<% vol = 15 number = 3 nextlink = 113 titolo = "BRULURES DOMESTIQUES MORTELLES: ETUDE MEDICO-LEGALE RETROSPECTIVE A PROPOS DE 28 CAS" volromano = "XV" data_pubblicazione = "September 2002" header titolo %>

Razik H., Benyaich H., Chaouki O., Chbani A., Louahlia S.

Institut Médico-légal, Centre Hospitalier Universitaire Ibn Rochd Casablanca Maroc,
Faculté de Médecine et de Pharmacie, Casablanca, Maroc


SUMMARY. Durant l’année 2000 l’Institut Médico-légal du CH Ibn Rochd a compté 33 cas de brûlures mortelles, dont 84,8% sont des accidents domestiques. Toutes les tranches d’âges sont touchées, avec les deux extrêmes de 3 mois et 76 ans. Les victimes sont souvent de bas niveau socio-économique et culturel et présentent fréquemment une surface corporelle brûlée supérieure à 60%. La bouteille de gaz de butane de 3 kg a été le chef de file des agents causals. La mortalité était essentiellement en rapport avec un choc septique. Dans notre contexte la prévention reste le meilleur moyen de lutte - elle doit tenir en compte les traditions et les conditions socio-économiques locales.


Introduction

Les brûlures représentent un événement physique complexe pouvant associer chaleur, explosion, souffle et émanation de gaz toxique. Elles constituent un véritable problème de santé publique de part leur fréquence, leur lourde prise en charge thérapeutique et les problèmes socio-économiques dus aux différents préjudices, aux souffrances morales et aux séquelles parfois graves et invalidantes qu’elles peuvent engendrer. En plus, la victime ou ses ayants droit se voient souvent au cours des brûlures domestiques privés de toute réparation des différents dommages subis.

La mortalité par brûlure reste encore très élevée dans le monde et en particulier dans les pays en développement. Nous rapportons les résultats d’une étude portant sur 28 décès suite à des brûlures domestiques colligés au service de médecine légale de l’hôpital Ibn Rochd de Casablanca.

Notre étude a pour objectifs l’évaluation de la prévalence du décès par brûlure survenue au CHU Ibn Rochd de Casablanca et sa comparaison par rapport à l’ensemble des morts accidentelles, ainsi que l’étude des circonstances et facteurs pronostiques lesquels faciliteront l’élaboration des programmes préventifs.

Matériel et méthodes

C’est une étude rétrospective de vingt-huit dossiers de brûlures domestiques accidentelles, survenues durant l’année 2000 et concernant les patients hospitalisés et décédés au CH Ibn Rochd de Casablanca.

L’analyse du dossier médical, du procès-verbal de la police et parfois de l’interrogatoire de la famille des victimes a permis la collecte des renseignements. Une autopsie judiciaire a été effectuée pour tous ces décès.

Résultats

Durant l’année 2000 l’Institut Médico-légal de Casablanca a compté, en dehors des décès par accident de circulation, 94 morts accidentelles dont 28 cas de brûlures domestiques, soit 29,7%.

L’âge des victimes adultes varie entre 21 et 76 ans, avec une moyenne de 45,2 ± 21,4 ans; pour les cas d’enfants victimes l’âge varie entre 3 mois et 10 ans, avec une moyenne de 4,1 ± 3,1 ans. Les deux sexes sont touchés à la même proportion. Les victimes sont généralement de bas niveau socio-économique (92,8%), sans profession (50%), ou exerçant un métier à revenu modeste (25%). Plus de la moitié des victimes vivaient dans des zones rurales (64,2%). Seul 14,2% des victimes habitant les zones urbaines étaient originaires de Casablanca, ce qui explique que 71,5% des victimes avaient été d’abord hospitalisés dans un hôpital périphérique avant d’être transférés à l’Unité des Brûlés et de Chirurgie Plastique du CHU. Les accidents surviennent le plus souvent durant les vacances scolaires (46,4%), entre 17 et 21 h (35,7%) et pendant le week-end (42,8%). La victime était seule à être touchée dans 75% des cas; par ailleurs, on a compté sept cas de brûlure familiale collective.

