LES SEVICES PAR LESIONS THERMIOUES: ETUDE STATISTIOU , E PORTANT SUR 93 CAS

Rouge D., Nicoulet B., Laguerre 1, Conil J.M., Rouchet A., Arbus L.*, Costagliola M.

Service de Chirurgie Plastique, Réparatrice et Reconstructive et Service des Brûlés, CHU Toulouse-Rangueil, France
* Laboratoire de Médicine Légale et Toxicologie /Pr. Arbus), CHU Toulouse-Rangueil, France

RÉSUMÉ. Les constatations pratiques réalisées lors du traitement des brûlures électriques montrent que le diagnostic sous-évalue régulièrement la profondeur et l'étendu de ces lésions.
L'évolution dans les jours qui suivent la brûlure conduit le thérapeute à des interventions de parage itératives que l'on souhaiterait radicales d'emblée. Pour ce faire, il a semblé aux auteurs nécessaire de définir précisément sur le plan macroscopique et microcopique ce que représente au plan lésionnel une brûlure électrique.
Un protocole anatomo-clinique a été établi, permettant d'analyser à la fois la zone lésée et la périphérie de la lésion, précocément après la brûlure (du ler au 7ème jour). Les résultats font état de lésions de nécrose plus ou moins infectées selon le jour de l'exérèse. Il apparaît en périphérie, même lorsque la peau n'est pas lésée au plan macroscopique, des aspects histologiques correspondant à des lyses cellulaires et des thromboses vasculaires. Certains aspects particuliers sont décrits.
La fin de la première semaine apparaît être la date à partir de laquelle les lésions de nécrose sont stabilisées et, en dehors de phénomenes infectieux, ne peuvent pas être auto-aggravées.
Les conséquences thérapeutiques de ces aspects peuvent être, envisagées au niveau de l'importance du sacrifice cutané à réaliser et au niveau de la date de cette intervention, permettant ainsi d'éviter les interventions réitérées et d'envisager des reconstructions semiprécoces dans les meilleures conditions.

Le travail que nous présentons a pour but de rechercher les caractéristiques d'une population de sujets victime et parfois auteurs de violences dont le dénominateur commun est que le moyen utilisé occasionne des lésions thermiques.
Il semble qu'il existe dans ce moyen de violence peu courant des éléments particuliers, ne serait-ce que le caractère extrêmement douloureux et mutilant du procédé.
Si les suicides par le feu ont été bien étudiés en raison de leur caractère spectaculaire (Reverend, Thich, Quang Duc, Saigon, 1963-, Jan Palach, Prague, 1968), il n'en va pas de même des hétéro-agressions.

Matériel et méthodes

1. Notre série a porté sur 93 cas de violences par brûlures échelonnés sur une période de 8 ans (Février 1980 - Mars 1988).
2. Ces dossiers utilisés ont porté le recrutement - du laboratoire médico-légal de Toulouse-Rangueil tant au niveau de la consultation des coups et blessures volontaires pour ce qui est des délits sur adultes ou des sévices à enfants que des autopsies médico-légales pour les décès de mort violentes ou suspectes (1980-1988) du Centre de Traitement des Grands Brûlés de Toulouse - du Centre spécialisé dans la rééducation des brûlés de Lamalou les Bains.
3. Une étude clinique de 25 brûlés ayant survécu a été réalisée pour évaluer l'IPP.
4. Cette étude rétrospective est comparée avec deux autres séries:

• 295 grands brûlés toutes causes confondues, traités pendant la même période au Centre des Grands Brûlés de Toulouse
• 184 cas de l'enquête nationale SFETB sur les suicides par le feu en 1984.

1. Les paramètres étudiés sont les suivants:

Les caractéristiques de la population lésée

• get et sexe
• provenance géographique
• profession et situation matrimoniale

Les circonstances d'agression en différenciant pour le mode auto-agressif et hétéro-agressif, l'âge, le sexe et le caractère primaire ou secondaire du mode
L'agent de la brûlure en faisant la différence pour celui-ci selon le mode auto- ou hétéro-agressif
Les conséquences de la brûlure en étudiant deux paramètres: les décès et les survies.
Parmi les décès: les décès immédiats sont appréciés selon le mode d'agression et selon le caractère primaire ou secondaire de la brûlure;

• les survies immédiates~ en recherchant les caractères de gravité et le pronostic qu'il faut accorder à ces lésions en fonction de certains indices de gravité (pourcentage de surface brûlée, de l'indice UBS et de l'indice de Baux);
• les survies définitives en recherchant la gravité fonctionnelle de ces lésions avec con.-ne critères la durée d'hospitalisation et pour le pronostic fonctionnel une évaluation en pourcentage d'IPP des séquelles.

