Ann. Medit. Burns Club - vol. VIII - n. 2 - June 1995

LA PRISE EN CHARGE DU "PETIT BRULE" EN CHIRURGIE PLASTIQUE

Charbonnier B.

Service de Chirurgie Plastique, Hôpital Rothschild, Paris, France


RESUME. L'auteur, cadre supérieur infirmier, décrit le traitement du petit brûlé chez le service plastique de l'Hôpital Rothschild à Paris. Après avoir défini le "petit brûlé" et présenté les statistiques relatives à la période 1990-1992 pour ce qui concerne le numéro des patients, la moyenne d'âge, les causes des lésions, la superficie moyenne des brûlures, la durée moyenne du séjour, le mode d'entrée et la sortie, il décrit le service et l'équipe des soins. Les diverse phases du traitement sont présentées dans les moindres détails - l'acceuil du patient, le traitement général, les pansements, les suites de soins d'hospitalisation, la rééducation musculaire et articulaire, le port des vêtements de compression. L'importance de l'aspect psychologique est aussi soulignée. La collaboration des chirurgiens plasticiens, des médecins-anesthétistes, du psychiatre, des spécialistes divers et de l'équipe soignante permet d'élaborer un projet de traitement global du petit brûlé. L'hospitalisation du petit brûlé dans le service de chirurgie plastique à l'Hôpital Rothschild dépend de la décision du plasticien.

Le petit brûlé que nous traitons, qui est-il?

C'est une personne atteinte de brûlures limitées, récentes (moins d'un mois) et dont l'état clinique ne demande pas une hospitalisation en service de réanimation. Nous savons que la gravité de la brûlure est liée à l'étendue et à la profondeur. C'est un patient dont la brûlure peut être profonde et, dans ce cas-là, peu étendue (une excision-greffe en urgence diminuera les délais de cicatrisation et contribuera à un résultat fonctionnel et esthétique meilleur). La brûlure peut concerner une région exposée et dangereuse à cause des conséquences esthétiques et fonctionnelles et le traitement sera chirurgical d'emblée (excision-greffe), par exemple pour le visage et les mains. Nous savons que la précocité du geste conditionne le devenir. La brûlure est la cause du passage du courant électrique. Entre la porte d'entrée et la porte de sortie de la brûlure, il existe souvent des lésions profondes (musculaires, vasculaires et nerveuses). La brûlure est suspecte de lésions pulmonaires (par exemple, brûlure par explosion ou inhalation de matières synthétiques en combustion par example). C'est un patient "grand brûlé" venant de l'unité des soins intensifs de l'Hôpital Saint-Antoine; celui-ci sera accueilli dans le service lorsque les problème aigus de sa pathologie auront été réglés.
Nous avons reçu sur trois années une moyenne de 123 patients, avec une légère surreprésentation masculine dans le nombre de brûlés (Tableau I).
Par ailleur la moyenne d'âge est légèrement plus élevée pour les femmes: 45 ans (37,5 ans en ce qui concerne les hommes).
La Fig. 1 représente la proportion relative d'accidents du travail, d'accidents de la circulation, les agressions, les tentatives d'autolyse, les causes incertaines et diverses. On constate une nette prédominance des accidents domestiques: 50%. Il y a un pourcentage élevé de cas d'agressions occasionées essentiellement pour la clientèle de gaz lacrymogène.Il y a aussi une progression de 5%, en trois ans, de causes incertaines. Il s'agit là souvent de brûlures par contact, par flamme, comme des accidents de bricolage, jeux de loisirs, jardin barbecue, pot d'échappement, brûlure de cigarette.
La Fig. 2 nous montre en pourcentage l'étendue de la brûlure dans les différentes circonstances. Si celle-ci est importante dans les accidents domestiques (11- 13%, supérieure à la moyenne), elle est en constante progres~sion dans les accidents dus aux agressions (+ 3% en moyenne).

