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vol = 16
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titolo = "DEPRESSION POST-BRULURE: PREVALENCE ET FACTEURS FAVORISANTS. ETUDE PROSPECTIVE SUR 117 PATIENTS BRULES"
volromano = "XVI"
data_pubblicazione = "March 2003"
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Alibou P., Diouri M., El Mounjid S., Bahechar M., Boukind E.H.
Service des Brûlés et de Chirurgie Plastique, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
RESUME. Il s’agit d’une étude prospective intéressant 117 brûlés adultes sur une période de 4 mois (1er août-1er décembre 2001). Evaluant la prévalence de la dépression post-brûlure, la sévérité de dépression est étudiée par l’échelle du Beck Depression Inventory. Différents facteurs sont analysés pour retrouver des liens de causalité avec la morbidité psychologique post-brûlure: facteurs socio-démographiques, brûlure (agent, étendue, siège), et le type de soutien social et familial. Les résultats obtenus montrent 53,9% de dépression, post-brûlures, dont 20,5% sont sévères. La survenue et la sévérité de la dépression post-brûlure sont liées significativement à la brûlure (étendue, siège). Elle est aggravée par la précarité socio-économique des patients brûlés et des conditions de vie alarmantes. Le soutien socio-familial et spirituel sont liés à une évolution favorable, limitent le retentissement psychologique de la brûlure et ses conséquences socio-professionnelles et restent des paramètres primordiaux d’accompagnement des patients brûlés.
Introduction
La brûlure représente un accident de gravité variable laissant d’importantes séquelles aussi bien fonctionnelles qu’esthétiques avec leurs corollaires psychologiques.
La morbidité psychologique post-brûlure peut revêtir plusieurs aspects: dépression, angoisses, réactions de régressions et de dénégation, comportements psychotiques…1-4
La gravité du retentissement psychologique conditionne directement la réussite ou l’échec du processus d’adaptation psychosociale et de réhabilitation fonctionnelle du brûlé.5,6
Plusieurs paramètres influencent la cicatrisation psychologique et le profil de la dépression post-brûlure:
- le profil propre du patient brûlé;
- les caractéristiques de la brûlure;
- la qualité de l’entourage et du soutien social;
- la qualité des relations avec l’équipe soignante en tant qu’acteur principal dans le rétablissement physique et psychologique des patients brûlés.
Notre étude prospective dresse un profil de la prévalence de la dépression post-brûlure et les différents facteurs favorisant sa survenue et sa sévérité dans notre contexte.
Matériel et méthodes
L’élaboration de ce travail est basée sur une étude prospective intéressant 117 patients brûlés sur une période de 4 mois (août-décembre 2001). Nos patients sont suivis en ambulatoire ou hospitalisés pour la phase aiguë, et suivis en consultation pour la phase de séquelles.
Une fiche d’exploitation est remplie après consentement du patient et renferme les données suivantes:
- âge, sexe, état matrimonial;
- cotation de la dépression selon le Beck Depression Inventory (BDI)2,7 et comprenant 21 questions/composantes. Le score individuel est regroupé comme suit: 0-9 = normal; 10-19 = dépression modérée; > 20 dépression sévère;
- caractéristique de la brûlure (type, étendue et siège);
- profil religieux;
- type de soutien social et familial;
- type de retentissement socio-professionnel.
L’analyse statistique est descriptive. Dans l’analyse bivariée le test chi-2 d’indépendance est utilisé pour l’analyse des variables qualitatives. Le seuil de signification retenu est de 5%.
Analyse des résultats
- La répartition des patients selon le score BDI (Fig. 1) retrouve 53,9% de dépression avec 20,5% de dépressions sévères.
- La répartition des patients selon l’âge (Fig. 2) retrouve une moyenne de 29,4 ans, avec des extrêmes de 15 et 67 ans. La moyenne d’âge des patients dépressifs est de 27,3 ans, avec 52,3% entre 15 et 30 ans. L’analyse de l’âge et du score BDI ne retrouve pas de différence significative.
<% immagine "Fig. 1","gr0000012.jpg","Répartition selon le score BDI.",230 %> |
<% immagine "Fig. 2","gr0000013.jpg","Répartition selon l’âge et le score BDI.",230 %> |
- La répartition selon le sexe (Fig. 3,4): le sex-ratio femmes/hommes était 1,2, avec 53,97% de femmes. L’analyse du score BDI en fonction du sexe retrouve une différence significative pour les dépressions sévères: 79, 1% des dépressions sévères sont retrouvées chez les femmes.
