Annals of Burns and Fire Disasters - vol. IX - n. 3 - September 1996

PROTOCOLE DE MAITRISE DES INFECTIONS CHEZ LES GRANDS BRULES

Verrienti R, Mavilio D, De Sanctis R, Savoia A.

Servizio di Chirurgia e Centro Ustioni, Ospedale A. Di Summa, Brindisi, Italie


RESUME. La cause la plus fréquente de morbidité et de mortalité du patient brûlé est de nos jours, sans doute, l'infection. Le déficit relatif à l'immunité qui vient se créer rend le patient particulièrement sensible aux infections systémiques qui sont causées par l'invasion des bactéries provoquée par la blessure, par le contage extérieur, et par la translocation de la flore bactérique Gram négatif de l'intestin. Dans le Centre des Grands Brûlés de Brindisi on est en train d'effectuer une étude nationale sur l'usage de la péfloxacync, de la teicoplanine et de la nétilmicine pour le contrôle des infections. Cependant, selon l'opinion des Auteurs, le contrôle ne concerne pas seulement l'usage des antibiotiques mais aussi une série de méthodologies (préventives, diagnostiques et chirurgicales) pour atteindre ce but.

Introduction

Les infections sont devenues la principale cause de morbidité et de mortalité du patient brûlé depuis que le progrès des techniques de réanimation a causé une radicale réduction du numéro des décès dus au choc et à l'insuffisance rénale aiguë. L'introduction d'instruments thérapeutiques particuliers (les inhibiteurs H2 pour la prévention des ulcères de stress, l'intubation trachéale dans le cas de stress respiratoire, la sonde nasogastrique pour le gavage alimentaire) a dernièrement augmenté les possibles occasions de contamination micro-organismique.
La peau brûlée, par la présence de protéines dénaturées, constitue un pabulum idéal pour la prolifération bactérienne; d'autre part, dans le cas de brûlures profondes, la thrombose thermique du microcircuit empêche la diffusion locale des composants cellulaires et humoraux des défenses d'immunité du patient, en plus de la thérapie systémique. La persistance de tissu dévitalisé stimule le relâchement, de la part des lymphocytes et des macrophages, des médiateurs (chinine) dont l'hyperproduction est par elle-même dangereuse pour l'organisme: certaines interleukines (IL-1, IL-6), la prostaglandine Ee (PGEe), et le TNF-a (tumour necrosing factor alpha). De plus, une grande partie des effets physiopathologiques et cliniques des infections sont à mettre en corrélation non pas avec l'action direct des micro-organismes mais avec la médiation des substances dérivées d'euxmêmes (l'endotoxine dans le cas de Gram négatifs).
D'après les considérations précédentes, nous pouvons déduire que la thérapie anti-infectieuse ne s'identifie pas avec la simple chimiothérapie, mais qu'elle comprend, de façon plus générale, le protocole des mesures de nursing, de screening, et de thérapie pharmatologique (topique et systémique, aussi antibiotique qu'immuno-modulatoire) et de thérapie chirurgicale, dans le but d'un contrôle des infections chez le grand brûlé. Nous exclurons du traité la thérapie nutritionnelle (supplément alimentaire entéral et parentéral), et nous ne ferons qu'effleurer la thérapie immunornodulatoire.

Infections locales

Les conditions locales de la peau lésée, en particulier en présence d'escarres, favorisent la colonisation bactérienne. Les micro-organismes tendent à pénétrer en dessous de l'aire de nécrose, migrant de préférence le long des follicules pileux et des glandes sudoripare~, jusqu'à rejoindre l'interface entre le tissu vital et celui non vital (espace sub-escarre); ici la prolifération résulte ultérieurement accélérée avec la conséquence d'une invasion des tissus profonds et du circuit hématique, bien que les défenses de l'organisme soient inégales par rapport à l'agression nticrobienne. La souche du micro-organisme colonisant dépend, en grande partie, de la diffusion dominante des pathogènes dans la micro-atmosphère hospitalière; dans ce sens, les données relatives au Centre des Grands Brûlés de Brindisi coïncident avec celles retrouvées dans la littérature internationale: durant les dernières années les examens culturaux témoignent le passage d'une flore composée en grande partie de Gram négatifs (en particulier Pseudomonas aeruginosa) à une population microbienne mixte avec une dominance de Gram positifs, en particulier de souches polyrésistantes de Staphylococcus aureus. Ce changement est, logiquement, en relation avec la sélection progressive du milieu des pathogènes résistants, sous la pression de antibiotiques puissants et à large spectre. Bien qu'ensuite la couverture précoce des zones sanglantes soit impossible, après le premier mois d'hospitalisation, en moyenne, à la flore bactérienne tend à se substituer une population mycosique; les micro-organismes plus fréquemment intéressés sont la

