Annals of the MBC - vol. 3 - n' 4 - December 1990

POLLICISATION BILATÉRALE POUR SÉOUELLES DE BRÛLURES

Rouge D., Grolleau J.L., Chavoin J.P., Costagliola M.

Service de Chirurgie Plastique et de Traitement des Grands Brûlés, C.H.U. Rangueil, Toulouse, France


RÉSUMÉ. Les Auteurs décrivent la pollicisation de l'index chez un jeune patient gravement brûlé (60% de la surface corporelle, index UBS de 195). Les deux mains étaient atteintes en dorsal et en palmaire et il a été nécessaire de pratiquer des amputations bilatérales portant sur les extrémités de tous les doigts longs et les bases des deux pouces. Les Auteurs se sont proposés de recréer une pince pollicidigitale aux dépens de l'index. A la suite de quatre interventions et après une phase de rééducation, il a été possible de restaurer chez ce patient très invalidé une fonction manuelle compatible avec une vie quotidienne sans I*aide permanente d'une tierce personne.

Introduction

Nous présentons le cas d'un jeune patient hospitalisé dans le Service des Grands Brûlés Félix Lagrot de Toulouse. Il présente des brûlures étendues, profondes intéressant 60% de la surface corporelle avec 45% de surface brûlée au troisième degré soit un index UBS de 195. Les deux mains sont atteintes en dorsal et en palmaire et il a été nécessaire de pratiquer des amputations bilatérales portant sur les extrémités de tous les doigts longs et les bases des deux pouces (Figs. 1 et 2). La rétraction cutanée palmaire détermine une fermeture de la première commissure et un flexum des doigts. La seule modalité de prise résiduelle est la pince interdigitale avec des possibilités fonctionnelles extrêmement limitées. Nous nous proposons après avoir apporté le revêtement cutané nécessaire à l'ouverture des premières commissures, et à l'abord chirurgical de ces mains, de recréer une pince pollicidigitale aux dépens de l'index.

Fig. 1 Les mains sont brulées au troisième degré en palmaire et en dorsal. Fig. 2 Il a été nécessaire d'amputer les pouces à la base et les extrémités des doigts longs. Il en résulte une fermeture de la première commissure et un flexum des doigts par rétraction cicatricielle.
Fig. 1 Les mains sont brulées au troisième degré en palmaire et en dorsal. Fig. 2 Il a été nécessaire d'amputer les pouces à la base et les extrémités des doigts longs. Il en résulte une fermeture de la première commissure et un flexum des doigts par rétraction cicatricielle.

Pourquoi l'index plutÔt que le quatrième doigt ou un orteil? Parce qu'ils sont ici mutilés et peu fonctionnels, et parce qu'ils sont à proximité, ce qui va limiter le risque opératoire sur ces mains très remaniées. Enfin parce que leur utilisation va permettre d'agrandir encore la première commissure.

Fig. 3 Dessin des lambeaux inguinaux qui sont courts et d'un lambeau sus-pubien. Fig. 4 Mise en place des lambeaux de MacGregor dans la première commissure et autonomisation d'un lambeau tubulé sus-pubien.
Fig. 3 Dessin des lambeaux inguinaux qui sont courts et d'un lambeau sus-pubien. Fig. 4 Mise en place des lambeaux de MacGregor dans la première commissure et autonomisation d'un lambeau tubulé sus-pubien.

Technique opératoire

Apport de peau saine (Figs. 3, 4, 5 et 6)

Un premier temps opératoire consiste à apporter de la peau saine par un double lambeau inguinal positionné à cheval dans les premières commissures et à la base des doigts dans la paume. En raison de la faible étendue des surfaces non brûlées, les lambeaux sont courts et l'on autonomise dans le même temps un lambeau tubulé dans la région sus-pubienne.

Trois semaines plus tard, lors du sevrage des lambeaux de MacGregor, les lambeaux sus-pubiens qui prolongent les lambeaux inguinaux sont adaptés dans les paumes. du deuxième rayon. Une première incision 'en raquette circonscrit la base de l'index et s'étend à la face dorsale pour libérer la base du deuxième métacarpien et l'extenseur de l'index. Une seconde incision délimite un lambeau commissural à pédicule palmaire qui correspond dans notre cas aux limites du lambeau inguinal. Elle permet l'abord palmaire (schéma 1).

Fig. 5-6 Après sevrage des lambeaux inguinaux et adaptation du lambeau sus-pubien dans les paumes. Fig. 5-6 Après sevrage des lambeaux inguinaux et adaptation du lambeau sus-pubien dans les paumes.
Fig. 5-6 Après sevrage des lambeaux inguinaux et adaptation du lambeau sus-pubien dans les paumes.