<% immagine "Fig. 3","gr0000014.jpg","Répartition selon le sexe et le score BDI.",230 %> |
<% immagine "Fig. 4","gr0000015.jpg","Répartition selon le sexe des patients dépressifs.",230 %> |
- La répartition selon l’état matrimonial (Tableau I) retrouve 55% des patients mariés et 39,3% de patients célibataires. L’analyse des patients dépressifs et du statut matrimonial retrouve 71,7% de dépression modérée chez les patients mariés; 70,2% des dépressions sévères sont retrouvées chez les patients célibataires.
<% createTable "Table I ","Répartition selon l'éat matrimonial et le sore BDI",";Score BDI Etat matrimonial;0-9;10-19;>20;Total@; n %;n %;n %;n@;Célibataires;22 40,7;10 25,6;14 58,3;46@;Mariés;30 55,5;28 71,7;7 29,1;65@;Veufs (veuves/divorcés (ées);2 3,7;1 2,5;3 12,5;6@;Total;54 100;39 100;24 100;117","",4,300,true %>
- Selon l’agent causal (Tableau II): les brûlures par flammes sont retrouvées dans 60,6% des patients. L’analyse des patients dépressifs et l’agent causal retrouve une différence significative pour les brûlés par flammes, 66,6% des dépressions sévères sont secondaires aux brûlures par flammes. Les quatre cas de brûlure électrique présentaient tous un état dépressif.
<% createTable "Table II ","Répartition selon l'agent causal et le sore BDI",";Score BDI Agent causal;0-9;10-19;>20;Total@;Flammes;34;21;16;71@;Liquides brûlants;20;16;5;41@;Brûlures électriques;0;2;2;4@;Brûlures chimiques;0;0;1;1@;Total;54;39;24;117","",4,300,true %>
- Selon l’étendue (Tableau III): 57,2% des patients ont moins de 10% de surface brûlée. L’analyse du score BDI et de l’étendue est significative pour la sévérité de la dépression et une surface corporelle brûlée > 20%.
<% createTable "Table III ","Répartition selon l'étendue et le sore BDI",";Score BDI TBSA;0-9;10-19;>20;Total@;>10%;37;26;4;67@;10-20%;10;8;10;28@;>20%;7;5;10;22@;Total;54;39;24;117","",4,300,true %>
- Selon la phase de brûlure (Tableau IV): 65,8% des patients sont à la phase aiguë. Nous n’avons pas retrouvé de différence significative selon la phase de brûlure et le score BDI.
<% createTable "Table IV ","Répartition selon la phase de brûlure et le score BDI",";Score BDI Phase de brûlure;0-9;10-19;>20;Total@;Aiguë;29;29;19;77@;Séquelles;25;10;5;40@;Total;54;39;24;117","",4,300,true %>
- Selon le type de soutien social (Tableau V): 22,2% des patients ne bénéficiaient d’aucun soutien social. L’analyse du soutien social et du score BDI retrouve une différence significative: 34,9% des patients dépressifs n’avaient aucun soutien social, et seulement deux patients avec soutien familial et extrafamilial ont une dépression sévère.
<% createTable "Table V ","Répartition selon le type de soutien et la dépression",";Score BDI Type de soutien;Dépressif;Non dépressif;Total@;Familial;18;26;44@;Extrafamilial;13;9;22@;Association;10;15;25@;Pas de soutien;22;4;26@;Total;63;54;117","",4,300,true %>
- Selon le profil religieux (Tableau VI): 42,7% des patients de l’étude sont musulmans pratiquants. Le lien est significatif selon le score BDI. Seulement 23,7% des patients dépressifs sont pratiquants.
<% createTable "Table VI ","Répartition selon le score relgieux et le sore BDI",";Croyant non pratiquant;48;19;67@;Pratiquant;15;35;50@;Total;63;54;117","",4,300,true %>
Discussion
Il ressort de notre étude un taux élevé de dépression post-brûlure, avec 53,9% des cas pour 20,5% de dépressions sévères, avec un retentissement socio-professionnel et familial important (59,2%). Plusieurs Auteurs soulignent la morbidité psychologique post-brûlure avec une part importante à la dépression.1-4,8,9 La dépression dont la sévérité est variable, allant jusqu’au désir de mort, doit être dépistée précocement et son traitement fait partie intégrante de la prise en charge du patient. Le rétablissement psychologique reste directement lié à la capacité du patient brûlé à mener à bien son processus d’adaptation et de réhabilitation.10
Plusieurs caractéristiques sont retrouvées dans notre série:
- La prédominance féminine, avec 79,1% des dépressions sévères, décrite par plusieurs Auteurs2,9 est liée à l’importance de l’image du corps chez la femme et au déséquilibre au sein de la famille de son rôle de mère et d’épouse (proportion élevée de femmes mariées). S’ajoute dans notre contexte, oû les familles sont organisées sur un mode autoritaire patriarcal, une aggravation de la marginalisation de la femme par le handicap physique lié à la brûlure.
