Annals of the MBC - vol. 2 - n' 2 - June 1989

ETUDE STATISTIOUE, SUR UNE SERIE DE 1443 BRULES, DE CEUX OUI ONT EU BESOIN D'UNE ASSISTANCE RESPIRATOIRE IMMEDIATE OU PRECOCE

Masse CI., Sanchez R., Perro G., Cutillas M., Bourdarias B., Castede J. CI., Le Roux S.

Hopital Pellegrin-Tripode, Bordeaux, France


RÉSUMÉ. La réanimation respiratoire fait partie intégrante de la prise en charge thérapeutique des brûlés, et ce, dès la phase initiale. Sur une série de 1443 brûlés, 268 ont dû être intubes et le plus souvent mis sous respiration artificielle dont 216 avant le cinquième jour, et les deux-tiers le jour même de la brûlure, parfois avant le transport en service spécialisé. Cette étude a pour objet, non pas de définir ce qui doit être fait, mais d'analyser ce qui a été fait dans une série homogène et un contexte thérapeutique donné.

Dans l'idée que nous nous faisons du traitement des brûlures sévères ou critiques, la suppléance respiratoire, en fait l'intubation trachéale et la respiration artificielle, tient une place essentielle. Précoce, elle doit souvent être entreprise dès le début de la prise en charge. Cette communication n'est pas un plaidoyer en faveur d'une attitude, n'est pas, non plus, une étude critique des indications, mais simplement un regard en arrière pour préciser la place exacte qu'elle a tenu dans notre pratique au cours des dernières années. Nous nous limiterons ici à l'étude statistique des circonstances dans lesquelles elle a été utilisée.
Sur une période de six ans, de 1981 à 1986, 1443 brûlés ont été hospitalisés dans le Service des Brûlés de Bordeaux, et 268, soit 18,6%, ont été intubés. Bien entendu ne sont pas compris dans ce nombre les intubations de courte durée nécessaires à la réalisation d'un acte chirurgical.
Une constatatio doit donc d'emblée être mise en exergue: la place importante de l'intubation. Une comparaison la mesure-, dans cette série il y a seulement à peine seize pour cent de brûlés dont les lésions dépassent trente pour cent de la surface corporelle.
Or ce n'est pas un geste anodin. Mis tôt en place le tube est destiné à rester longtemps,' compte-tenu de la stratégie adoptée. Rejetant en effet, pour les brûlures de quelque étendu aussi bien l'excision immédiate jusqu'au fascia que la détersion accélérée traditionnelle, nous nous efforçons, à l'aide d'excisions séquentielles strictement limitées aux zones brûlées profondément, de meulages, d'enzymes protéolytiques, d'une part de protéger les lésions susceptibles de cicatriser spontanément, d'autre part, d'amener la totalité des lésions profondes à être prêtes en même temps à la greffe, aux environs du vingtième jour. Bien entendu le programme n'est pas toujours réalisable, notamment lorsque la surface de la zone à greffer dépasse 25 à 30 pour cent de la zone corporelle. Deux temps, parfois même trois, peuvent être nécessaires. La détubation n'est faite, en général, qu'une fois la couverture terminée. Cela implique que certains tubes sont restés en place plus d'un mois.
Une longue pratique antérieure, dans des circonstances différentes, une surveillance minutieuse, une collaboration étroite avec un service d'O.R.L. ont permis de minimiser au maximum complications et séquelles. Mais nous ne pouvons pas dire qu'elles ont été totalement éliminées. Leur poids pèse peu, toutefois, au regard des bénéfices.
Une autre constatation s'impose, aussi-, la précocité de la plupart de ces intubations. Deux sur trois ont été mises en place avant la fin du second jour.
En fait il existe trois groupes chronologiques qui rendent compte d'indications différentes.

  • 181 intubations sur 286, soit 67,5% ont été presque immédiates et ne peuvent être que des intubations de principe.
  • A l'inverse 52, soit 19,4%, réalisées après le cinquième jour l'ont été parce qu'il y avait des signes d'appel.
  • 35 intubations de la période intermédiaire (13%), des 3ème, 4ème ou 5ème jours, peuvent répondre aussi bien à une incertitude initiale qu'à une modification de la stratégie en fonction de l'évolution.

Les intubations initiales répondent à cette conviction que, chez un brûlé sévère, la réanimation respiratoire ne doit pas avoir comme indication le traitement d'une insuffisance respiratoire, même dépistée à son début grâce à une surveillance clinique et biologique minutieuse, mais au contraire avoir pour objectif de la prévenir.
L'inadéquation entre les besoins énormes en oxygène, surtout dans une stratégie du type de celle qui a été suivie, et les possibilités d'apport, toujours diminuées, est si habituelle qu'on peut la tenir pour acquise à partir d'un certain degré de gravité. Il ne faut pas attendre qu'elle se manifeste pour la combattre, mais t'aire en sorte qu'on n'en ait jamais la traduction clinique ou biologique. Sans inquiétude de ce côté-là, il sera alors possible de réaliser la sédation profonde nécessaire pour empêcher l'orage thermo-métabolique, geste essentiel, mais fortement dépresseur au niveau des centres respiratoires. Nous sommes tentés de dire qu'à partir d'un seuil, qu'il importerait alors de fixer, elle devrait être systématique. Mais ce n'est pas tout à fait exactement ainsi que les choses se sont passées puisque le nombre n'est pas négligeable de cas intubés secondairement et qui, par conséquent, avaient semblé ne pas devoir l'être au début.