1990

1991

1992

Population

Noinbie de malades

115

135

119

Hommes

62,51/,

64,5%

59%

Femmes

37,51/,

35,5%

41%

Moyenne d'âge (ans)

Hommes

35

38

40,5

Femmes

42

49

44

Origine de la brfflure

Accident domestique

50,5%

49"/,

50,51/1

Accident de travail

16,5%

21%

18,5%

Accident de la circulation

11 'X

4%

511,

Agression

6%

9%

6,51/,

Atitolyse

4%

4%

2,5%

Divers/indéterminé

121/,

13%

17%

Durée moyenne de séjour (jours)

23

22

23

Pourcentage de suiface brûlée

7,14

8,28

8,24

Nombre des décès

1

3

1

Holluiles

-

1

1

Femmes

1

2

-

Moyenne d'âge des décès (ans)

67

73

89

Hommes

-

47

89

Fenunes

67

86,5

-

Modes d'entrée (total)

115

135

119

Par leq urgences

89,51/,

88%

81,3%

Transfert d'un autre hôpital

281/,

29%

36%

Urgences directes à Rothschild

55%

54%

421/,

Pays étrangers

6%

5%

3,5%

Transfei t du service des brûlés

de Saint-Antoine

4,5%

7,5%

8,5%

Consultation du service

4,5%

10%

Mode de sortie (total)

115

135

119

Destination

Domicile

87

94

82

Centre de rééducation La Musse

10

14

16

Service des Brûlés St-Antoine

6

6

6

Moyen séjour/maison de repos

8

10

9

Contre avis médical

4

8

5

Décès

1

3

1

Tableau I - L'activité du service des brûlés

Les brûlures occasionnées par les tentatives d'autolyse se révèlent très importantes. Leurs superficies représentent une moyennede plus de 9% de la surface corporelle. A noter très souvent la présence dans ces circonstances de brûlure de troisième degré.  La durée moyenne de séjour est relativement constante (moyenne de 22,5 jours sur 3 années). Le pourcentage de la surface brûlée, toute cause confondue, est de 7,8% en moyenne. Il y a eu cinq décès dans le secteur de la plastie-brûlure en trois ans sans cause directe avec la pathologie de la brûlure.Le mode d'entrée par les urgences représente la majorité des cas (86,5% en moyenne). A noter les transferts qui augmentent et le recrutement après consultation qui atteint 10% en 1992. Le retour au domicile est le plus fréquent. C'est le cas pour 87% des patients en moyenne. 13% sont partis en maison de rééducation spécialisée (La Musse), et 9% en moyen séjour, maison de repos.

Presentation dul service

L'unité de l'hospitalisation comprend 38 lits. Elle est divisée en deux secteurs géographiques mais sur pli, même étage:

- une unité de soins de 25 lits, ce sont des chambres à un, deux et trois lits;

- une unité de soins de 13 lits en chambre individuelle.

Chaque unité possède une salle de pansement, un poste de soins, des locaux annexes pour l'hygiène et le rangement du matériel. Chaque chambre est dotée d'un matériel classique pour la; surveillance du patient en chirurgie. Le service est un secteur dit ouvert, l'ambiance n'est donc pas stérile. Les visites sont accueillies traditionnellement l'aprèsmidi. Dans certains cas, nous acceptons l'hébergement d'un membre de la famille accompagnant. La salle de bain des brûlés, située au centre des parties communes du service, permet la réalisation de la majeure partie des soins- locaux.1 Elle est équipée d'une baignoire, de deux brancards élévateurs dont un est électrique, d'un chariot de pansement et de tout le matériel nécessaire concernant l'hygiène courante. Les précautions d'asepsie existent mais sont moins contraignants que dans une unité de soins intensifs. L'équipement pour le traitement du brûlé reste collectif et est utilisé en fonction des besoins. Nous possédons trois lits fluidisés, dix lits tous soins, électriques à hauteur variable, une nutripompe refrigérée, du matériel d'aspiration, des seringues électriques, différents types de matelas préventifs de l'escarre en fonction des cas.

L'équipe de soins

Elle comprend:

1. L'equipe médicale

1 chef de service

1 professeur agrégé

2 chefs de clinique

2 médecins anesthésiste

9 chirurgiens attachés vacataires

2 internes

6 externes

2. L'equipe paramédicale (Tableau II)

ainsi que: deux kinésithérapeutes une diététicienne une assistante sociale une psychologue Chaque soignante a la responsabilité d'un nombre de malades répartis selon la charge de travail. L'objectif des soins infirmiers est de garantir des prestations de qualité par rapport aux soins dispensés au patient brûlé.
Des actions sont menées dans ce sens et prennent en compte:

- la prise en charge du patient dans sa globalité durant son séjour (fiche d'identification du patient où sont recueillies et notées des informations telles que le soutien psychologique, la qualité du régime alimentaire ... )

- son retour à l'autonomie perdue (fiche kinésithérapeute)

- l'apaisement de sa douleur: protocole anCalgique

- le bien-être du patient et sa reconnaissance en tant qu'être humain, par le biais de réunions hebdomadaires regroupant autour de la même table médecins et paramédicaux.