Discussion

L’incidence des brûlures est difficile à estimer dans notre pays du fait de l’absence de statistiques nationales. Cependant une étude faite en 1994 a estimé que 2% des urgences globales du CHU Ibn Rochd étaient des brûlures avec un taux de mortalité de 27%, expliqué par les conditions locales inadaptées de la prise en charge depuis le ramassage jusqu’à l’hospitalisation.1 Ce taux reste très élevé comparativement à celui observé dans les séries des pays développés, qui varient entre 0,8% et 14,2%.2,3

Une étude faite aux Etats-Unis a retrouvé que 23% des incendies surviennent à domicile et qu’elles sont responsables de 80% des décès par brûlure.4 Ce chiffre avoisine notre pourcentage: en effet, durant l’année 2000 84,8% des brûlures mortelles sont des accidents domestiques.

Notre étude a retrouvé que 46,5% des victimes sont des enfants, dont 38,5% ont moins de deux ans. En France une étude a montré que sur les 5000 enfants brûlés chaque année 60% sont âgés entre 0 et 3 ans et que dans 85% des cas il s’agit de brûlures domestiques.5

Une étude faite par Boukind6 a relevé comme facteurs de mauvais pronostic les âges extrêmes, les patients provenant en dehors de la ville de Casablanca avec un délai d’hospitalisation supérieur à 6 h, les brûlures par explosion de la bouteille de gaz de butane, une surface corporelle brûlée supérieure à 40%, l’association à une atteinte respiratoire et, enfin, la survenue de complications infectieuses.

Chez la moitié des enfants, les brûlures sont survenues au cours des jeux à proximité de flamme ou liquide chaud. La bouteille de gaz de butane de 3 kg a été incriminée dans plus de la moitié des cas (Tableau I). <% createTable "Table I","Agents responables des brulures domestiques",";Agent causal;Nombre;Pourcentage@;Bouteille de butane (3 kg);18;64,2@;Liquides chauds;5;17,8@;Bougie;4;14,2@;Liquides flammables;1;3,15","",4,300,true %>

Dans 60,7% des cas les brûlures étaient étendues avec une surface corporelle brûlée supérieure à 60% (Tableau II); 71,5% des brûlures avaient été classées graves selon l’échelle UBS (Units Burned Skin > 100). Les zones les plus fréquemment brûlées sont le tronc et le membre supérieur (82,1%), le membre inférieur (75%) et le visage (42,8%). La durée d’hospitalisation varie entre 1 et 30 jours, avec une moyenne de 7 jours.

<% createTable "Table II","Surface corporelle brulée",";Surface corporelle brûlée (%);Nombre;Pourcentage@;10-20;2;7,2@;21-40;7;25@;41-50;2;7,2@;51-60;4;14,2@;61-70;6;21,4@;> 70;7;25","",4,300,true %>

La mortalité lors des premières 48 h était de 28,5%, souvent en rapport avec un collapsus cardiovasculaire ou une détresse respiratoire. Par ailleurs, 67,8% des décès étaient secondaires à un choc septique.


Données nécropsiques

L’autopsie ordonnée par le procureur du roi a permis avec l’enquête policière dans les cas étudiés d’éliminer une origine criminelle et donc de confirmer que le décès était secondaire aux brûlures accidentelles et/ou à leurs complications. Une congestion viscérale prédominante aux parenchymes hépatique et pulmonaire, ainsi qu’un épanchement pleural, ont été retrouvés chez toutes les victimes. 91,6% des victimes avaient un épanchement péricardique et 75% une ascite. Des lésions en rapport avec un choc septique (fausses membranes et/ou suppuration du parenchyme pulmonaire ont été retrouvées dans un tiers des cas).

