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Brûlures,
vol. 2, Juillet 2000
Copyright 2000, Ed. Carr. Méd. |
ADMINISTRATION
PLURIFRACTIONNEE DE LA CEFTAZIDIME CHEZ LE BRULE
Conil Jm , Laguerrej , Saivin S, Houin G, Chabanon G, Brouchet
Aiberdeaux A,
Chavoin Jp, Costagliola W, Samii K
RÉSUMÉ
La
ceftazidime reste un antibiotique de référence lors des infections aigues à Pseudomonas
aeruginosa mais sa pharmacocinétique peut être perturbée par la brûlure. Ce
travail a pour but d'optimiser l'administration de cet antibiotique en fonction des
données cinétiques et bactériologiques. Après accord du CCPPRB (Comité Consultatif
pour la Protection des Personnes pour la Recherche biomédicale) et consentement
éclairé, 30 patients ont été tires au sort et répartis en 2 groupes. Le groupe 1
recevait initialement une dose de ceftazidime de 6 gr/24h répartie en 3 injections de 2
gr et le groupe 2 a reçu la même dose répartie en 6 injections de 1 gr. Les dosages par
HPLC (taux résiduel et pic sérique) ont été réalisés 24 et 48 heures après le
début du traitement. En fonction des résultats des dosages, le rythme d'injection et/ou
la dose ont été adaptés pour obtenir un taux résiduel (TR) égal à 4 fois la CMI.
Nous avons été amenés soit à conserver la me~n? posologie si besoin selon un mode plus
fractionné, soit a augmenter la posologie à 1 gr x 8 (groupe 3) soit à la diminuer
(groupes 4 et 5). Nous avons analysé les variations des taux sériques en fonction des
facteurs caractérisant le brûlé et en prenant en compte le schéma thérapeutique
(technique de Snedecor). L'étude de l'efficacité a fait appel au test de Mantel et
Haenszel. Lors du premier dosage (DI), les TR étaient inférieurs à l'objectif de
concentration dans plus de 50% des cas pour le groupe 1 et 20% pour le groupe 2.
L'adaptation posologique réalisée après Dl a conduit à une répartition des patients
dans 4 groupes au deuxième dosage (132). A terme, seuls 5 patients sont restés inclus
dans le groupe 1. Chez 30% des brûlés la posologie a du être augmentée à 1 gr x 8.
Sur l'ensemble des groupes, on retrouvait à DI une relation négative entre la surface
brûlée et le TR et à tous les temps de dosage une relation négative entre la clairance
de la créatinine et le TR. Le traitement a été efficace dans 83% des cas. Ces
résultats illustrent la nécessité d'une adaptation posologique. Ils justifient
l'administration de ceftazidime en mode fractionné et évoquent l'intérêt d'une
administration à débit constant. Une étude de pharmacocinétique de population doit
permettre de déterminer les posologies souhaitables.
Mots clés:
ceftazidime, brûlés, administration fractionnée.
Introduction
L'infection à
Paeruginosa met en jeu le pronostic vital du brûlé et nécessite une antibiothérapie
rapidement bactéricide. Parmi les antibiotiques utilisés, la ceftazidime reste une
molécule de choix mais sa pharmacocinétique peut être perturbée par la brûlure.
L'équipe de Nantes (1) a montré que l'utilisation de posologies usuelles (3 grammes par
jour) aboutissait non seulement à une inefficacité thérapeutique mais aussi à une
sélection de souches multirésistantes et transmissibles. Dans les situations où
P.aeruginosa est potentiellement en cause, bon nombre d'auteurs (2) (3) évoquent pour les
molécules temps - dépendantes comme la ceftazidime, l'intérêt du fractionnement des
doses permettant le maintien de concentrations résiduelles à plus de 4 fois la
concentration minimale inhibitrice ou C.M.1. Cet objectif thérapeutique pourrait être
réalisé chez un sujet nonno-rénal soit par l'administration intra-veineuse de 1 gramme
toutes les 4 heures (et non 2 grammes toutes les 8heures comme cela est habituellement
fait) soit par tion des paramètres caractérisant l'infection du brûlé. une perfusion
continue (modalité ne faisant pas encor e partie des mentions légales de l'autorisation de mise sur le marché).
