<% vol = 16 number = 1 nextlink = 28 prevlink = 19 titolo = "SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE CHEZ LES SAPEURS POMPIERS FRANÇAIS" volromano = "XVI" data_pubblicazione = "March 2003" header titolo %>

Flaujat A., Soldin M.

Service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault, Olonzac, France


RESUME. Les sapeurs pompiers et les différents intervenant des services de secours ont besoin d’un soutien psychologique, au moins dans deux circonstances: lorsqu’ils ont frôlé leur propre mort et lorsque, soumis à des stress intenses ou répétés par leur profession, ils risquent de présenter ultérieurement des troubles psychiatriques sévères ou de décompenser un équilibre psychologique antérieur précaire. Il existe des techniques psychologiques de soins immédiats sur les lieux et post-immédiats dans la semaine qui suit, dérivées des thérapeutiques cognitivo-comportementales et mises au point par J.T. Mitchell pour les pompiers de New York. Cependant l’utilisation de ces techniques ne doit pas être systématique mais répondre à des situations d’exception pour garder leur efficacité. Il est nécessaire que l’ensemble des sapeurs pompiers français se dote de personnel compétent apte à les mettre en œuvre.


Introduction

Le soutien psychologique apparaît nécessaire chez les sapeurs pompiers dans deux circonstances:

Sentiment de mort imminente

Dans le premier cas, lors de la vision de sa propre mort, le sapeur pompier se retrouve dans la même position que le rescapé d’un attentat, d’une catastrophe ou simplement d’une prise d’otage et devra donc bénéficier d’un soutien psychologique immédiat, comme cela a été organisé en France dès août 1995 à l’instigation du Général Crocq, à la suite de l’attentat du Métro St Michel à Paris le 25 juillet 1995, officialisé ensuite par la circulaire du 28 mai 1997 (création des “Cellules d’Urgence Médico Psychologiques Régionales” au nombre de sept, avec un psychiatre référent dans chaque département, psychiatre nommé par le préfet).

Dans une faible mesure les sapeurs pompiers peuvent au cours de leur cursus de formation être préparés et armés pour affronter ces circonstances exceptionnelles, mais il y aura toujours une circonstance inattendue pour laquelle il n’auront pas été préparés.

C’est une situation relativement fréquente, que ce soit lors d’incendies: embrasement brutal piégeant les hommes dans un bâtiment en feu, explosions, électrocution; soit lors de secours routiers embrasement et explosion d’un véhicule, véhicule fonçant sur les sauveteurs malgré le balisage.

Le sapeur pompier a pendant et au décours de cette intervention perdu ce sentiment d’invulnérabilité qui nous habite tous (“l’accident ne peut nous arriver à nous, c’est pour les autres, les maladroits, les malchanceux…”), il s’est senti à ce moment-là profondément seul, il en voudra à ses collègues, à la société toute entière de cette solitude face à une mort imminente, apparemment inéluctable; le fait d’en être sorti sans dommages ne va pas pour autant le rassurer, il gardera le sentiment de n’avoir pas été à la hauteur des circonstances, de n’avoir pas su réagir correctement, pas pris les bonnes décisions au bon moment, il peut même se culpabiliser d’avoir mis en danger la vie de ses collègues, avoir honte de la peur et de l’angoisse ressentie, qui ne cadrent pas avec l’image qu’il se fait ou qu’il veut donner du sapeur pompier.

Cette situation relève d’un soutien psychologique immédiat ayant pour objectif:

Elle relève aussi d’un soutien psychologique post-immédiat qui devra être organisé dans la semaine qui suit l’événement et aura pour objectif:

Stress intense et accumulation des stress

Le stress ressenti est une réaction normale face à tout événement soudain et brutal. Il comprend un volet d’adaptation physique de l’organisme (sécrétion d’adrénaline et de cortisol, modification de la répartition du sang dans l’organisme, augmentation de l’acuité sensorielle) et un volet d’adaptation psychique et mentale (hypervigilance, concentration, hyperactivité cérébrale, augmentation des capacités d’évaluation, mobilisation de mécanismes de défense contre l’angoisse et la peur), et tout cela constitue le stress adapté, qui est bénéfique et salvateur.

