<% vol = 15 number = 4 prevlink = 187 nextlink = 195 titolo = "PROFIL SOCIOCULTUREL DES PATIENTS BRULES: ETUDE DESCRIPTIVE DE 150 CAS" volromano = "XV" data_pubblicazione = "December 2002" header titolo %>

Alibou P., Diouri M., Mradmi W., Bahechar M., Boukind E.H.

Service des Brûlés et de Chirurgie Plastique, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc


SUMMARY. Les Auteurs se penchent sur le profil socioculturel des patients brûlés. C’est une étude descriptive étalée sur quatre mois (mars-juillet 2001) intéressant 150 patients brûlés admis au Centre des Brûlés et de Chirurgie Plastique du CHU Ibn Rochd de Casablanca (Maroc). Nos patients sont soit hospitalisés soit suivis en ambulatoire et leur âge est > 15 ans. Nous avons analysé les données sociodémographiques, le niveau de vie (revenu, type de logement, profession), les indicateurs culturels et les données sur la santé (couverture médicale et les antécédents médicaux et toxiques). Les Auteurs retrouvent une prédominance de patients issus de milieux défavorisés avec un taux d’analphabétisme élevé. Il s’agit de patients qui vivent en famille nombreuse, en promiscuité, avec un taux de chômage élevé et des ressources financières sous le seuil de la pauvreté. Ces facteurs prédisposent à la brûlure accidentelle quand l’agent causal s’y prête. Les Auteurs soulignent l’intérêt de prendre en considération le profil socioculturel de cette population cible dans l’élaboration de campagnes de prévention adaptées, et d’intégrer dans la prise en charge des brûlés une assistance psychosociale qui s’avère indispensable pour la réhabilitation post-brûlure.


Introduction

L’étude du profil psychosocial du patient brûlé permet de comprendre les conditions et l’environnement dans lesquels survient la brûlure, d’intégrer les paramètres socioculturels qui peuvent interférer dans sa prise en charge et de limiter les conséquences psychosociales à la phase d’adaptation post-brûlure.1-3

Par ailleurs, la connaissance des spécificités socioculturelles d’une population donnée reste un des éléments primordiaux dans l’élaboration d’une stratégie préventive4,5 adaptée en simplifiant les messages et permettant le choix adéquat des moyens de communications à même d’atteindre la population cible dans cette optique.

Notre étude essaie de compléter les données épidémiologiques6 de la brûlure par un profil psychosocial d’un échantillon représentatif de 150 patients brûlés.

Matériel et méthodes

Il s’agit d’une étude descriptive portant sur 150 patients brûlés admis au Centre des Brûlés du CHU Ibn Rochd de Casablanca (Maroc) sur une période de 4 mois (l mars-l juillet 2001), hospitalisés ou suivis en ambulatoire et dont l’âge est supérieur à 15 ans. La spécificité de la brûlure infantile par l’interférence avec le contexte familial et le profil psychosocial des parents exclut les enfants brûlés de cette étude, et fait l’objet d’un autre travail.

Un questionnaire préétabli est rempli après consentement du patient ou de son entourage. Il comporte les données suivantes:

Les données recueillies sont comparées avec les données concernant la population nationale et casablancaise fournies par le recensement de 1998 du Ministère du plan.7-9

L’analyse statistique fait appel à la méthode des moindres carrés avec un seuil significatif à 5%.

Résultats

Concernant les caractéristiques de la brûlure, 92% des brûlures sont accidentelles et 68% sont domestiques.

L’agent causal dominant reste la brûlure par flamme (60% des cas), avec 52% par flammes de butane de 3 kg. Les liquides brûlants représentent 35,26% des cas (Fig. 1).

La répartition selon l’étendue de la brûlure retrouve 54% inférieure à 10% de surface corporelle (SC), 20% entre 10% et 20% de SC et 26% supérieure à 20% de SC.

Les brûlures faciales et le syndrome face-main sont retrouvés dans 46% des cas, et les brûlures du tronc et membres inférieurs dans respectivement 18,0 et 22,1%.

<% immagine "Fig. 1","gr0000021.jpg"," Répartition selon l’agent causal.",230 %>

Le pourcentage des patients hospitalisés était 34,6%.

Concernant les données sociodémographiques (Tableau I), l’âge moyen est de 30,1 ans, avec des extrêmes de 15 et 79 ans (sex ratio, 78 hommes/72 femmes). Pour ce qui concerne la répartition selon l’état matrimonial

<% createTable "Table I ","Données socio-démographiques des patients",";Age§1,4§Moyen: 31,1 ans@;Sexe§1,2§Hommes : 78 cas;Femmes : 72 cas@;Origine§1,3§ @;Urbaine:§1,2§95 cas§1,2§(63,3%)@;Rurale:§1,2§55 cas §1,2§(36,6%)","",4,300,true %>

(Fig. 2), 52% des patients sont mariés; 63,3% des patients sont citadins, dont 22% sont en zone sub-urbaine.

<% immagine "Fig. 2","gr0000022.jpg"," Répartition selon l’état matrimonial.",230 %>

Concernant les données sur le niveau de vie, 42% des patients sont en chômage. La répartition selon la profession (Fig. 3) retrouve 22% d’ouvriers, 18% d’agriculteurs et 10% d’artisans/commerçants.

<% immagine "Fig. 3","gr0000023.jpg"," Répartition selon l’activité.",230 %>

Le revenu mensuel/foyer est inférieur au salaire minimum dans 92% des cas (150 euros/mois). La répartition selon le mode de logement (Fig. 4) retrouve 32% des patients avec moins de 2 pièces et 38% sans cuisine. La moyenne de personnes sous le même toit est de 7 personnes, avec des extrêmes de 2 à 20 personnes/toit.

