Annals of the MBC - vol. 4 - n* I - March 1991
LES BIOMATERIAUX CHEZ LES BRULES GRAVES
Echinard C., Damour 0., Courbier R.,
Sahabecídin L., Vescovali C., Dantzer E.,
Centre RLfigional des Grands BrUlLss,
Marseille, France
RESUME. Les Auteurs
consi&rent les divers biomatériaux utilisables aprés 1'excision précoce pour la
couverture des brfflures étendues. Ils décrivent les avantages et les inconvénients de
Putilisation de peau autologue, des homogreffes, des hétérogreffes et des divers types
de substitut cutané (les membranes amniotiques, Foraiderm R, la Beschitin R, le PA 295 R,
le Biobrane R). Une autre solution pour recouvrir les grands brOlés est l'utilisation de
cultures de kératinocytes. Les Auteurs décrivent en outre leur expérience avec un derme
artificiel, A base de collagéne humain, de glycoaminoglycane et de chitosan, qu'ils ont
étudié chez le rat. En considération des résultats positifs chez I'animal, pour ce qui
concerne 1'épidermisation, ces études devraient se poursuivre chez I'homme tr&s
prochainement.
Le traitement chirurgical moderne des
grands brdlés est conditionné par deux critères majeurs: rapidité d'action et qualité
de 1'exécution. La rapidité du geste chirurgical, et sa précocité par rapport au
moment de la bralure, sous-entend que Fort dispose, d la demande, en urgence différée ou
en intervention programmée, d'un stock de peau ou de substitut cutané. En effet,
1'excision précoce (10, 11), dont le but est de réséquer sans délai les 1ésions les
plus profondes (3éme degré et rnème parfois 2éme degré profond), doit &re suivie
dans les brélures étendues d'une couverture immédiate de mani&e d limiter les
pertes exsudatives calorico azotées, et d diminuer le risque infectieux local (2, 3, 7).
La qualité de 1'exécution est en relation avec la création d'une peau normale, on tout
au moins la plus proche de la normale. Le geste d'excision précoce évite en soi de
passer par les trois phases classiques de la cicatrisation: détersion, bourgeonnement,
épidermisation. 11 court-circuite la phase inter médiaire.
L'apport d'un substitut cutané au décours immédiat de 1'excision suppose que celui-ci
posséde une structure définie et spécifique, qui permettra d'éviter I'apparition d'un
tissu de granulation.
En effet, ce demier, engendré pendant la classique phase de bourgeormement, est
responsable en grande partie des séquelles hypertrophiques et rétractiles. 11 ne fait
aucun doute que les meilleurs résultats esthétiques et fonctionnels obtenus apr&s
excision précoce sont dus A Futilisation de peau autologue. Ceci nous parait, en
particulier, primordial au niveau de la face et des mains (12-13).
Lorsque la peau autologue ne peut 8tre prélevée (état général trop mauvais,
insuffisance des sites donneurs), on peut utiliser des homogreffes. Celles-ci sont la
plupart du temps congelées. Elles présentent A
- apparition d'un tissu de granulation et rejet obligatoire
au bout d'un temps plus ou moins long
- mauvaise qualité de la prise de la greffe, qui, comme nous
I'avions montré en 198é, fait mal les frais de la congélation on meme de la
décongélation (8).
Nous avions, á I'époque, montré sur 10
malades qu'urte autogreffe congelée puis décongelée et greffée se comportait
relativement mal: alors que les tests au bleu trypan montraient une viabilité cellulaire
in vitro á 90%, les résultats cliniques de prises de greffes ne dépassaient 40%. En
comparaison, les autogreffes fraiches mises en place chez les m¿mes malades, dans les
mémes conditions, prenaient á 100%.
Par ailleurs, la conservation des homogreffes dans le glycérol á 87% comme le
préconisent les équipes hollandaises semble faire perdre au greffon toute sa viabilité.
A défaut des autogreffes ou des homogreffes, on peut utiliser des hétérogreffes, type
de peau porc lyophilisée. Lá encore le résultat est trés médiocre, et le seul but de
cette méthode est de représenter un pansement biologique temporaire sous lequel apparait
un tissu de granulation. Or, nous l'avons dit, c'est souvent ce tissu de granulation qui
est responsable des séquelles hypertrophiques ou rétractiles du brúlé grave.
Depuis quelques années, apparaissent sur le marché un certain nombre de substituts
cutanés destinés á recouvrir les brúlures du 2éme degré profond et du 3érne degré.
lls peuvent étre utilisés avec ou sans excision précoce. 11 s'agit de produits variés
tels quel les membranes amniotiques, I'omiderm R, la Beschitin R, le PA 295 R, le Biobrane
R.
