Ann. Medit. Burns Club - vol. VIII - n. 1 - March 1995

INTERET DU "TEST DE VITROPRESSION" DANS LE SUIVI DES CICATRICES DE BRULURES A PARTIR DE 50 OBSERVATIONS

Gavroy JR*, Poveda K* ' Oversteyns B.*, Plantier W, Roug6 D. , Griffe Cl.***, Teot L***, Costagliola W*, Ster F*

* CRM du Docteur Ster, Lamalou les Bains, France
** Service des Grands Brûlés "Félix Lagrot", Service de Chirurgie Plastique, CHU Rangueil, Toulouse
*** Centre Régional des Brûlés, Hôpital Lapeyronie, Montpellier


RESUME. Les auteurs sont partisans de la méthode du test inflammatoire classique de vitropression pour éviter certaines conséquences fonctionelles des brûlures. Ce test permet de chiffrer l'inflammation en chronométrant le temps que met la peau déprimée à se recolorer: cette durée est inversement proportionnelle à la quantité d'inflammation. Après avoir décrit une étude qui porte sur 58 patients, les auteurs discutent les résultats et concluent que le test de vitropression permet de quantifier précisément l'inflammation, d'avoir un contrôle sur l'efficacité des techniques de rééducation et de sensibiliser les patients.

Introduction

La maîtrise de l'orage inflammatoire classiquement décrit dans l'évolution cicatricielle entre le 2ème et le 6ème mois constitute un grave sujet de préoccupation pour la rééducation du grand brûlé. Au cours de cette phase il faut éviter que certaines conséquences fonctionnelles apparaissent, à savoir brides, rétractions et hypertrophies. L'adaptation étroite des techniques de prise en charge cutanée à cet état inflammatoire a nécessité, en collaboration étroite avec les équipes chirurgicales et de réanimation, la mise en place de paramètres d'observation fiables. Nous avons choisi à partir du test inflammatoire classique par pressions digitales une quantification exacte de la recoloration. cutanée. L'idée de ce test est venue de l'observation d'un blanchiment de la peau à la pression du doigt, blanchiment qui disparaissait d'autant plus rapidement que l'inflammation était importante.
Le principe est simple: tout mécanisme inflammatoire cutané se traduit par une augmentation du flux capillaire périphérique, le test permet de chiffrer l'inflammation en chronométrant le temps qtie la peau déprimée à se recolorer et cette durée est inversement proportionnelle à la quantité d'inflammation.

Matériel et méthode

Cette étude a porté sur 58 patients (40 hommes et 18 femmes) d'une moyenne d'âge de 42 ans pour qui nous avons testé environ cinq zones différentes. Nous utilisons une plaque transparente pour apprécier qualitativement le blanchiment, de préférence bombée pour cibler plus précisément la zone à tester, et un chronomètre. Ces deux éléments sont actuellement réunis sur un même appareil.
Le test se déroule en deux temps: la dépression et la recoloration. L'examinateur applique l'appareil transparent sur la zone à tester afin d'obtenir un blanchiment uniforme: la quantité de pression n'a pas d'incidence sur le test à condition de l'arrêter dès que le blanchiment est obtenu.
Puis l'examinateur retire l'appareil et chronomètre le temps écoulé pour que la zone déprimée retrouve sa coloration initiale. La mesure en peau saine est de 3 secondes. Nous préconisons d'effectuer un test tous les quinze jours ou en début de toute nouvelle étape de traitement. Les zones choisies pour le test sont notées sur un dessin représentant le corps humain et les mesures obtenues sont inscrites sur une fiche ou apparaiÎt le recul par rapport à la brûlure. Ces resultats sont alors reportés sur un graphique avec en abscisse le temps,écoulé après la brûlure et en ordonné la valeur du test, et nous obtenons une courbe: si cette courbe descend on note une aggravation de l'inflammation, si elle monte une diminution de l'inflammation.
L'intensité et la durée de l'inflammation peuvent varier en fonction de critères non maiÎtrisables: la pigmentation de la peau, les causes de la brûlure, l'âge du patient. En revanche, le traitement médical et la rééducation peuvent influer sur l'inflammation.

Observation du test après différentes techniques

de rééducation

L'hydratation. Nous la pratiquons sous trois formes: l'application d'eau, les pommades hydratantes, l'eau en suspension ou gels; nous notons une amélioration du test de 2/lOème de seconde à la fin d'une séance, sauf sur l'application de pommade où le gain est nul. L'effet n'étant pas durable, il convient de multiplier les séances.

La compression. Si elle est mise en place de façon tardive le test reste bas longtemps. En revanche, si elle est possible et bien adaptée, on obtient une amélioration r lière du test dans le temps. Si la compression est trop forte nous constatons lafonnation d'hématome.