<% immagine "Fig. 4","gr0000024.jpg"," Répartition selon le mode de logement.",230 %>

Pour les indicateurs culturels choisis (Tableau II) selon le niveau d’instruction, on retrouve 48% d’analphabètes et 38% de niveau primaire. L’étude du profil religieux retrouve 45% de musulmans pratiquants.

Concernant l’entourage et les liens sociaux, on retrouve que 72% bénéficient du soutien de leur famille, 36% des patients bénéficient d’un soutien financier extrafamilial (bienfaiteurs, amis) et 12% vivent seuls.

Pour les données relatives à la santé, seulement 5% des patients ont une assurance maladie (Tableaux III, IV). 18,6% des patients ont des antécédents médicaux pathologiques, dont 7,3% d’ordre psychologique.

<% createTable "Table II ","Indicateurs culturels",";Analphabètes;48%@;Croyants pratiquants;46%@;Entourage; @;-soutien familial;72%@;- soutien extrafamilial;36%","",4,300,true %>

34,5% des patients ont des habitudes toxiques, dont 11,5% d’alcooliques. Nous n’avons pas retrouvé d’habitudes toxiques chez les femmes.

<% createTable "Table III ","Antécédents médicaux",";Brûlure antérieure;7 cas@;Diabète;6 cas@;Epilepsie;4 cas@;Dépression;4 cas@;Psychose;7 cas@;Total;28 cas","",4,300,true %> <% createTable "Table IV ","Habitudes toxiques",";Alcoolisme;9 cas@;Cannabisme;7 cas@;Psychotropes;5 cas@;Association;5 cas@;Total;26 cas","",4,300,true %>

Discussion

La comparaison entre les différentes données psychosociales des patients brûlés et les données disponibles sur la population nationale ou casablancaise7-9 ne relève pas de différences significatives concernant les données sociodémographiques et les indicateurs de niveau de vie, excepté pour les habitudes toxiques et le nombre de personnes vivant sous le même toit.

Les conditions sociales défavorables et la problématique des volets relatifs à l’éducation, au travail, au logement et à la santé de la population générale sont encore une donnée nationale dans les pays en voie de développement et interagissent avec un mauvais état de santé. Ce contexte d’insécurité sociale reste une cause de prédisposition à la brûlure quand l’agent causal s’y prête.10

Le contexte familial de survenue de la brûlure dans notre contexte nous paraît un paramètre important soulevant la notion de familles à risque. Le surpeuplement des foyers avec une moyenne de 7 personnes/toit est significativement élevé par rapport à la population générale. La précarité socioéconomique pousse les familles à vivre à plusieurs pour faire face au quotidien et explique la proximité et la surcharge en personnes par foyer. Plusieurs Auteurs ont souligné ce danger: les familles dont les ressources financières sont limitées, avec un grand nombre de personnes sous le même toit et sans aide sociale, ont une probabilité majeure d’être victimes de brûlure.2,11-13 En plus, les caractéristiques de la cellule familiale (conflits, désorganisation) seraient associées à la survenue d’accidents tels que la brûlure, indépendamment du niveau socioéconomique.14

Un lien significatif avec les brûlures par flamme de butane s’explique à ce niveau par la surutilisation du gaz (chauffage, électricité, cuisson) et la multiplication des manœuvres dans l’utilisation de la bouteille de 3 kg augmentant le risque de survenue de brûlures accidentelles.

Les habitudes toxiques et le profil psychologique, en plus d’être liés aux conditions sociales défavorables, sont facteurs d’imprudence, de négligence et de déséquilibre familial.

L’amélioration du niveau de vie et du soutien social ont des résultats favorables sur le niveau de santé et agissent comme pare-chocs contre la probabilité de survenue de brûlure.3,15 Il nous semble prioritaire d’agir dans notre contexte sur:

Conclusion

Le profil socioculturel des patients brûlés, bien que peu différent de celui de population générale, reste un profil à risque avec des paramètres sociaux et culturels alarmants sur le plan de l’éducation, du logement, de la santé et du niveau économique.

La connaissance de ce profil permet d’améliorer la prise en charge des patients brûlés par la compréhension de leur environnement socioculturel.

Il reste primordial dans notre contexte d’adapter les stratégies de prévention à notre population et d’intégrer un soutien psychosocial dans le traitement des brûlés pour une meilleure réhabilitation et adaptation post-brûlure du patient et de son entourage.


RESUME. Our work is an analytical descriptive study of the sociocultural profile of burn patients. The study, which covers a period of four months (March-July 2001), concerns 150 burn patients admitted to the Plastic Surgery Department and Burns Centre, CHU Ibn Rochd in Casablanca (Morocco). The patients were either hospitalized or treated as out-patients and were over 15 years of age. We analysed sociodemographical factors, the standard of living (salary, accommodation, profession, health), and cultural indicators. It was found that the patients tended to have a low standard of living and to be illiterate and unemployed. The patients lived in large families, crowded conditions, and poor accommodation. These factors constitute risks for accidental burns. The importance is stressed of including the sociocultural profile in the elaboration of a preventive campaign and of including psychosocial assistance in the treatment of burns, which is an essential part of functional adaptation and post-burn rehabilitation.


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<% riquadro "This paper was received on 2 October 2002.

Address correspondence to: Dr Fouad Alibou, Foyer des enseignants, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc." %>

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