Le stress intense est:

Ce stress intense peut s’accumuler avec d’autres stress de moindre importance arrivant ainsi à briser la barrière mentale que nous élevons inconsciemment entre le stress et l’angoisse.

Générateur d’angoisse, ce stress intense ou cette accumulation de stress va parfois entraîner un comportement inadapté: sidération sur place ou fuite éperdue, il va surtout occuper entièrement notre esprit, assez longtemps après l’événement souvent durant trois à quatre jours, avec en particulier des cauchemars et une véritable rumination mentale s’estompant progressivement.

Il peut enfin déclencher chez 10% des hommes et 20% des femmes l’apparition ultérieure, trois mois plus tard ou plus parfois, d’un syndrome psychotraumatique, ou “post-traumatic stress disorder” des Anglo-saxons, classé dans le DSM III des troubles psychologiques en 1980, se révélant par une symptomatologie spécifique caractérisée par:

F un syndrome de reviviscence:

F des conduites d’évitement:

F une symptomatologie neurovégétative:

F des troubles du comportement et de la relation:

Ces troubles étaient connus des psychiatres militaires et avaient déjà été décrits durant la première guerre mondiale sous le nom de névrose de guerre.

L’ensemble des intervenants des services de secours peuvent en être atteint, sans compter le risque pour certaines personnalités psychiquement fragiles de décompenser sous forme d’une maladie mentale classique.

Mesures préventives

Dans une certaine mesure, l’apparition de ces troubles peut être prévenue par:

<% riquadro "Le debriefing doit passer par sept phases:
1. phase d’introduction: l’un des animateurs rappelle les principes et les règles du débriefing;
2. phase de description: chaque participant décrit les événements tels qu’ils se sont déroulés ainsi que son rôle;
3. phase de réflexion: chaque participant révèle ses pensées, ses sensations et ses impressions sensorielles;
4. phase de réaction: l’animateur fait ressortir émotions et sentiments du récit de chacun et les fait comparer à ceux des autres participants;
5. phase des symptômes: chaque participant décrit ses changements de comportement depuis l’événement ainsi que les manifestations somatiques;
6. phase d’enseignement: l’animateur résume les pensées, les sensations, les émotions et le vécu de tous les participants, faisant ressortir les similitudes pour les “normaliser”; il brosse un tableau sommaire des risques psychologiques ultérieurs et en propose le suivi;
7. phase de conclusion: l’animateur répond aux questions du groupe, indique les stratégies de suivi possibles, et propose ensuite une conversation à bâtons rompus autour d’un verre." %>

Mesures curatives

Des traitements dérivés des thérapeutiques cognitivo-comportementales ont été proposés par J.T. Mitchell et Bray (Table I) psychologues des pompiers de New York et appliquées dès 1994, sous le nom de traumatic event debriefing.

Ces mesures comprennent deux types de thérapeutiques complémentaires:

Chaque participant doit faire son récit en entier, ne pas garder, à la fin de la séance, le sentiment de ne pas avoir été écouté. L’animateur l’incite à raconter non seulement les faits, mais au-delà, ce qu’il a ressenti, ses émotions, dans les minutes qui ont précédé l’intervention et aux différentes phases de celle-ci.

L’objectif de la séance va être de:

A l’issu de la séance une information est donnée sur le risque de “syndrome psychotraumatique” et, sur ses premiers signes, les moyens de contacter ultérieurement les animateurs sont laissés à tous.

Il existe une polémique sur l’intérêt réel de ces techniques, surtout sur la manière dont elles sont pratiquées aux Etats Unis, où le debriefing est systématique à chaque retour d’intervention. Il est compréhensible que, devenant alors une routine, elles perdent de leur impact psychologique et n’amènent que des réponses purement formelles et conventionnelles. Ces techniques doivent être des techniques d’exception répondant à des événements exceptionnels.

