Annals of Burns and Fire Disasters - vol. XI - n. 1 - March 1998

SEQUELLES DE BRULURE DU CUIR CHEVELU - PREPARATION PAR LE TECHNICIEN DE L'EXPANSION CUTANEE
(ILLUSTRE PAR UN CAS)

Boulaad,as M, E1 Gbouri H, NassO M, Ammar M, Rzin A, 1hrai H, Jidal B.

Service de Chirurgie Plastique et de Stomatologie, Hôpital Militaire d'Instruction Mohamed V, Rabat, Maroc


SUMMARY. Il existe de multiples procédés de réparation pour corriger les grandes pertes de substance du cuir chevelu. Parmi les moyens les plus utilisés on retrouve les lambeaux locaux, mais très souvent les sites donneurs sont greffés, ce qui aggrave les séquelles , La technique de l'expansion cutanée a bouleversé cette chirurgie. Elle a permis de réparer de larges pertes de substance avec un minimum de préjudice. Néanmoins, elle obéit à certaines règles qu'il faut peser avant son indication.

Introduction

En général le scalp se défend contre toute agression par sa constitution anatomique particulière (épaisseur, richesse vasculaire). Cette particularité anatomique complique aussi la réparation, car il s'agit d'une structure peu élastique, résistante, épaisse et qui ne peut être étendue que par des forces assez importantes, c'est le cas des séquelles de brûlure.
La technique de l'expansion cutanée trouve sa meilleure utilisation sous le cuir chevelu, par l'existence de l'espace de Merkel, qui permet d'y placer facilement l'expandeur. La surface osseuse est idéale comme appui et la forme convexe du crâne convient tout à fait à la forme expansée.

Rappel anatomique

Le cuir chevelu présente plusieurs couches différentes:

  • la peau, qui est plus épaisse, variable selon les régions, couverte de cheveux sauf le front
  • le tissu sous-cutané, constitué d'un tissu graisseux, lobulé et cloisonné, plus épais au niveau de la nuque
  • la galéa, ou épicrâne, qui est un ensemble de fascia et de lames, au nombre de cinq (fascia superficialis, lames sus-épicrânienne, épicrânienne et sous-épicrânienne)
  • espace décollable de Merkel, relativement avasculaire
  • le périoste

La vascularisation artérielle est sous la dépendance de quatre territoires vasculaires: antérieur, par les artères frontales internes et sus-orbitaires; latéral, par les artères temporales superficielles; postéro-latéral, par les artères retro-auriculaires; et postérieur, par les artères occipitales. La vascularisation veineuse est circulaire et provient de trois régions: antérieure, par la veine angulaire; latérale, par la veine temporale superficielle; et postérieure, par la veine occipitale. Il existe plusieurs anastomoses entre les branches des pédicules homolatéraux et après croisement de la ligne médiane, mais la totalité du cuir chevelu peut survivre sur un seul pédicule superficiel. Cependant, le réseau veineux est non homogène et pauvre au niveau de la région frontotemporale.

Rappel des principaux procédés de reparation des pertes de substance du cuir chevelu

Nous rappellerons seulement les pertes de substance (PDS) importantes réparées localement par des lambeaux du cuir chevelu. Donc on exclue les sutures simples, la cicatrisation dirigée, les greffes d'emblée, les lambeaux migrateurs tubulés pédiculés, et les lambeaux libres microanastornasés.

Les principaux lambeaux locaux

Les principaux lambeaux locaux utilises sont:

  • les lambeaux conventionnels:
    • d'avancement, de rotation-glissement type lambeaux d'IMRE ou deux lambeaux type Converse ou trois lambeaux type Gillies, enfin les lambeaux bipédiculés
    • soit à axe oblique antéro-postérieur frontal en avant et occipital controlatéral en arrière
    • soit à axe longitudinal sur les vaisseaux frontaux en avant, occipital homolatéral en arrière
    • soit transversaux pédiculés sur les deux axes temporaux superficiels (et/ou auriculaires postérieurs)
    • enfin, les lambeaux multiples d'Orticochea pour couvrir les PDS occipitales, voire pariéto-occipitales ou d'Arnold pour des PDS près du vertex
  • les lambeaux vasculaires:
    • axiaux temporaux transposés vers l'avant ou vers l'arrière d'Onizuka sur les branches temporo-pariétales pour des PDS temporale ou occipitale
    • axiaux occipitaux de Thompson ou de Lequang
    • axiaux anastomotiques surtout temporaux comme le lambeau bifolié de Wilson

Histoire de la technique de l'expansion cutanée

L'expansion cutanée fut inspirée d'autres allongements tissulaires. Citons le ventre distendu par la grossesse; en Ethiopie, Tchad et au Zaire, chez les femmes qui mettent des labrets pour augmenter le volume des lèvres; et en Birmanie, chez les femmes qui mettent de nombreuses colliers pour avoir une tête royale.
En 1957, Neumann publie dans "Plastic and Reconstructive Surgery" la reconstruction d'une oreille traumatique à l'aide d'un ballon rempli d'air.
En 1976, Radowan rapporte l'expérience de l'expansion cutanée à l'aide de prothèses en silicone.
Puis la technique à été affinée par Austrad-Rose (1982), Argenta (1984) et Manders (1984).
Enfin, cette technique a fait l'objet d'un premier congrès international à San Francisco, d'un deuxième congrès international à Marseille, et d'un troisième congrès international au Japon.

Matériel et méthode

Condition d'utilisation
D'une part son utilisation n'est pas toujours possible d'emblée: notion d'urgence, terrain général ou local (sepsis, etc.).

D'autre part, son emploi reste soumis à certaines règles.