En pratique médico-légale il convient de confirmer l’origine vitale de la brûlure pour ne pas passer à coté d’un “crime maquillé” et de faire la distinction entre les lésions “réelles” et celles provoquées par la brûlure elle-même (fractures, déchirures ou ouverture des cavités).

Les brûlures par incendie s’associent souvent à une intoxication au monoxyde de carbone, qui peut être, elle seule, responsable du décès.7 Enfin, un médecin légiste doit toujours garder à l’esprit la possibilité de survenue de mort réflexe au décours de l’incendie.

Au Maroc aucune indemnisation n’est prévue pour les accidents domestiques, en dehors des cas ou les victimes ont été affiliés à une assurance privée couvrant ce risque. Les brûlures causées par la petite bouteille de gaz de butane peuvent être indemnisées si la preuve est rapportée concernant le défaut de fabrication. Ceci est en fait très difficile car l’enquête policière réalisée sur les lieux de l’accident ne fait pas appel aux experts et au représentant de la société de fabrication.

Dans notre contexte l’incrimination de la petite bouteille dans la majorité des brûlures peut être expliquée par l’ignorance et l’imprudence du manipulateur et probablement par son étanchéité, qui n’est assurée que par un ressort surmonté d’une bille qui ne sont jamais recyclés, alors qu’elle devrait être munie de vannes de sécurité.

Conclusion

La mortalité par brûlure reste encore très élevée de part le monde et en particulier dans les pays en développement du fait du manque de moyens tant matériel qu’humain, ainsi que de l’énorme disproportion entre le nombre et les capacités limitées des centres spécialisés et la population à desservir.

Ceci rend compte de l’importance d’insister sur les moyens de prévention afin d’espérer une réduction de la mortalité par brûlure et ceci par:


RESUME. During the year 2000 the CH Ibn Rochd Medico-legal Institute in Casablanca (Morocco) dealt with 33 cases of fatal burns, 84,8% of which involved domestic accidents. All age groups were affected, the two extremes being 3 months and 76 years. The victims were often of low socio-economic and cultural level, and they frequently presented a burned body surface of over 60%. The 3-kg bottle of butane gas was the chief causal agent. Mortality was essentially in relation to septic shock. In our context, prevention remains the best way to counteract this problem. Local traditions and local socio-economic conditions will have to be taken into account.


Bibliography

  1. Boukind E.H., Chafiki N., Bahechar N., Alibou F., Terrab S., Boumzebra D., Zerouali O.N.: Les brûlés: profil épidémiologique et éléments de prévention à propos de 1499 patients hospitalisés à l’unité des brûlés de Casablanca, Maroc. Ann. Medit. Burns Club, 7: 57-62, 1994.
  2. Ben Meir P., Sagi A., et al.: An analysis of mortality in patients with burns covering 40% BSA or more: A retrospective review covering 24 years (1964-88). Burns, 17: 402-5, 1990.
  3. MacLoughlin E., Crawford J.D.: Burns - symposium on injury prevention. Ped. Clin. N. Am., 32: 61-74, 1985.
  4. Qureshi N.H.: Indirect lightning strike via telephone wire. Injury, 26: 629-630, 1995.
  5. Mercier C., Blond M.H.: Enquête épidémiologique française sur la brûlure de l’enfant de 0 à 5 ans. Arch. Pediatr., 2: 949-56, 1995.
  6. Boukind E.H., Chlihi A., Chafiki N., Alibou F., Terrab S., Boucheta A., Bahechar N., Zerouali O.N.: Etude de la mortalité par brûlure à propos de 414 cas de décès. Ann. Burns and Fire Disasters, 8: 195-9, 1995.
  7. Risser D., Schneider G.: Carbon-monoxide related deaths from 1984 to 1993 in Vienna. Journal of Forensic Sciences, 40: 368-71, 1995.
<% riquadro "This paper was received on 20 January 2002.

Address correspondence to: Dr. H. Razik, 57 rue 2, groupe W, Oulfa Casablanca, 20202 Maroc. Tél.: 00212 66 309 716; e-mail: saidlouahlia@voilà.fr" %>


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