niveau de développement économique différent.
Greffer une technologie, c'est moins le geste de greffe qui compte que ses conditions d'acceptabilité et le non-rejet qu'il convient de réussir.

 

SUMMARY. The need to care for bum patients in a specific therapy centre has gradually imposed itself in industrialized countries because of the specific character of the bum trauma and the local and general treatment involved. The first French Burn Centre was set up in 1953 at the Saint Luc Hospital in Lyons, thanks to the initiative of Dr. Colson and of local industrialists. A second Centre started its activity at the Edouard Herriot Hospital in 1954, under the direction of Prof. Creyssel.
Experience gained in Lyons and in other French cities where a Bum Centre has been established has demonstrated that it has to be a specialized Division within a General Hospital. This is because the care needed by burn patients requires the availability of a wide range of means for the control of the risks to which their life is exposed and also in order to ensure the maximum chance of survival with the minimum danger of subsequent handicap or other sequelae.
We propose the following five considerations to be bome in mind during the planning of a Bum Centre, with regard to its medicotechnical needs, in a developing country:
1 - Knowledge of the site, the size of the population and of local epiderniologies which characterize the condition of the local people
2 - The establishment of a master plan based on the number of clinical and medicotechnical specialities present or not in the site of the projected Centre
3 - Maintenance of an equilibrium between needs, medical and technical know-how, available and possible technics, financial means
4 - Development of exchanges in technical, medical and economic terms, the purpose of which must be to strengthen cooperation between the two countries on the sanitary and social plane
5 - The preparation of a "calendar" in order to phase as best as possible the various stages of the project and to avoid all discrepancies between the realization of the "tool" and its utilization.
Bearing these five points in mind it will be necessary to discuss strategies for launching the Centre in such a way as not to produce confusion or fatigue in the various teams responsible for its realization.




 

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