La localisation de ces brûlures en faisant la différence entres les brûlures isolées et associées selon l'âge et le mode de la population.
L'étude des antécédents des patients brûlés, soit au niveau des récidives pour les hétéro-agressions, soit au niveau des antécédents psychiatriques pour les autoagressions.

Cette population qui au premier abord apparaît inhomogène puisque le mode d'agression est différent présente une certaine personnalité quant à l'âge, le sexe, la provenance géographique et l'aspect socio-économique.

L'Age

C'est une population relativement jeune. En effet 44% a entre 25 et 40 ans, 26% ont moins de 25 ans et 70% ont moins de 40 ans. Les personnes âgées sont rares: 8% ont plus de 60 ans. Lorsqu'on compare cette population avec la série de brûlés, toutes causes confondues, cette population a une moyenne d'âge plus étalée et globalement est plus âgée.

Le sexe

La population ayant subi des violences par brûlures présente une égalité des sexes. La moitié de la population est féminine alors que dans la population toutes causes confondues on note une nette prédominance masculine, ceci pouvant être mis de certains métiers exposés exercés par des hommes.

La provenance géographique

Cette population a un recrutement essentiellement régional pour plus de trois quarts de sa composition. On note presque 20% de sujets algériens, mais ceci est dû à un recrutement particulier du Centre des Grands Brûlés puisqu'il y a superposition de ce pourcentage avec celui de la série toutes causes confondues. On ne peut pas retenir ici un quelconque phénomène ethnique ou socioéconomique. On ne note aucun brûlé d'origine asiatique dans cette série.
Sur le plan professionnel cette population ayant subi des violences par brûlures semble nettement défavorisée car on note 45% de sans profession ou des chômeurs, même si les 27,5% de sans profession peuvent être portés au crédit, du moins en partie, des enfants et des femmes restant au domicile. Les professions agricoles sont bien représentées contrairement aux étudiants et aux commerçants. Il est possible que ce facteur soit à porter au crédit de la facilité d'accession aux produits inflammables.

La situation matrimoniale

Semble de peu d'importance puisqu'on note simplement une prédilection des atteintes chez les sujets mariés et célibataires, quel que soit le sexe par rapport aux veufs et aux divorcés. Ce caractère est certainement en rapport avec l'âge de cette population.
Les circonstances d'agression sont intéressantes à étudier à deux niveaux sur le plan de la répartition de la population selon le mode de l'agression et selon l'âge et le sexe de ces différentes populations.
Selon le mode d'agression a - Le mode auto-agressif est le plus fréquent: 62% des cas. Cette tentative de suicide a lieu le plus souvent en dehors d'un établissement d'hospitalisation, sans qu'il soit possible de retrouver un lieu privilégié (domicile, rue, voiture). Dans deux tiers des cas il s'agit d'un suicide primaire (ou auto-crémation) où le feu représente l'agent volontaire d'auto-destruction et plus rarement, dans 27% des cas, il s'agit d'un suicide secondaire représenté par une complication imprévisible d'autolyse entraînant une brûlure (suicide par le gaz entraînant une explosion). On voit donc ici l'intentionalité de l'acte par rapport à cette méthode réputée douloureuse et spectaculaire. L'importance des auto-agressions dans cette population prend sa valeur par rapport à la série toutes causes confondues dans laquelle il s'agit d'une cause de brûlures rare (10%). Dans l'enquête réalisée en 1984 par la SFETB sur les suicides par brûlures, on retrouvait de la même façon cette répartition de pourcentages en suicides primaire et secondaire. Cependant, l'enquête de la SFETB de 1984 montre l'augmentation des auto-crémations dont le nombre a été multiplié par 10 de 1965 à 1972.
Les hétéro-agressions représentent 38% de cette population, mais sont une population moins homogène que la précédente, car on note 13,2% de sevices a enfants, 13,2% de délits adultes dont une partie (5,7%) sont des drames familiaux de la jalousie (mari-femme, père-fille). Les crimes représentent 11,6% des cas (11 cas). Dans cette population il existe un caractère familial des hétéro-agressions car 45% des crimes par brûlures sont familiaux et associés aux sévices enfants et aux délits adultes familiaux, les hétéro-aggressions familiales par brûlures représentent 23,6% des agressions, et trois quarts des hétéro-agressions par brûlures.
Le sexe et l'âge sont différents selon les circonstances de l'agression. Si dans l'ensemble la population reste jeune (70% des cas ont moins de 40 ans), on note une répartition plus étalée et plus déplacée vers un âge jeune dans les hétéro-agressions que dans l'ensemble de la population alors que la troisième décade est la tranche d'âge privilégiée des auto-agressions par le feu. Le sex ratio est équilibré dans les auto-agressions, par contre on note une prédilection du sexe féminin dans les hétéro-agressions par le feu surtout chez les enfants adolescents (2/1). Ces éléments se retrouvent dans l'enquête SFETB sur les suicides par le feu.