Nous avons utilisé le Biobrane sur un certain nombre de cas d'excision prècoce. Ce
produit prèsente A 1Widence certains avantages: pas de changement de pansement, pas de
douleur, ambulation pr&oce possible, rèducation facilitèe.
11 semble &re efficace lorsque I'excision est profonde, jusqu'd 1'aponèvrose.
Inversement, dans les cas Wexcision tangentielle relativement superficielle, il ne parait
pas faire ses preuves.
Ce mat&iau est un substitut cutané Wattente qui permet de recouvrir les excisions
profondes en limitant les pertes hydriques et caloriques, en èvitant les surinfections
exogènes, et surtout en ne crèant pas de tissu de granulation. On retrouve en effet, A
I'ablation du Biobrane, un sous-sol d'excision pratiquement identique A celui qui avait
ètè cffié par I'intervention initial. Ce sous-sol est parfaitement greffable par une
gretTe dermo-èpidermique mince en filet lorsqu'elle est devenue possible.
Une autre solution pour recouvrir les grands brfl1és est 11tilisation de cultures de
kératinocytes. La technique de Green est tré sèduisante et tout A fait parfaite sur le
plan biologique (9).
Manmoins, sur le plan chirurgical, elle ne peut étre utilis& au fficours d'une
excision prècoce, puisqu'il faut au minimum 3 semaines pour obtenir les feuillets
épidermiques de subcultures. Par ailleurs, les auteurs amèricains et italiens rapportent
des pourcentages de prise relativement faibles. Enfin, entre nos mains, il nous a semblè
qu'elles n'èvitaient pas la r&raction et 1'hypertrophie secondaire due A la
prolifération fibroblastique anarchique sous-jacente engendrée par I'absence d'un derme
organisd.
11 nous parait M lors qu'il faut apporter outre I'épiderme une structure dermique
spécifique et efficace, A la fois souple et rèsistante comine I'est le derme normal.
En collaboration tr&s ètroite avec I'èquipe de C. Collombel de Lyon, nous avons
travaillè sur un derme artificiel A base de collagène humain, de glycoaminoglycane et de
chitosan. Burke (17), Oliver (14, 15) et Shakespeare (1é) avaient auparavant etudie
diffèrents dermes artificiels, d'origine bovine et A r&iculation chimique. Le
chitosan, lui, permet une r&iculation biologique stable, créant ainsi une trame
rèticulèe fibreuse. Cest du derme sans les cellules mèsenchymateuses. 11 est done
stèrilisable et stockable aussi longtemps que I'on veut. On peut, par consèquent,
I'utiliser A la demande, notamment au fficours d'une excision prècoce, Cé rapidement
après la brfilure.
Uutilisation d'une matrice extra-cellulaire de derme artificiel permet d'obtenir une
qualité de tissu dermique qui parait très proche de la normale, comme nous I'avions
montrè chez I'animal (4, 5).
Le derme artificiel, revascularisè et recolonisè par les cellules du receveur, devient
en 15 jours A 20 jours identique A un derme normal. Par Ia. suite, 1'épidermisation de ce
derme peut 8tre réalisée de différentes faqons: soit in vitro, avec possibilité
de transfert secondaire (greffe en un temps), soit in vivo ' c'est-d-dire après
revascularisation, on peut Fensemencer avec une culture de kératinocytes (type Green ou
Boyce), ou avec une greffe épidermique autologue mince en filet large. La mise-au point
d'un derme artificiel (composé de collag&ne, chitosan et glycosaminoglycanes) pour le
traitement des grands brfilés nous a conduit d pratiquer un certain nombre d'études
préliminaires chez Fanimal de laboratoire.
La première étude de biocompatibilité a &é menée sur le rat Sprague Dawley mdle
de 250 grammes. 50 rats divisés en 5 groupes selon le jour du sacrifice (J2, J7, J15,
J21, J30) furent opérés sous anesthésie générale (Halothane). Une excision d'un
rectangle de peau de 3 x 4 cm était pratiquée sur Ia partie supérieur du dos et
greffée immédiatement avec du derme artificiel. Une zone témoin identique (non
greffée) était excisée quelques centim&tres plus bas.
Cliniquement, on observait au bout de 15 jours une bonne revascularisation du derme
artificiel, avec A 3 semaines un aspect tout A fait comparable A du derme normal.