L'appareillage d'immobilisation de compression et les silicones. Us immobilisations en plusieurs jours améliorent le test mais l'appareillage en phase très inflammatoire peut induire des phlyctènes et des hématomes. Les appareillages de compression en matériaux therinoformables provoquent macérabon et augmentation de la température cutanée qui diminuent le test. Nous préconisons alors l'adaptation d'autre matériaux comme les silicones qui ont peu d'effet sur la valeur du test (moins d'1/10ème de seconde sur un temps de pose) mais améliorent le confort et l'acceptation de cet appareillage.

Le massage manuel ou à l'aide du LPG. Les manoeuvres telles les pressions vibrées, glissées et les palpé-roulés qui ont pour but l'écrasement des hypertrophies et le décollement des adhérences provoquent une hypervascularisation qui fait baisser systématiquement le test de 2 à 3/lOème de seconde par séance. Pratiqué au stade précoce, le massage peut avoir des effets désastreux.

La rééducation active. Les mobilisations intempestives entretiennent l'inflammation et précipitent la formation de brides. La marche et la station debout prolongées, au stade précoce, font également chuter le test et retarde la cicatrisation,

Les techniques anti-oedèmes. Comme le drainage lymphatique les positions déclives ont un effet bénéfique sur l'inflammation (de l'ordre de 1110ème et demi de seconde sur une séance de drainage).

Les jets filiformes. Par leur effet de percussion sur la peau ils provoquent une hyperhémie qui fait chuter le test en fin de séance de 2 à 3/lOème de seconde. En fin de cure de jet, on note une augmentation du test de 1/lOème à 3/lOème de seconde.

Résultats

Cette première étude nous permet de dresser un tableau de priorité de la rééducation en fonction de la valeur du test. Si le test est inférieur à 1,2", le risque cutané est majeur (désépithélialisation, phlyctènes et hématomes). La rééducation se lirnitera à l'hydratation, si la cicatrisation le permet une compression douce sera entreprise. Les postures douces seront préférées aux mobilisations et l'appareillage restera prudent. Si le test se situe entre 1,T' et 2", la peau toujours fragile acceptera une compression plus soutenue. On intensifiera l'hydratation, les postures et les étirements cutanés. En revanche le massage est formellement contre-indiqué. Si le test est superieur à 2" on entreprendra un traitement cutané prudent, plus aggressif si le test tend vers les 3". La compression sera maximum avec ajout de mousse et de silicones, et une rééducation plus dynamique à viséé musculante et assouplissante pourra débuter. La solidité épithéliale déciderà de l'intensité des jets.

Discussion

Il peut apparaître une contestation sur l'éxécution du test: temps de latence entre la levée de l'appareil et le déclenchement du chronomètre puis appréciation trop subjective de la recoloration. Nous en sommes conscients et nous avons fait exécuter le même test par quatre examinateurs différents en aveugle: lorsque les contrastes sont bien marqués, c'est-àdire que le test est compris entre 0 et 2 secondes la marge d'erreur est infime (environ 1/lOème de seconde). Cette marge d'erreur augmente au-delà d'un test à 2 secondes mais cela est peu préjudiciable pour la conduite thérapeutique. D'autre part les patients que nous traitons bénéficient de plusieurs techniques de rééducation dans le même temps, et il ne nous parait pas pensable pour cette étude de pratiquer des techniques de rééducation isolées et de négliger certains aspects de la thérapeutique. Cette première étudie a fait un repérage ponctuel du test après une séance ou visualisé le test globalement sur des périodes de 15 jours. Il faut également savoir que certains tests (une vingtaine) ne traduisent pas véritablement l'inflammation, nous les appelons les faux-tests: ce sont les régions osseuses, les zones naturellement hypervascularisées, les zones où l'on n'obtient pas de blanchiment traduisant des troubles circulatoires. Mais l'examen des patients ne se limite pas au test de vitropression, et l'observation, la palpation nous permettent de réajuster ces quelques erreurs.

Conclusion

Malgré les insuffisances de la technique et de la méthodologie de cette prémière étude auxquelles nous espérons pallier pour affiner nos résultats, nous constatons que le test de vitropression nous permet de quantifier de manière moins empirique l'inflammation, d'avoir un contrôle sur l'efficacité et le dosage de nos techniques de rééducation, de sensibiliser, voire responsabiliser les patients.

SUMMARY. The authors of this article are firm believers in the use of the classic vitropressure inflammation test in order to prevent certain functional consequences of burns. This test makes it possible to measure inflammation by timing how long the pressed skin takes to regain its colour: the time taken is inversely proportional to the extent of inflammation. After a description of a study involving 58 patients, a discussion is made of the results. It is concluded that the vitropressure test makes it possible to quantify inflammation precisely, to cheek the effectiveness of rehabilitation techniques and to arouse patient awareness.




 

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