Annals of the MBC - vol. 4 - n'2 - June 1991

ETUDE RETROSPECTIVE SUR LES PROBLEMS SEPTIOUES POSES PAR LES BRULES TRANSFERES D'AFRIOUE

Lebreton F., Schiotterer M., Wassermann D.

Centre des Mies, Hdpital Cochin, Paris, France


RÉSUMÉ. Cette étude a pour but de déterminer, chez les patients brúlés transférél d'Afriqpe, l'antibiothérapie de prerniére intention la lus efficace. Nous avons pour cela relevé, dans les 33 dossiers des patients transférél d'Afrique, les germes présents sur le prélévernent de brúlure fait a Pentréc, dans les hémocultures prélevées systérnatiquernent au cours des trois premiers jours, et sur les cathéters éventuellement présents a l'arrivée. L'étude des antibiogrammes de ces différ~nts germes montre que la Ciprofioxacine est, de tous les antibiotiques testés, celui qui présente Pefficacité la plus constante sur les germes retrouvés dans les différents prélévernents. Nous hospitalisons tous les ans dans le Centre des Brúlés de Cochin, comme dans beaucciup de centres f,~an,~ais, de nombreux patients venant TAfrique, porteurs de brúlures tres infectées et qui présentent, a l'arrivée ou dans les jour,s suivant s, des cornplication septiques gravissimes pouvant aboutir au décés (3, 4). Ces complications septiques nous ont conduits a modifier.notre attitude thérapeutique a l'arrivée de ces patients, et nous effect,pons: manipulations prudentes, non agressives, des brúlures afín O'éviter les décharges bactériennes; traiternent systérnatique des brúlures par pansement a la Flarrunazine; recours systérnatique a une antibiothérapíe a large spectre (8). Le choix de cette antibiothérapie doit tenir compte des caractéristiques báctériologiques propres aux patients concernés et éviter le recours aux molécules les plus puissantes qui doivent étre réservées aux infecti,ons a germes multirésistants. C'est ainsi que l'association Céfotaxime - Vancornycine - Arnikacíne qui couvre pratiquement tous les germes responsables Winfecti ' on dans notre centre nous a sembié devoir étre évitée. L'objecti ' f de cette étude est de déterrniner, a partir de l'analyse des dossiers bactériologiques des brúlés venant dWrique, l'antibiothérapie de prerniére intention la plus efficace sur la rnajorité des germes rencontrés, tout en entrainant une pression antibiothérapique aussi légére que possible.

Population

De janvier 1987 juill.et 1989 nous avons requ, dans le Centre des Grands Bi-é1és de Mépital Cochin, 33 malades venant d'Afriqpe sur un total de 337 patients hospitalisés dans le méme temps, soit 9,79% (Tableau 1).
Les principales caractéristiques de ces patients concernant I'dge, le délai d'arrivée dans le centre, et le pourcentage du brdlure, sont résumées dans le Tableau 2.
Les patients décédés, hospitalisés dans des délais variables mais souvent courts Q1 A J10), étaient touS jeupes (15 3é ans) et porteurs de brillures de moyen ne gravité, selon nos critéres habituels (Tableau 3) (2,5).
Les deux premiers patients (n. I et 2) sont arrivés dans le service en état de choc, dont ils sont décédés dans les heures suivantes; trots autres patients (n. 3, 4, 5) ont présenté dans les deux jours; suivant leur arrivée un choc septique, et, malgré les traitements entrepris, sont décédés dans des délais variables de SDRA (syndrome de détresse respiratoire) Qé J30). Enfin ; brdlés particuli&rement atteints (82 78% de la surface, cutanée) (n. é et 7) sont décédés tres tardive ment des suites de septicémies Staphylococcus au reus, alors que la couverture cutaneé définit.ive avait été obtenue. Ces deux patients avaient bénéficié, des leur arrivée, d'une antibiothérapie large (Ceftazidime, Vancomycine, Amikacine). Avant leur arrivee a Cochin 42% de ces patients avaient requ une antibiothérapie en mono- ou bithérapie (Tableau 4).

Bactériologle

Pour tous ces patients, nous avons relevé les germes présents:

  • sur le pr&levement de brillure fait,, par &couvillonnage, Fentrée dans le service
  • dans les hémocultures prélevées au cours; des 3 -premiers jours suivant Phospitalisation (3 hémocultures par jour prélevées systematiquement et la demande si hyper- ou hypothermie)
  • sur les cathéters éventuellement présents I'arrivée, et qui ont W systématiquement enlevés et mis en culture.