Les agents de la brûlure: globalement les agents sont les mêmes que dans la population brûlée, toutes causes confondues, avec une prédilection pour les liquides et les gaz enflammés (67%). Les brûlures par contact et les brûlures chimiques et électriques sont rares (moins de 23%). Cependant quand on sépare les deux populations selon le mode:

• il apparaît que dans les auto-agressions les hydrocarbures enflammés représentent plus de la moitié de ces lésions suivies par les gaz enflammés. IÏ est intéressant de noter que parmi les tentatives d'autolyse, c'est parmi celles réalisées par le gaz que l'on retrouve la quasi-totalité des suicides secondaires (88%) (complications accidentelles). L'alcool est un mode plus rare (8%), mais est utilisé quasi exclusivement par les femmes.
• Dans les hétéro-agressions, les brûlures par contact sont bien représentées (47%). Il s'agit essentiellement de brûlures par cigarettes et eau bouillante touchant exclusivement les enfants. On note cependant 51% de brûlures par projection de liquides, surtout essence et alcool, plus rarement acide (acide sulfurique). Ces projections d'acide représentent essentiellement des drames familiaux de la jalousie (défiguration - périné (punition) ). Le choix de l'agent de brûlure permet de séparer deux sous-populations: les adultes violemment et gravement agressés et les enfants agressés moins violemment, mais de manière répétée. Il y a en quelque sorte adaptation de l'agent de l'agression à l'agressé.

Les conséquences de ces brûlures font apparaître une gravité de ces lésions sans commune mesure avec la population brûlée toutes causes confondues.

Le pronostic vital est souvent mis en jeu. les décès sont nombreux: 41% de décès dans cette série dans cette série contre 20% dans la population de référence. Ces décès sont soit précoces (immédiats ou dans les 7 premiers jours) (28,5%), soit secondaires après réanimation (71,4%). b - Les décès précoces peuvent être analysés selon le mode d'agression:

• le plus souvent il s'agit d'auto-agression (66%):
• elles sont essentiellement primaires par essence enflammée (auto-crémation) et rarement secondaires (explosion de gaz: 20%)
• plus rarement, ce sont des hétéro-agressions criminelles (34%). Dans ces cas, 50% sont des brûlures secondaires, soit pour dissimuler un crime, soit que l'on retrouve d'autres lésions plus importantes que la brûlure (la lésion vitale n'étant pas la brûlure)
• au total, quel que soit le mode d'agresion: 2~3 des décès précoces sont primaires: la lésion thermique étant essentielle: c'est dire l'efficacité des moyens.

La survie définitive
La survie définitive n'est retrouvée que dans 59?/o des cas car 12,4% de ces brûlés meurent secondairement en réanimation. Le pronostic grave de ces brûlés est attesté par trois paramètres. Ces trois paramètres montrent que ces violences par brûlures ont une surface de brûlure plus grande et des brûlures plus profondes et plus graves que la population toutes causes confondues.