Candida albicans et de différentes souches d'Aspergillus.
Le protocole de contrôle des infections locales s'articule en quatre points:

  • nursing (rigoureuse observation des mesures d'asepsie et d'antisepsie; subdivision du personnel infirmier en équipes, chacune desquelles étant dédiée à l'assistance d'un seul patient; limitation des possibilités de mouvement des patients convalescents qui représentent des réservoirs de micro-organismes résistants); l'application complète de ces mesures demande une optimale disposition architectonique et logistique des structures du Centre des Grands Brûlés, qui ne se vérifie pas, en général, dans les édifices d'une conception plus ancienne

  • médications topiques avec des agents chimiothérapeutiques antimicrobiens: sulfadiazine d'argent (suspension 1 %) qui résulte efficace dans la prévention de la colonisation bactérienne des escarres, mais qui ne réussit pas à contrôler la prolifération des micro-organismes déjà présents, et qui ne peut être utilisée chez des patients allergiques aux sulfamicides; acétate de mafénide (suspension 11,1%) qui, grâce à sa grande diffusion, pénètre à travers les escarres, limitant ainsi la prolifération des pathogènes colonisateurs; de telles préparations sont avantageusement associables, d'un point de vue thérapeutique, grâce à leurs caractéristiques complémentaires

  • surveillance microbiologique périodique des aires épilées de routine, avec un examen cultural de la surface tous les trois jours, et dans certains cas (persistance de signes cliniques d'infection malgré une thérapie antibiotique spécifique) avec un examen cultural de prélèvements biopsiques, qui permet une évaluation précise du niveau d'invasion de l'infection locale; le but de cette surveillance est logiquement l'institution d'une thérapie antibiotique visée, qui de toute façon est nécessaire moins fréquemment qu'elle l'était une fois, grâce à l'emploi des soins infirmiers et aux médications topiques décrites ci-dessus

  • le protocole chirurgical de l'excision précoce des escarres (pour éliminer les conditions locales qui constituent le substrat optimal de prolifération des pathogènes) et de couverture avec des matériaux différents (autogreffes, homogreffes de personnes de la famille, substituts cutanés) pour éviter la colonisation bactérienne et mycosique. Pourtant, les conditions générales du patient ne permettent pas toujours un programme opératoire agressif: ce sont les cas où les surfaces brûlées restent à vif plus longtemp, ce qui augmente le risque d'infection systémique

Infections systémiques

Nous incluons dans cette définition tout processus infectieux d'organes différents de la surface brûlée; dans le cas des grands brûlés, un tel résultat se produit fréquemment, vu qu'il est facilement vérifiable en additionant les incidences d'infections respiratoires et urinaires, de thrombophlébites et de septicémie: il s'agit surtout d'un résultat statistiquement en corrélation, de façon significative, avec la mort du patient (Fincidence d'infections systémiques est beaucoup plus élevée chez les patients avec un exitus funeste par rapport aux survivants).
En rédigeant un protocole de maîtrise des infections systémiques, il faut identifier les origines possibles de pathogènes à l'intérieur de l'organisme du patient:

zones brûlées, dans le cas où l'on passe de la phase de la colonisation à celle de l'invasion bactérienne: même en l'absence de l'invasion, les manoeuvres usuelles de détersion et de médication des zones brûlées peuvent provoquer une bactériémie; il résulte évident que toutes les mesures discutées précédemment relatives au contrôle des infections locales se traduisent en une correspondante réduction des infections systémiques qui puisent leur origine dans les zones lésées