Résultats

  • Tous les préléve.ments locaux étaient positifs, pt souvent plusieurs; germes 48 hémocultures étaient positives (3 premiers jours) 1é patients (50%) ont eu au moins une hémoculture positive
  • é cathéters sur 7 ont été positifs.

Les différ~pts germes retrouvés sur ces prélévements bact&riologiques sont r&capitulés dans les Ta bleaux 5 et é. En cc qui concerne les bacilles Gram négatifs(BGN), retrouvés 91 fois, on peut noter la grande variét& des contaminants, mais le germe le plus fré-, quent, aussi bien en hémoculture que dans les prél&ve ments locaux, est le pyocyanique (31,9% de tous les prélevements positifs). Acinetobacter est également fréqpemment retrouvé (1é,5% de tous les prélevements). 11 contarnine particullerement souvent les brdlures (23% des prél& vements de brfflures positifs). . Parmi les bacilles Gram positifs, rptrouvés 54 fois, c'est Staphylococcus Aureus qui domine largement(81,4%). Les streptocoques sont retrouvés 10 fols,(18,5%)

Algérie                           23

Djibouti                1

Maroc                              3

Mali                     1

Tunisie                             3

Congo                  1

Cameroun                         1

 

Tableau 1 Pays d'origine

 

33 malades :

17 hommes et 1é fernmes

D&Iai d'arrivée :

8,7 jours (extremes 1- 60)

Age moyen :

27,3 ans (extrémes 15-57)

SBT moyenne

40,3% (extrémes 9-89)

3' degré :

23,6% (extrémes 1,5-70)

SBT 40%

15 patients soit 45,5%

D&Os

7 soit 21,2%

Tableau 2 Caractéristiques des patients

 

Patients

J. déces Age % SBT % 3' degré Délai hospital

I

J 0

15

50

50

J 4

2

J 0

55

55

J 2

3

J 6

36

43,5

3,5

J 6

4

J 9

15

33

9

J10

5

J 30

19

55

24

J 2

é

J 134

22

82

43

J I

7

J 156

33

78

66

J 8

Tableau 3 Déces

 

Germes

Wrnocultures

KT

Brillures

Total

Pyocyanique

9

2

18

29

Acinetobacter

1

1

13

15

Klebsielle

6

0

4

10

Enterobacter

3

1

7

11

Proteus

1

3

6

10

Autres

6

1

9

16

Tableau 5 Bactériologie - Gram Négatif

 

Germes

Hémocultures

KT

BrOlures

Total

Staphylocoque Aureus

27

2

15

44

Streptocoque

3

3

4

10

Tableau 6 Bactériologie - Gram Positif

 

Antibiotiques

S

R

I

Non-testés

Carbéni Péni

33,7%

66,3%

0 %

1,2%

Uréido Péni

37,5%

51,8%

10,5%

2,3%

CdotaNime

71,1%

22,1%

é,8%

32,1%

Ceftazidime

79,8%

13,2%

7 %

3,5%

Amikacine

83,7%

13,7%

2,6%

8 %

Péfloxacine

68,6%

10,6%

20 %

2,4%

Ciprofloxacine

94,7%

0 %

5,3%

35,6%

Tableau 7 Antibiogrammes des B. Gram N~gatifs

 