L'accueil du patient dans le service

A l'arrivée: installation du patient dans sa chambre. L'installation du patient est faite dans les meilleures conditions de confort et d'asepsie, sur lit fluidisé ou lit cliniplot. L'equipe soignante a auprès du patient une fonction d'accueil, une fonction relationnaire et technique.

Le traitement général

Très rapidement, le chirurgien qui aura effectué la cartographie des brûlures expliquera au patient le déroulement des soins qui lui seront prodigués et renseignera ses proches de l'état de santé du patient. Les prescription thérapeutiques seront posée en concertation avec le médicin-anesthésiste:

- pour soulager la douleur (le patient est souvent très inquiet et il souffre), avec prescription d'antalgique non morphinique (paracétamol) ou morphinique (Prodafalgan, Di-antalvic ... )

- et pour résoudre les désordres hémodynamiques et hydroélectrolytiques.

Mise en place d'une perfusion avec surveillance des constantes classiques: diurèse, tension artérielle, pouls, température. Dès l'arrivée, les soins locaux seront entrepris.

Le pansement à Rothschild

Le pansement est à la fois simple et complex: simple à concevoir, il s'agit d'assurer la protection d'une plaie, complexe si l'on pense aux differénts types d'agressions de la peau. Tout le matérial estpreparé; sur un grand chariot: plateau soins, compresses et champs tétra-stériles, bistouri, les topiques (tulle gras, corticotulle, Flammazine, Elase).

Le bain

Il est effectué dans la salle de bains des brûlés où les pansements seront effectués après la toilette de propreté. Le patient est immergé dans l'eau. Toilette au savon doux, à J'eau tiède, et si c'est possible, car non douloureuse, les plaies sont recouvertes d'un làntiseptique à large spectre, bétadine Hibiscrub par exemple. L'infirmière s'occupe de l'asepsie et du nettoyage, du rasage soigneux (le bain est réalisé Par deux infirmières, aidées de l'aide-soignant qui a la responsabilitè du patient. Il faut compter une heure de travail par bain). Puis c'est le temps de décapage: excision des phlyctènes. Les membranes et les croûtes sont éliminées. Si la douleur est modérée, il est possible de frotter légèrement le bourgeon ou de gratter avec un scalpel. La baignoire est nettoyée à l'eau de javel entre chaque patient que le sol. Nous utilisons aussi un produit bactéricide et anti-fongique pour la désinfection du matériel de la salle de bains.

Pose de pansement primaire

Le patient est sorti de la baignoire, nous utilisons le chariot brancard élévateur électrique. Il est essuyé. Le choix du topique dépend du stade de la brûlure. Si le pansement est constitué de tulle gras associé à un topique tel Elase ou Flammazine, l'infirmière imprègne le tulle avec le topique puis dépose l'ensemble sur la plaie. En ce qui concerne les pansements hydrocolloïdes (Duoderm, Comféel ... ) la plaque est appliquée sur la lésion propre et séchée de manière à déborder sur la peau saine pour permettre une bonne adhésion, dans les brûlures du ler et 2ème degré superficiel, et ceci pendant plusieurs jours. Dans le service, du fait de leur grande expérience, les infirmières prennent souvent l'initiative des topiques utilisés pour le pansement selon l'état local.

La riche pansement

L'infirmière, après avoir tenu au courant le patient de ce que l'on a découvert, note sur la fiche les produits utilisés et l'aspect du Pansement. Cette fiche est un élément du dossier soins et peut suivre le malade à sa sortie en soins ambulatoires.

Le pansement secondaire

Compresses et champs tétra-stériles vont recouvrir largement le pansement primaire. L'ensemble est maintenu par des bandes textiles Velpeau ne serrant pas trop. On utilise du sparadrap hypoallergique pour les tenir. On peut utiliser un filet Surgifix par exemple pour une oreille (on limite ainsi les problèmes d'allergie).  Les brûlures sont nettoyées tous les jours ou tous les deux jours par savonnage à la bétadine.Les brûlures du 2ème degré superficielles cicatriseront en 10 à 15 jours. Celles du 2ème degré intermédiares et profondes tout comme celles du 3ème degré nécessitent un traitement chirurgical sous anesthésie générale:

- excision-greffe après détersion des tissus nécrosés

- dermabrasion

- en attente d'un bourgeonnement correct.