- La sévérité de la dépression est significativement liée à la brûlure par son siège et son étendue. La douleur, le siège en zone découverte (face, mains), les séquelles fonctionnelles et esthétiques sont autant de facteurs dont le retentissement psychologique est souligné par plusieurs Auteurs.2,6 La fréquence des dépressions dans les brûlures par flammes conforte ce fait. Les caractéristiques de la brûlure par flammes intéressant la face et les mains et des surfaces étendues et profondes, de même que la survenue de brûlures en groupes avec plusieurs membres de la même famille.
- La précarité économique de nos patients et le bas niveau culturel et social s’ajoutent à la survenue de la brûlure pour submerger les mécanismes de défense et l’équilibre du patient et de son entourage.
- La complexité de la prise en charge de la brûlure exige un minimum de compréhension et de connaissances de la part du patient et de son entourage. Les brûlés de bas niveau culturel suivent difficilement l’équipe soignante dans ses préoccupations thérapeutiques. La non-adhésion du patient et de son entourage aggrave le retentissement psychologique et la survenue de dépression à la phase aiguë. Une participation active aux soins et une compréhension de tout le processus thérapeutique aide à limiter l’impact psychologique avec la sensation du patient d’être acteur de sa propre guérison.10,11
- La disponibilité des soutiens familiaux et sociaux liés à un support financier et moral joue un rôle tampon dans le retentissement psychologique et la sévérité de la dépression et aide à préparer le processus d’adaptation post-brûlure.10,11
- En plus, nous avons retrouvé un lien significatif entre le profil religieux et la fréquence et la sévérité de la dépression. Le fatalisme permet de dépasser la phase de crise dans les brûlures accidentelles.10,13 Le soutien spirituel est un facteur protecteur contre la morbidité psychologique post-brûlure. C’est un refuge pour le patient et permet une meilleure tolérance et acceptabilité du patient brûlé par son entourage.13
Conclusion
Outre le diagnostic et le traitement précoces de la dépression post-brûlure du fait de sa fréquence et sa sévérité, il faut souligner le caractère urgent de l’intégration du soutien psychosocial dans la prise en charge des brûlés et de leur entourage. Le retentissement psychologique de la brûlure interagit avec l’efficacité du traitement médico-chirurgical (adhésion au traitement, gestion de la douleur suivi des séquelles) et compromet le rétablissement physique du patient brûlé.
Plusieurs facteurs rentrent en jeu dans la qualité des soins et du soutien psychosocial au patient brûlé. Il fait appel à l’équipe soignante dans sa dimension multidisciplinaire: brûlologues, psychologues, assistantes sociales, infirmiers…) et revêt une importance primordiale, particulièrement à la phase de réinsertion sociale et professionnelle du brûlé.
Il inclut:
- Une bonne volonté d’écoute active et de soutien moral adapté à chaque stade de la brûlure.
- Centrer l’intérêt du brûlé et de sa famille sur les véritables priorités du traitement et éviter les réactions disproportionnées par rapport à la brûlure.
- Prévenir la démission morale et ses angoisses en facilitant le dialogue, en stimulant l’expression des demandes et centres d’intérét et en déterminant oû les capacités de l’équipe soignante et du patient peuvent étre développées.
- Aider le patient brûlé à atteindre un néo-équilibre et à effectuer un deuil positif concernant l’image de soi, particulièrement pour les atteintes de la face.
- Intégrer la famille dans le processus d’adaptation et lutter contre les préjugés sur les “défigurés” et les handicapés.
- Les thérapies de groupe avec des brûlés à différents stades.
ABSTRACT. Our work is an exploratory study on the prevalence and contributory factors of post-burn depression, over a period of four months (August-December 2001), concerning 117 burned adults. Depression severity was measured by the Beck Depression Inventory (BDI). We analysed the relationship between sociodemographic factors, burn characteristics, social and family support, and BDI score. The findings were 53.9% post-burn depression and 20.5% severe depression, with a significant relationship to the percentage and site of the burns and the severity of post-burn depression, low standard of living, and the poverty of burn patients. Social, family, and spiritual support are beneficial and constitute protective factors with regard to post-burn depression and its severity. Proposals are made, aiming at better therapeutic efficiency and psychological recovery.
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<% riquadro "This paper was received on 2 November 2002.
Address correspondence to: Dr Fouad Alibou, Foyer des enseignants, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc." %>
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