Antibiotiques S R 1 Non-test

Wthicilline

45,5%

54,5%

0 %

0 %

Ac. Fusiclique

97,7%

0 %

2,3%

0 %

Fosfomycine

95,5%

4,5%

0 %

0 %

Amikacine

18,2%

2,3%

79,5%

0 %

P~flox?Lcine

90,8%

4,6%

4,6%

2,4%

Ciproflox,~Cine

96 %

0 %

3,3%

29,5%

Vancomycine

100 %

0 %

0 %

0 %

Tableau 8 Antibiogrammes des Staphylococcus Aureus

dont 3 fóls.en hémocultures. 11 est noter que parmi les malades ayant eu un prélévement posítif streptocoque un seul avait re~u une antibiothéraple préalable (mais par Gentarnycine).
Les résultats des antibiogrammes montrent que la sensibilité des BGN d'Affique est peu difféÉ~pte de celle des germes hospitaliers fran,~ais (Tableau 7).
En particulier, 66,3% des BGN testés sont résistants aux Carbéni Pénicillínes et 51.8% aux Uréido Pénicillines.
Par contre, seulement 13,2% des BGN testés sont resistants la Ceftazidime, mais parmi eux 93,3% des Acínetobacters sont résistants ou intermédiaires cet antibiotique.
En ce qui conceme l'Amikacine, 13,7% des BGN y sont résistants.
Parmi les quinolones, 10,6% des BGN sont résistants Péfioxacine et nous n'avons noté aucune résistance Ciprofioxacine, mais un certain nombre de germes (32 au total soit 35,6%) n'ont pas été testés cet antibiotique (1'étude ayant été commencée en 1987) (1, 9, 11). En ce qui concerne les bacilles Gram positifs (Tableau 8), nous n'avons pas trouvé de streptocoques resistants l'Ampicilline et aux Uréido Pénicillines.
Staphylococeus Aureus (St. Aureus) est toujours sensible la Vancornycine et l'Acide Fucídique, par contre 4% d'entre eux sont résistants la Fosfomycine et 2,3%'á l'Arnilcacine, mais avec 79,5% des souches classées comme intermédiaires cet antibiotique.
En ce qui concerne les quinolones, 4,6% des germes testés sont résistants la Péflox.~cine; et nous n'avons constaté aucune résistance la Ciprofiox?cine pour les germes testés cet antibiotique (29,5% de germes non testés).

Discussion et conclusion

Sur les 59 BGN testés a la Ciproflox~cine, aucune résistance n'a été constatée, Pour 32 BGN, le test de sensibilité Ciprofiox4cine n'a pas été réalisé (début de l'étude en 1987). On peut estimer que pour ces derniers germes la proportion de résistance était au plus identique celle constatée globalement avec PéfloxAcine, soit 10,6%, ce qui aurait représenté environ 3 BGN résistants sur les 32 non testés.
Ainsi sur les 91 BGN, on peut estimer que, globalement, le pourcentage de résistance Ciproflaxacíne est inférieur 3,3%. Le meme raisonnement peut étre tenu en ce qui concerne les prélévements positifs de St. Aureus. Aucun germe résistant á.Ciprofloxacine sur les 31 testés: 4,6% de St. Aureus résistants Péfioxacíne, soit moins d'un germe résistant Ciproflox~cine sur les 13 St. Aureus non testés cet antibiotíque. Ainsi sur les 44 St. Aureus, on peut múrner que, globalement, le pourcentage de résistance Ciprofloxacine est inféri-. eur 2% (6, 7, 10).
Au total, sur la population particuliére concernée par cette étude des patients transférés d'Afriqpe, 11 apparait que la Ciprofioxacine est, de tous les antibio tiques testés, celui qui présente Fefficqeité la plus constante, sur les germes relevés dans les différppts prélévements bactériens réalisés l'entréc. ' ' En conclusion, nous proposons donc Putilisation de la Ciprofloxacine titre systématique, en association avec un aminoside, chez les patients reQus avee retard d'un pays africain.
Cette attitude permet, dans notre expérience, de passer le cap des premiers jours et d'attendre le résultat des prélévements bactériologiques.

SUMMARY. The purpose of this study is to determine the most effective first intention antibiotherapy in burn patients transferred from Africa.1n the 33 case histories of such patients we noted the germs present in burns on admission, in the haemocultures taken systematically during the first. three days, and in any catheters present on admission. A study of the antibiograms of the difTerqpt germs shows that of all. the antibiotics tested Ciprofloxgcin is the one most constantly effective against the germs observed in the various samples. As in many other French centres, we admit every year to our Burns Centre in Cochin large numbers of patients from Africa suffering from very infected bums who present on admission or within a few,days various very serious and sometimes fatal septic complications (3, 4), These septic complication have led us to modify our therapeutic attitude when these parents arrive, and we now perform: careful, non-aggressive manipulation of the burns in order to prevent bacterial discharge; systematic treatment of bums with Flammazine dressing; systematic recourse to wide spectrum antibiotherapy (8). The choice of thi ' s antibiotherapy must take into consideration the bacteriological characteristics of the patients concerned, and the more powerful drugs must be reserved for r.nulti resistant germ infections. For this reason we chose to avoid the Cefotaxin/Vancomycinum/Amikacin association which covers practically all the germs responsible for infecti ' on in our Centre. The objectof this study is therefore. to determine, on the basis of the analysis of the bacteriological case histories of burn patients coming from Africa, the most effective first. intention antibiotherapy for the majority of germs observed, with the lightest possible antibiotherapeutic pressure.


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