• Le pourcentage de surface brûlée: dans 2/3 des cas les lésions représentent plus de 40% de la surface corporelle alors que c'est l'inverse dans la population toutes causes confondues (moins d'un tiers ont plus de 40%).
• L'indice de Baux (pourcentage de surface + âge), qui est un bon indice de gravité, est supérieur à 80 dans 52% de cas, alors que cette population est relativement jeune, ce qui explique une mortalité seulement de 70% dans les indices supérieurs à 120. De plus, les 20% ayant un indice entre 0 et 20 sont quasi-exclusivement des enfants.

La population ayant subi des violences par brûlures étant plus jeune, ce paramètre agit sur le taux de mortalité en le minorant par rapport à une population de référence plus âgée ayant des brûlures aussi étendues et aussi profondes.

Les mutilations résiduelles engagent lourdement le pronostic fonctionnel et leur traitement est douloureux, mais ceci est peut-être en rapport avec le recrutement des Centres des Brûlés.
Le pretium doloris a été caractérisé sur 34 dossiers d'hospitalisation:
3 sujets ont été hospitalisés moins de 15 jours 10 sont de 15 jours à 1 mois
12 entre 1 et 2 mois et 9 plus de 2 mois.
Deux autres paramètres ont pu être étudiés: 50% ont eu au moins 5 anesthésies générales et 3 seances de greffes.

Nous avons pu évaluer l'IPP chez 25 patients adultes ayant survécu à leurs brûlures. L'IPP a été: -< à 10%dans3 cas - de 10 à 20% dans 5 cas - de 20 à 30% dans 10 cas - > à 40% dans 7 cas. On peut donc retenir chez les adultes la gravité résiduelle fonctionnelle de ces lésions surtout dans les auto-agressions.
La localisation est un paramètre difficile à E -étudier: il il s'agit essentiellement représentant une projection de liquide enflammé localisées chez l'adulte et un contact chaud (cigarette, cuillère chez l'enfant).
La brûlure est isolée dans 11,5% des cas et d'hétéro-agressions
Les brûlures associées sont plus fréquentes, elles touchent le plus souvent la face, le tronc et les membres supérieurs. Les auto-agressions provoquent des lésions essentiellement au niveau de la face, du thorax et des membres supérieurs alors que les hétéro-agresions sont fréquentes au niveau des membres inférieurs, mais aussi des membres supérieurs pouvant traduire une réaction de fuite ou de défense de la victime.
Les antécédents sont caractéristiques dans deux directions:
Dans les auto-agressions la grande majorité des cas, 78%, avait des antécédents psychiatriques plus ou moins lourds avec:

• 22% des cas d'antécédents psychotiques (dans l'enquête SFETB, ils sont plus nombreux: 38%)
• 6,7% des cas étaients hospitalisés lors de la crémation
• 32% avaient été au moins une fois hospitalisés
• 38% avaient été traités pour une maladie psychiatrique dont nous n'avons pas pu trouver trace.

On peut dire que dans ces tentatives de suicide existe très souvent une pathologie psychiatrique.

Dans les hété ro- agressions la récidive est fonction de l'âge:

• pour les 'sévices à enfants: 68% représentaient déjà une récidive de sévice (brûlure ou autre)
• pour les adultes, dans 6 cas seulement on a retrouvé une agression antérieure quel que soit son mode.

Cette population victime et/ou auteur de violences par brûlures a certaines caractéristiques. Il s'agit d'une population jeune de sex ratio équilibré, défavorisée sur le plan socio-économique, recrutée sur un plan régional. Si on met à part les enfants, il s'agit d'agressions graves sur le plan vital et fonctionnel utilisant essentiellement des liquides enflammés.
Le mode d'agression fait apparaître des différences dans cette population:

• les hétéro-agressions ont un caractère nettement familial dans une population plus juvénile. Elles sont isolées et graves chez l'adulte par projection de liquides et moins graves et répétées chez l'enfant par contact chaud
• les auto-agressions sont l'apanage de la troisième décade: les auto-crémations apparaissent comme les traumatismes les plus graves dans cette population, et si certains le sont moins, il s'agit de suicides secondaires (explosion de gaz).

SUMMARY. An investigation was carried out of the characteristics of a population of victims, and sometimes perpetrators, of violence presenting the common denominator of burn lesions as a result of the method of violence used. An 8-year series of 93 patients with burns of violent origin is analysed. The cases studied present a certain degree of homogeneity with regard to the age of the victims (mainly young), sex ratio (about equal), geographic origin (regional) and socioeconomic background (depressed).

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