Les pièges

Le récit trop parfait identique chez tous - c’est souvent le cas lorsqu’une opération ne s’est pas bien passée. Les hommes craignent que ce debriefing ne soit qu’un prétexte à une recherche de faute technique ou de responsabilité, ils se sont concertés, ils ont bâti un récit commun et le débitent tous à l’identique:

La cellule de soutien psychologique chez les sapeurs pompiers

Mission: Assurer le soutien psychologique des sapeurs pompiers en opération, ce qui entre tout à fait dans le cadre des missions générales et exclusives du service de santé et de secours médical des sapeurs pompiers telles qu’elles sont énumérées dans l’article 24 du décret n° 97-1225 du 26 décembre 1997 relatif à l’organisation des services d’incendie et de secours (alinéa 4).

Moyens: Le personnel du service de santé formé à ces techniques - médecins, psychiatres, infirmiers - en sachant que la plupart des psychiatres de ville ne sont pas formés à ces techniques ponctuelles et brèves reposant sur un unique contact, centrées sur un événement unique, alors que le travail habituel du psychiatre est un travail de longue haleine, d’exploration de la personnalité, nécessitant des entretiens multiples. Ce personnel du service de santé peut être formé par l’université (études de psychologie, DIU de victimologie…) ou au sein du service par formation continue et compagnonnage.

Le personnel extérieur peut être recruté comme expert en application de l’arrêté du 6 mai 2000 - essentiellement des psychologues dont le recrutement n’est pas prévu comme membres du service de santé, mais aussi des psychiatres et plus particulièrement le psychiatre référent départemental de la cellule d’urgence médico-psychologique, pour former et encadrer le personnel du service de santé; en effet ils se retrouveront côté à côté lors des dispositifs de grande ampleur et des catastrophes.

Une information et une formation spécifique doivent être diffusées au sein du service de santé: information et formation sur le defusing à tout le personnel de santé; information et formation d’un groupe de volontaires pour le debriefing.

Fonctionnement opérationnel: établir une liste des situations à risques avec des fiches réflexes pour les stationnaires du Centre Opérationnel Départemental d’Incendie et de Secours (CODIS).

Chaque fois que se présente une de ces situations, le stationnaire alerte le membre de la cellule de soutien psychologique d’astreinte et celui-ci décide soit de se rendre sur les lieux, soit de demander à un membre du service de santé du corps concerné de s’y rendre pour pratiquer un defusing immédiat sommaire et évaluer la nécessité d’un debriefing ultérieur.

En cas de catastrophe de grande ampleur, ce personnel spécialisé du Service de Santé et de Secours Médical se rendra sur les lieux pour assurer le soutien psychologique des sapeurs pompiers en opération et se mettra éventuellement à la disposition de la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique et du psychiatre référent départemental pour apporter son aide aux populations.

Il ne s’agit que d’une prise en charge ponctuelle des traumatismes psychologiques d’ordre professionnel dues aux interventions, qui ne devra pas durer au-delà de 15 jours. Toutes nécessités de traitement au long cours et de traitement de troubles majeurs de la personnalité révélés par l’intervention et la révélation de pathologies psychiatriques antérieures méconnues jusque-là devront être rapidement orientées sur les services psychiatriques et médicaux compétents.


SUMMARY. Firemen and all emergency team members need psychological support, at least in two circumstances: when they come close to death and when they are subjected to intense or repetitive professional stress. In such cases, they risk subsequent severe psychiatric disorders or further damage to an already delicate psychological stability. Psychological techniques exist for immediate care, on the scene, and post-immediate, the following week, derived from cognitive and behavioural therapy, perfected by J.T. Mitchell for New York firemen. However the use of these techniques is not systematic, but rather a response to exceptional situations for the maintenance of efficiency; it is necessary that all French firemen should have access to competent staff qualified in this field.


<% riquadro "This paper was received on 18 February 2003.

Address correspondence to: Dr Alain Flaujat, Médecin Commandant, Formation “plans de secours et urgences collectives”, 4 Rue Droite, 34210 Olonzac, France.E-mail: alain.flaujat@libertysurf.fr" %>
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