  • partie gastro-intestinale: durant ces dernières années une importance toujours plus grande a été donnée à cet organe comme une source de micro-organismes (phénomène du translocation bactérienne), de substances de dérivation bactérienne (endotoxine des Gram négatifs), de médiateurs locaux de l'inflammation (radicaux de l'oxygène dus à une lésion ischémique de la muqueuse), de chinine (interleukine et TNF produits par les cellules de Kupffer du foie); dans notre expérience, nous avons arrêté l'emploi des immunoglobulines G humaines, après les avoir utilisées pendant quelques années, à cause du manque de confrontations objectives de laboratoire quant à leur efficacité pour corriger le déficit immunitaire. Actuellement en plus de l'utilisation, dans des cas selectionnés, d'un protocole d'immunomodulation durant les deux premières semaines après la brûlure qui consiste en indométacyne (500 mg x 3) éventuellement associée au TP-5 (50 mg tous les deux jours), nous avons commencé depuis à peu près un an à pratiquer chez les patients atteints de brûlures en plus de 30% de la surface corporelle une décontamination sélective de la partie gastrointestinale moyennant une association spécifique d'antibiotiques (tobramycine, polimyxine E, amphotéricine B), avec des résultats encourageants aussi bien en ce qui concerne l'incidence d'épisodes infectieux qu'en ce qui concerne le cours moyen de la téraperature chez les patients traités; nous n'avons pas l'expérience d'autres protocoles d'immunomodulation (avec l'association d'indométacyne et d'interleukine 1-béta, avec déhydroépiandrostérone, et avec les facteurs de croissance ressemblant à l'insuline ILGF-1) ni de procédures de plasmaphérèse ou de traitement avec immunoglobulines monoclonales anti-endotoxine

  • cavité orald: cette source est particulièrement importante pour le développement d'épisodes bronchopneurnoniques depuis que l'amélioration du contrôle des épisodes bactéricides a réduit l'incidence de la pathologie pulmonaire au départ hématogène; en plus des habituelles mesures d'hygiène de la cavité buccale associées à des collutoires avec des solutions antiseptiques, nous effectuons l'examen cultural de la salive avec une fréquence bihébdomadaire; en outre nous associons, chez les patients qui nécessitent une ventilation artificielle et qui viennent placés dans la section de réanimation, l'emploi topique de pâtes polyantibiotiques

  • voies urinaires: des infections par voie hématogène sont possibles ou, plus fréquemment, par voie as.cendante, spécialement en cas d'emploi de cathéter vesical; nous prîttiquons l'examen cultural de Furine avec une fréquence bihébdomadaire, en plus de remplacer régulièrement les cathéters chaque semaine

  • vases hématiques: en plus d'une invasion depuis la périphérie, les vases hématiques peuvent résulter directement contaminés par des cathéters veineux périphériques et centraux; d'habitude, afin d'éviter l'introduction de ceux-ci par des zones brûlées, nous effectuons le remplacement de la voie vénale tous les six-sept jours, et dans chaque cas en présence du plus petit signe clinique de trombophlébite; nous ne suivons pas, par contre, un protocole de thérapie chirurgicale "agressive" sur les vases éventuellement infectés. Les examens hémoculturaux sont effectués régulièrement pour toute montée fébrile supérieure à 39 'C, et une thérapie antibiotique appropriée est instaurée même en absence de signes cliniques de septicémie

Le protocole de thérapie antibiotique systémique utilisé revêt une importance particulière. Nous devons rappeler que, généralement, à un emploi plus ample d'antibiotiques correspond une apparition plus diffuse et précoce de résistances microbiennes, mais quand même les procédures de contrôle topique de l'infection dont nous avons parlé résulte fondamentale. Chez les patients les plus graves nous effectuons depuis le premier jour la couverture antibiotique d'après un protocole national (péfloxacyne 800 mg pour cinq jours, association de teicoplanine 800 mg et de nétilmicine 300 mg à partir du sixième jour); chez tous les patients une thérapie antibiotique est pratiquée seulement en présence de signes cliniques d'infection et de résultat positif des cultures superficielles des zones lésées, ou en cas de résultat positif de l'examen biopsique ou de l'hemoeulture ou de l'examen cultural des urines. Mais il résulte toujours plus fréquent le cas d'infection depuis les micro-organismes poly- ou totirésistants; il s'agit le plus souvent de souches de Staphylococcus aureus, qui résultent actuellement sensibles à la vancomycine ou à la teicoplanine, ou bien de Pseudomonas aeruginosa, sensible parfois à la ceptazidime, parfois à la cillastatine sodique.

SUMMARY. The most frequent cause of morbidity and mortality in the burn patient is today, without any doubt, infection. The immunodeficit that occurs makes the patient particularly subject to systemic infections due to bacterial invasion following the lesion, exterior contagion, and translocation of Gram-negative bacterial flora from the intestine. The Brindisi Burns Centre has been conducting a national study on the use of pefloxacin, teicoplanin and netilmicin for the control of infection. This control concerns not only the use of antibiotics but also a series of preventive, diagnostic and surgical techniques for the achievement of this objective.


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This paper was presented at the 7th MBC Meeting in Perpignan, France, in December 1993.

Address correspondence to: Dr P. Verrienti, Divisione di Chirurgia Plastica e Centro Ustioni, Ospedale A. Di Summa, Brindisi, Italy.




 

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