Annals of the MBC - vol. 2 - n' 1 - March 1989

A PROPOS DE LA CONDUITE A TENIR CHEZ LES ACCIDENTES ELECTRIOUES PORTEURS DE BRULURES GRAVES

Cabanes J.

Comité des Etudes Médicales d'Electricité - Gaz de France, France


RESUME. La pratique, de part des Médecins d'Electricité-Gaz de France, de recommander aux secouristes de donner à boire aux accidentés électriques porteurs de brûlures graves une solution salée et alcaline isotonique a été supprimée parce que cette technique était insuffisante pour assurer une réhydratation et une alcalinisation correctes. En outre elle n'était pas sans danger car elle pouvait entraîner des troubles de la déglutition et comportait un risque si une anesthésie devenait nécessaire. Aujourd'hui le transport des accidentés est plus rapide, comme par exemple par l'hélicoptère, et cette technique n'est guère nécessaire, sauf peut-être pour les accidents dans des sites difficiles d'accès.

Pendant longtemps les médicins d'Electricité-Gaz de France recommandaient aux secouristes de donner à boire aux accidentés électriques porteurs de brûlures graves une solution salée et alcaline isotonique.
Cette pratique avait eu pour base les travaux de Fischer (Suisse), puis ceux de Fox (Etats-Unis) et Allgower (Suisse) qui semblaient montrer que l'alcalinisation évitait ou minimisait la précipitation de chromoprotéines et les accidents oligoanuriques observés avec une plus grande fréquence chez les brûlés électriques que pour les brûlures d'autres origines.
Elle consistait à faire ingérer à l'accidenté électrique une quantité de 500 ml d'une solution salée et bicarbonatée isotonique.
Cette pratique n'était recommandée que dans les cas de brûlures graves de plus de 10% de la surface corporelle, et surtout lorsqu'il s'agissait de brûlures électriques vraies dues au passage du courant (brûlures électrothermiques).
Elle comportait enfin quelques contre indications:

  • accident secouru tardivement
  • et surtout vomissements et troubles de la conscience.

Cette pratique a été supprimée du "Manuel de Secourisme d'E.D.F.-G.D.F." car plusieurs arguments plaidaient contre elle:

  • elle était insuffisante pour assurer une réhydratation et une alcalinisation correctes qui auraient nécessité l'ingestion de quantités plus importantes
  • enfin, elle n'était pas sans danger car elle pouvait entraÎner des troubles de la déglutition et comportait un risque si une anesthésie devenait nécessaire.

Enfin, d'importants progrès avaient été faits dans le transport des accidentés: amélioration du réseau routier, possibilité d'hospitalisation dans un service proche et surtout utilisation de l'hélicoptère ou de l'avion qui permettent l'hospitalisation de l'accidenté dans un service compétent sinon spécialisé dans un délai raisonnable.

1 ère Enquête Brulure
Oligoanuries
1494 cas
15 cas soit 1%
2ème Enquête Brulure
Oligoanuries
1142 cas
7 cas soit 0.6%

Table I

Nous étudions au Comité des Etudes Médicales d'Electricité-Gaz de France les accidents électriques depuis une trentaine d'années. Or, l'époque à laquelle cette recommandation a été supprimée se situe approximativement entre nos deux dernières enquêtes qui, l'une et l'autre, ont porté sur une période de 10 ans: la première de 1960 à 1969, la seconde de 1970 à 1979.
Il nous a donc paru intéressant de comparer la fréquence des accidents oligoanuriques au cours de ces deux enquêtes:

  • dans la première d'entre elles, nous avions observé 1494 cas de brûlures sur 1754 accidents électriques' (85%)
  • dans la deuxième enquête, 1231 accidents et 1142 cas de brûlures (93%).

Sur les 1494 cas de brûlures électriques de la première enquête, nous avions observé 15 cas d'oligoanurie, ce qui représente 1% des cas de brûlures.
Dans la deuxième enquête, sur 1142 cas de brûlures, nous avons observé 7 cas d'oligoanurie, ce qui représente un pourcentage nettement inférieur: 0,6% (table 1).
Par ailleurs, si l'on étudie la gravité des accidents oligoanuriques, on s'aperçoit que

  • dans la première enquête 11 cas sur 15 ont eu une évolution mortelle
  • dans la deuxième enquête, seulement 4 sur 7, ce qui représente un pourcentage très comparable de 70% et 60% (table 2).
lère Enquête 11 décès sur 15 oligoanuries soit 70%
2ème Enquête 4 décès sur 7 oligoanuries soit 60%

Table 2  - GRAVITÉ DES ACCIDENTS OLIGOANURIQUES

On peut donc résumer ces quelques résultats de nos deux enquêtes en disant que nous avons observé:

  • une diminution de la fréquence des accidents électriques en grande partie liée aux mesures de prévention
  • une diminution de la fréquence des brûlures
  • une diminution du nombre des accidents oligoanuriques proportionnellement aux brûlures
  • et, enfin, un pourcentage inchangé du nombre des décès liés aux accidents oligoanuriques.

Il nous paraît donc évident que les mesures d'alcalinisation et de réhydratation autrefois préconisées étaient inutiles.
Seule pourrait peut-être se poser la question d'une réhydratation en dehors d'un milieu hospitalier pour les accidents survenant dans des sites particulièrement difficiles d'accès, ce qui est le cas des accidents dans les régions montagneuses, surtout en période hivernale.
Il nous semble que l'utilisation de l'hélicoptère soit la meilleure réponse à donner. Nous aimerions avoir l'avis des réanimateurs, anesthésistes et chirurgiens sur cette question.

SUMMARY. It used to be the practice of the physicians of the French Electricity and Gas Service to recommend that rescue workers should make the victims of severe electrical burn accidents drink an isotonic salt and alkaline solution. This technique has been abandoned because it was inadequate to ensure correct rehydration and alkalinization. It was also not without danger as it sometimes caused problems in swallowing and led to risks if anaesthesia later became necessary. Today the transport of accident victims is more rapid, as for example by helicopter. This technique is now scarcely necessary, except perhaps for accidents occurring in rather inaccessible places.




 

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