Histologiquement, les biopsies du 2&me jour montrent qu'il existe une zone d'oedéme,
sans adhérence notoire entre le derme et le plan profond. Dans les jours qui suivent, une
migration cellulaire, plus ou moins inflammatoire au début, aboutit d une colonisation
compléte de Ia matrice extra-cellulaire par les cellules mésenchymateuses. Les
fibroblastes se développant ainsi dans Ia trame fibreuse vont A leur tour synthétiser du
collagène qui va s'organiser en faisceaux trés ordonn&s, recréant par 14 un tissu
différent du classique tissu de granulation anarchique. Les m8mes données sont
retrouvées lors de 1'étude en microscopie électronique. La spectrophotométrie in
vivo de cette matrice extra-cellulaire recolonisée montre qu'en 15 jours les courbes
enregistrées sont tout d fait comparables d celle de Ia peau normale, et mettent en
évidence une bonne revascularisation par Ia présence nette des deux pics d'hémoglobine
et d'oxyhémoglobine.
De méme, 1'&tude balistométrique permettant d'évaluer Ia souplesse et
1'é1asticité du derme artificiel in vivo montre des résultats trés
encourageants.
Une étude immunologique a été faite (ELISA tests) chez 20 rats Sprague Dawley ayant
requ un fragment de 2 CM2 de derme artificiel sous Ia peau, après incision médiane au
niveau du dos. Une ponction intra-cardiaque permettait de recueillir tous les 15 jours,
pendant 100 jours, le sérum nécessaire d 1'étude. Chaque rat était son propre témoin.
Un groupe de 10 rats était ponctionéé les semaines impaires, un autre groupe les
semaines paires.
Les résultats montrent que dans la moitié des cas seulement on a observé I'apparition
d'anticorps anticollagéne humain chez I'animal. Par ailleurs, dans tous ces cas,
Papparition des anticorps se faisait entre la 3&me et la éème semaine, et était
suivie d'un plateau de deux ou trois semaines. Au-deld de cette période, on constatait
une disparition des anticorps circulants.
L'étude de 1'épidermisation in vivo de cette matrice extra-cellulaire du derme
est encore en cours.
Chez Phomme, les études d'histocompatibilité ont été effectuées avec des résultats
encourageants mais encore insuffisants. Le derme artificiel mis en place après excision
précoce semble se dégrader plus rapidement que chez I'animal. Néanmoins, il laisse
place A un tissu de bonne qualité, greffable soit par des autogreffes trés fines, soit
par une culture cellulaire selon la technique de Green.
Lorsque Fon utilise cette derniére technique pour couvrir le derme revascularisé, on
assiste d une prise médiocre de Npiderme, qui semble mal adhérer ap plan profond.
Cependant, un certain nombre d'iléts'épidermiques subsistent sur le derme artificiel
greM, et prolifèrent pour confluer au bout d'un certain temps.
Il semble d'aprés notre courte expérience actuelle que la meilleure prise de greffe
épidermique sur un derme artificiel revascularisé in vivo soit obtenue par la
mise en place d'une greffe en filet large (x 4), extrémement mince, épidermique pure ou
presque. L'adhérence est immédiate, la prise pratiquement totale. En outre, grice au
derme sous-jacent, Faspect habituel des greffes en filet tend A disparaitre, les mailles
se comblant par épidermisation centrip&e sur un sous-sol dépourvu de tissu de
granulation.
Enfin les tentatives d'épidermisation de la matrice extracellulaire du derme in vitro par
culture pendant 5-é jours en milieu de Boyce, puis de transfert in vivo, après
excision précoce, nous semblent tr&s prometteuses. Elle montrent la constitution, en
histologie, d'une peau totale, dermo épidermique. En effet 10- 15 jours aprés le
transfert in vivo le derme est totalement recolonisé et F&piderme est
pluristratifié. Ces études d'épidermisation jusqu'd présent men&es chez Fanimal
devraient se poursuivre chez I'homme très prochainement.
En conclusion, les dermes artificiels, épidermisés in vitro, ou in vivo sont,
comme Font monti-é par ailleurs Burke et Yannas (17), puis Boyce et Hansborough (1), un
biomatériau de choix dans le traitement chirurgical précoce des grands brué1és.
SUMMARY. A survey is made of
the various biomaterials available after early excision for the covering of extensive
bums. The advantages and disadvantages are described of the use of autologous skin,
allografts, heterografts and the various types of skin substitute (amniotic membrane,
Omiderm R, Beschitin R, PA 295 R, Biograne R). Another solution for the covering of
severely burned patients is the use of keratinocyte cultures. An experiment is described
in which an artificial dermis, based on human collagen, glycoaminoglycan and chitosan, was
used in rats. Considering the positive results obtained in animals, as regards
epidermidalization, this research should be pursued also in humans in the near future.
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