 

Fig. 7 Le temps dorsal permet d'isoler le deuxième métacarpien et le système extenseur.

Fig. 7 Le temps dorsal permet d'isoler le deuxième métacarpien et le système extenseur.

 

Fig. 8-9 Après rééducation on obtient des pinces pollicidigitales sub-termino-latérales avec un serrage correct. Fig. 8-9 Après rééducation on obtient des pinces pollicidigitales sub-termino-latérales avec un serrage correct.
Fig. 8-9 Après rééducation on obtient des pinces pollicidigitales sub-termino-latérales avec un serrage correct.

Pollicisation
Tracé des incisions: les incisions doivent permettre d'avoir à la fois un abord dorsal et palmaire

Schéma 1 Tracé des incisions dorsales (a) et palmaires (b). Schéma 2 Temps palmaire.
Schéma 1 Tracé des incisions dorsales (a) et palmaires (b). Schéma 2 Temps palmaire.
Schéma 3 Temps dorsal. Schéma 4 Transposition.
Schéma 3 Temps dorsal. Schéma 4 Transposition.

Temps palmaire: on dissèque les pédicules interdigitaux en conservant au maximum l'ambiance périvasculaire. On lie ensuite la branche artérielle collatérale radiale du médius et l'on dissocie très haut dans la paume le nerf collatéral du deuxième espace (schéma 2).
Temps dorsal: on repère le système extenseur, ici absent car détruit par la brûlure. Puis on libère le deuxième métacarpien de ces insertions musculaires jusqu'à ce que l'on atteigne le plan de dissection palmaire. Dans le cas présent les interosseux et thénariens sont laissés solidaires de la peau dorsale greffée pour en assurer la vascularisation (schéma 3, Fig. 7).

Résultat fonctionnel

A la suite de quatre interventions (lambeaux inguinaux, sevrage des lambeaux, pollicisation de l'index droit puis pollicisation de l'index gauche) et après une phase de rééducation, nous avons obtenu la restauration des pinces pollicidigitales sub-terminoterminales entre les néo-pouces et les moignons des médius. Ces pinces rendent possible la prise d'objets de petite taille tels qu'un stylo ou une cuillère. L'ouverture de ces pinces est faible mais le serrage correct. Grâce à l'ouverture de la première commissure les objets plus volumineux peuvent être saisis (Figs. 8 et 9).

Conclusion

La pollicisation d'index a permis chez ce patient très invalidé de restaurer une fonction manuelle compatible avec une vie quotidienne sans l'aide permanente d'une tierce personne. Il s'agit ici d'une indication atypique mais extrêmement rentable dans l'amélioration de la séquelle.

SUMMARY  Transposition: le deuxième métacarpien est sectionné à sa base obliquement et le moignon osseux du premier rayon est avivé. Le niveau de recoupe du deuxième métacarpien est fonction de la longueur que l'on veut donner au néo-pouce pour qu'il s'oppose bien aux autres doigts et des possibilités de traction sur les pédicules. La fixation osseuse se fait par deux broches de Kirschner en croix. Dans le cas présent le long extenseur du pouce a été lésé et l'on détourne l'extenseur du troisième doigt pour essayer de réanimer l'extension du néo-pouce. Les lambeaux sont reposés. L'intervention est terminée (schéma 4).


BIBLIOGRAPHY

  1. Baudet J.: Conclusion de la table ronde du G.E.M. (Mutilations traumatiques du pouce). Lyon, 21/22 Mai, 1982.
  2. Buck Gramko D.: Pollicisation of the index finger. J. Bone Joint Surgery (Arn), 1971: 53, 1606.
  3. De La Caffinière J.Y., Malek R.: "Le pouce mutilé. Aspects cliniques et résultats de la chirurgie, dans la chirurgie réparatrice du pouce". Masson, Paris, 1981.
  4. Gosset J., Langlais F.: Résultats de la reconstruction du pouce par transposition digitale, dans les mutilations de la main. Monographies du G.E.M., Paris, Expansion Scientifique Française, 1975.
  5. Little J.W.. Neurovascular pedicle method of digital transposition for reconstruction of the thumb. Plastic and Reconstructive Surgery, 12: 303, 1953.
  6. Ried D.A., Campbell: Reconstruction of the thumb. J. Bone Joint Surgery (Br), 42: 648, 1960,
  7. Ried D.A., Campbell: Pollicisation. The Hand, 1: 27, 1969.
  8. Roulet J., Noirclerc J.A., Landreau Y.: Technique de la translation <<en masse>> de l'index en vue de sa pollicisation. Ann. Chir., 25: 1009, 1971.



 

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