  1. Les circonstances de survenue de la lésion, à l'air libre ou en atmosphère confinée, sans ou avec fumée, la nature des produits dégagés.
  2. Le contexte lésionnel, prenant en compte
  • l'existence de lésions d'inhalation ou de lésions thermiques de l'appareil respiratoire,
  • l'atteinte céphalique et cervicale,
  • l'atteinte thoracique antérieure, surtout circulaire, qui sont des facteurs de risque évidents.
    La proportion de brûlures profondes par rapport à la surface brûlée totale appréciée par la cotation en U.B.S.. Le seuil de gravité est alors à 120. Les mêmes remarques peuvent être formulées.
  1. L'existence de lésions de l'extrémité céphalique. Il est vrai qu'il y a dans ce groupe de patients trois fois plus d'intubés que chez ceux dont la tête et le cou ont été épargnés. Cependant il se trouve aussi que l'atteinte céphalique coexiste habituellement avec des lésions diffuses et sévères.
  2. L'âge. Le pourcentage de sujets intubés augmente régulièrement avec l'âge:
  • 6,08% avant 5 ans
  • 15,46% entre 6 et 15
  • 17,72% entre 15 et 45
  • 23,66% entre 46 et 65
  • 36% au delà de 65 ans.
    Cette progression ne correspond pas à une gravité qui serait régulièrement croissante avec l'âge, mais traduit l'existence, plus fréquente à mesure que l'âge augmente, de facteurs aggravants.
  1. L'état antérieur de la fonction respiratoire joue beaucoup. Les habitudes tabagiques doivent être prises en considération. Il est évidemment difficile de quantifier ce risque, mais certains dossiers, dans lesquels une intubation secondaire a été nécessaire en raison d'une insuffisance respiratoire que n'expliquait pas le contexte lésionnel, illustrent son importance.
  2. Les circostances de survenue de la lésion, a l'air libre ou en atmosphère confinée, sans ou avec fumée, la nature des produits dégagés.
  3. Le contexte lésionnel, prenant en compte
  • l'existence de lésions d'inhalation ou de lésions thermiques de l'appareil respiratoire,
  • l'atteinte céphalique et cervicale,
  • l'atteinte thoracique antérieure, surtout circulaire, qui sont des facteurs de risque évidents.

En fonction de toutes ces données dans lesquelles le laboratoire ne tient aucun rôle, une attitude est prise, qui est presque systématique à partir d'une certaine étendue des brûlures (40%) en modulant tout de même, dans le sens de l'abstention chez les jeunes sans signe d'atteinte de l'appareil respiratoire, dans le sens de l'extension chez les personnes âgées.
La surveillance régulière des gaz du sang a alors pour objectif le suivi du patient de façon à corriger le plus tôt possible la moindre anomalie.

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Les intubations secondaires représentent tout de même le quart des intubations:

13% entre J3 et J5

19,4% après J5.

Elles témoignent moins en faveur de la difficulté à se décider à une intubation primitive que de la fréquence nde l'atteinte de la fonction respiratoire chez les brûlés même lorsqu'il ne semblait pas exister de signe d'appel au départ. Les problèmes de poumon des brûlés l'emportent, en fréquence, sur ceux des poumons brûlés.
La surveillance régulière des gaz du sang a permis de détecter l'insuffisance, de la suppléer dans des conditions relativement satisfaisantes, puisque le taux de mortalité chez les patients intubés après le cinquième jour avoisine 20% (10 des 52 patients), alors qu'il est deux fois et demi plus élevé dans le groupe de ceux qui ont été intubés précocément, avoisinant alors 55% (119 décès sur 216 patients). Une dernière notion ressort de cette analyse rétrospective. Il y a un petit group de brûlés pour lesquels une intubation avait été jugée nécessaire en raison de la topographie lésionnelle, à titre prophylactique, et qui n'ont pas eu besoin de ventilation associée. Au total il y en eut quatorze soit 5% des intubés et 1% de la population totale. Presque tous (treize contre un) avaient été intubés tôt. Ces quelques chiffres, en définitive, reflètent bien la place faite à la réanimation respiratoire, une place de premier plan à partir du présente les critères habituels de gravité. L'intubation alors ne procède pas uniquement d'un constant lésionnel, réactionnel ou fonctionnel mais d'une attitude de principe, de la conviction qu'en matière d'insuffisance respiratoire il faut se conduire un peu comme à l'égard du choc initial: prévenir et non traiter. C'est ce que reflètent les chiffres qui viennent d'être présentés. moment où la brûlure

SUMMARY. Respiratory resuscitation is, from the very first phase, an integral part of the therapeutic care of the burn patient. In a series of 1443 patients, 268 had to be cannulated, of whom 216 were given artificial respiration before the 5th day and two-thirds on the same day as the bums, in somc~cases even before admittance to the Bums Unit. The object of this paper is not to define what should be done but to analyse what was done in a homogeneous series and a given therapeutic context.




 

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