Choix de la prothèse
D'une façon générale, il faut prévoir une structure de lambeau expansé, un peu supérieure à deux fois celle de la PDS, donc une prothèse d'expansion avec une base d'implantation au moins supérieure à celle du defect.

La prothèse est en silicone plus au moins épais. Il existe plusieurs formes et tailles mais nous préférons l'expandeur hémicylindrique dont la base d'implantation épouse parfaitement la surface du crâne. Le tube de remplissage est aussi en silicone simple avec un raccord métallique en général. La valve que nous utilisons est interne.
L'incision doit être bien choisie pour ne pas gêner la vascularisation ultérieure du lambeau et être dans une
zone de tension minimum lorsque l'expansion commence. Il faut donc mieux non pas placer l'incision le long de la future PDS mais le plus possible à distance des zones expansées, par une courte incision orientée de façon radiaire par rapport au defect. Le décollement est parfois difficile dans certains endroits, contraignant à utiliser des instruments longs et courbes.
L'expandeur est électrostatique. Il doit être expose a l'air un minimum de temps avec la moindre manipulation, et il doit être rincé. Le premier geste est de le vider de son air.
La valve de remplissage sera placée dans une petite poche différente et à distance, dans une zone de chevelure bien repérable (vertex, lisière frontale) et sera fixée pour éviter tout déplacement ultérieur.
La voie d'abord sera fermée en deux plans, après avoir mis un drain aspiratif. Le gonflage se fait au sérum physiologique. D'emblée 10% du volume total peut être injecté surtout lorsque l'incision est à distance de l'expandeur, ce qui entreine une diminution du saignement par compression, avec un bon déplissage de l'enveloppe prothétique.
Ultérieurement, c'est-à-dire 10 à 15 jours après, le gonflage se fera à la demande deux ou trois fois par semaine en fonction des signes de surveillance (tension ressentie, douleur, aspect de coloration cutanée, alopécie réactionnelle). La durée de remplissage peut s'étaler sur deux à trois mois.
Ce gonflage doit se faire dans les conditions d'asepsie maximale avec une aiguille hypodermique, jamais avec les aiguilles intraveineuses ou intramusculaires. Ces dernières emportent une petite quantité de silicone à chaque injection, favorisant ainsi des fuites.
Au cours de la deuxième intervention, c'est-à-dire 4 gonflage terminé", on pourra effectuer un dernier surgonflage au début de l'intervention, ce qui facilite la mobilité et l'extension du lambeau.
Il existe une capsule (ou coque périprothétique). Certains la gardent totalement, mais elle entreine une rétraction du lambeau, donc on préfère l'enlever. Elle est légerenient hémorragique.
L'incision sera dans la zone expansée et les lambeaux utilisés sont les lambeaux connus: conventionnels, vasculaires. L'expansion cutanée entraîne souvent des oreilles excédentaires. On peut les laisser ou les supprimer, mais il faut savoir qu'elles se résorbent avec le temps.

Avantages et inconvénients

L'avantage principal est le gain de surface considérable dans une zone chevelue de l'organisme, ce qui permet de glisser des lambeaux jusqu'à 15 à 20 cm par avancement et réexpansion plusieurs fois, surtout dans le traitement des calvicies.
Les inconvénients ne sont pas négligeables:

  • coût élevé du traitement
  • astreinte du remplissage progressif
  • déformation gênante difficilement camouflable
  • risque de dégonflage (la valve)
  • souffrance, alopécie transitoire, nécrose cutanée (par gonflage intempestif)
  • infection, d'où l'indication d'un shampooing antiseptique une semaine avant l'intervention et couverture antibiotique
  • risque d'exposition de la valve, mais le remplissage peut s'effectuer malgré une désunion, surtout si on est proche de la deuxième intervention

Notre cas

Fig. 1 - Alopécie cicatricielle pariétale gauche secondaire à une brûlure par eau bouillante Fig. 2 - Expandeur mis en piace en cours d'expansion. Volume total normal: 300 cc.
Fig. 1 - Alopécie cicatricielle pariétale gauche secondaire à une brûlure par eau bouillante. Fig. 2 - Expandeur mis en piace en cours d'expansion. Volume total normal: 300 cc.
Fig. 3 - Ablation de l'expandeur. Couverture de la PDS pour le larnbeau expansé: rotation glissement. Fig. 4 - Résultat à un mois, persistance d'une alopécie linéaire facilement corrigible sans anesthésie locale.
Fig. 3 - Ablation de l'expandeur. Couverture de la PDS pour le larnbeau expansé: rotation glissement. Fig. 4 - Résultat à un mois, persistance d'une alopécie linéaire facilement corrigible sans anesthésie locale.

Conclusion

Les procédés de réparation des pertes de substance du cuir chevelu sont nombreux mais souvent le site donneur est greffé, ce qui pose un problème esthétique. Seule l'expansion du cuir chevelu peut résoudre le problème, d'autant plus que les sites donneur et receveur sont fermés d'emblée, mais il faut savoir qu'il s'agit d'une chirurgie astreignante pour le chirurgien et le patient, et qu'elle obéit à plusieurs règles.

 

RESUME. Different processes can be used to repair an extensive area of scalp damage. The most commonly used method is that using local flaps, but the grafting of the donor site often has unwelcome after-effects. Skin expansion has proved to be of important interest in this type of surgery. This technique allows the repair of large areas of scalp damage with minimum damage. However, the indications for the technique involve a number of rules that must be respected


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This paper was received on 20 November 1997.

Address correspondence to:

Dr M. Boulaadas, Rue Zalagh
Residence Grand-Atlas, App. 17, Agdal
Rabat, Morocco.



 

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