Dans les plaies profondes à déterger, le tulle gras est changé tous les jours.

Les suites de soins d'hospitalisation Conduite à tenir compte tenude la fiche post-opératoire

Ouverture du pansement de greffe au 3ème jour en présence du chirurgien avec ablation des agrafes progressivement à partir du 6ème jour. Fermeture avec pansement tulle gras et compresses. Pansement de la prise de greffe: Inerpan ou tulle gras. Selon la méthode suivie au bloc opératoire, la plaque d'Inerpan est surveillée. Elle se décolle tout naturellement vers le 1 Oème jour (aspect noirâtre). Elle sera remplacée par le tulle gras pour terminer le pansement.

Dès le début de la prise en charge du patient, il faudra commencer une rééducation avec l'aide des kinésithérapeutes. Les soins sont étroitement liés aux soins infirmiers; cette rééducation sera faite si possible pendant le temps du pansement, car c'est le moment où le patient est le moins gêné pour faireses mouvements.
Plusieurs techniques sont utilisées dans le service:

1. Les postures qui permettent le maintien en bonne position des articulations des membres. Elles sont réalisées grâce aux différentes orthèses confectionnées en thermoformable sur place pour lutter contre les rétractions et l'hypertrophie. Elles sont refaites plusieurs fois durant l'hospitalisation en conformité avec le pansement afin d'effectuer une pression correcte (attelles de main, d'épaule, minerve pour le cou par exemple).

2. La rééducation musculaire et articulaire. Progressivement les articulations seront mobilisées luttant contre les attitudes vicieuses et ceci sans le pansement.

3. Le port de vêtements de compression. Dès la cicatrisation complète de la brûlure, le vêtement compressif fabriqué sur mesure va permettre la prévention de formation de cicatrices hypertrophiques. Le vêtement est réajusté en fonction des besoins lors de la consultation qui se fait au niveau de l'hospitalisation une fois par semaine (vêtement en coton ayant une composition de caoutchouc dilué).

La relation avec le patient

Devant les difficultées rencontrées par les patients de part leur pathologie, il nous paraît important qu'un soutien existe. La psychologue du service anime des temps de rencontre hebdomadaires intitulés "la relation avec le patient -étude de cas cliniques". Là se réunissent autour d'une table chirurgiens et paramédicaux. Il faut pouvoir répondre à l'anxiété du patient qui attend tout de sa prise en charge hospitalière et il est primordial de savoir se situer par rapport à sa demande.
Le dialogue et la communication s'instaurent. L'expression est favorisée. Il se crée peu à peu une dynamique de travail par rapport au projet collectif qui s'élaboreparles différents acteurs de soins.

Organisation de la sortie

L'assistante sociale attachée au service travaille en complémentarité avec l'équipe soignante. Elle intervient durant le séjour du patient selon sa demande, met en route et organise la sortie de celui-ci en relation avec l'équipe médicale et la famille (centre de rééducation, centre de convalescence, moyen séjour, HAD).La collaboration des chirurgiens plasticiens, des médecin s- anesthésistes, du psychiatre, des spécialistes divers et de l'equipe soignante permet d'élaborer un projet de traitement global du "petit brûlé".
Cette équipe conduira le patient au fur et à mesure des différents temps de soins et hospitalisations vers une fonction satisfaigante et assumera une reconstruction esthétique correcte.

SUMMARY. The author, a head nurse, describes the treatment of minor burn patients in the Plastic Surgery Department of the H6pital Rothsehild, Paris. The term "minor bum patienC is defined and statistics are presented relative to the period 1990-1992 regarding the numher of patients admitted, average age, aetiology, mean burned surface, mean length of hospitalization, and manner of admission and discharge. A description is given of the Department and the medical and paramedical team. The various phases of treatment are described in great detail - the admission of the patient, general treatment, dressings, the continuation of hospital care, muscular and articular rebabilitation, and the use of pressure garments. The importance of the psychological aspect is also stressed. The collaboration of plastic surgeons, anaesthetists, the psychiatrist, various specialists and the nursing team makes it possible to work out an overall plan for the treatment of minor burn patients.




 

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