Le travail présenté ici a pour but :
- d'optimiser les modalités d'administration
de la ceftazidime chez chaque sujet, en adaptant individuellement la posologie en fonction
des concentrations sériques ;
- de vérifier si l'obtention de taux
sériques à des valeurs thérapeutiques nécessite une dose fractionnée en 6 injections
,
- d'analyser les modifications de la
cinétique de la ceftazidime et de quantifier la fluctuation des concentrations sériques
en fonction des paramètres caractérisant le brûlé.
Les souches sensibles
(toutes espèces confondues) à la ceftazidime ont une CMI modale inférieure ou egale à
4 mg/1. Les taux résiduels souhaités, pour un antibiotique temps-dépendant, doivent
être égaux à au moins 4 fois la CMI (soit au maximum 16 mg/1 dans les cas où l'on n'a
pu isoler le germe) ce qui constitue l'objectif thérapeutique.
Matériel et méthode
Après accord du
comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale de Toulouse
1 et consentement éclairé, 30 patients traités par de la ceftazidime en association
(amikacine ou ciprofloxacine) ont été tirés au sort et répartis en 2 groupes :
- le groupe 1 recevait initialement une dose
de ceftazidime de 6 grammes par 24 heures, répartie en 3 injections de 2 grammes ;
- le groupe 2 a reçu la même dose répartie
en 6 injections de 1 gramme.
En fonction des résultats
des dosages, le rythme d'injection et/ou la dose ont été adaptés pour obtenir un taux
résiduel (TR) égal à 4 fois la CMI. Nous avons été amenés soit à conserver la même
posologie si besoin selon un mode plus fractionné, soit à augmenter la posologie à 1
gramme 8 fois par 24 heures (groupe 3) soit à la diminuer à 1 gramme 4 fois (groupes 4)
ou à 1 gramme 3 fois (groupe 5).
Les dosages (taux résiduel et pie sérique) par chromatographie liquide à haute
performance ont été réalisés 24 et 48 heures après le début du traitement, avec
possibilité de vérification de ces taux en cas de nécessité clinique. L'efficacité
thérapeutique a été évaluée au bout de 3 jours de traitement sur l'évolution des
parametres caracterisant l'infection du brulè.
Parallèlement ont été pris en compte des critères biologiques dont le bilan
microbiologique hebdomadaire. Ce suivi a permis de définir des critères de jugement
précis dont l'efficacité bactériologique, la qualité de la cicatrisation, ainsi que
l'évolution générale (température, globules blancs, hématose, hémodynamique,
glycémie), évaluée au troisième jour et à la fin du traitement.
Méthodologie statistique
Nous avons étudié globalement les
différences statistiques pour les paramètres pharmacoeinétiques entre les groupes de
patients au premier et au deuxième dosage. Nous avons cherché à expliquer la valeur de
ces critères par les facteurs caractérisant le brûlé et en prenant en compte le
schéma thérapeutique en tant que facteur de confusion, utilisant pour cela la technique
de Snedecor. L'étude de l'efficacité a fait appel au test de Mantel et Haenszel,
analysant la relation entre le schéma d'administration de la ceftazidime et les
différents critères de jugement en ajustant une troisième variable telle que
l'antibiotique associé.
Résultats :
Les caractéristiques des malades de l'étude figurent dans le tableau 1 :
|
Age |
Poids |
Taille |
Surface Brûlée |
Baux |
USB |
Tobiasen |
Moyanne |
47 |
70 |
172 |
23,5 |
71 |
67 |
6,8 |
Minimum |
15 |
52 |
155 |
5 (1 case) |
30 |
10 |
4 |
Maximum |
82 |
95 |
185 |
62 |
105 |
233 |
10 |
Déviation standard |
18,9 |
0,8 |
6,7 |
14,6 |
21,8 |
53,372 |
1,8 |
Coefficent de variation |
38,8 |
15,4 |
3,9 |
62 |
30,6 |
78,5 |
26,3 |
|
Tableau
1 : Caractéristiques générales des patients |
|
Des
lésions associées sont diagnostiquées chez 30% des patients. Dans 23% des cas une
ventilation artificielle a été nécessaire : 10% dans le groupe 1 et 13% dans le groupe
2. L'analyse statistique retrouve une répartition symétrique des différents paramètres
dans les 2 groupes initialement tirés au sort.
La ceftazidime a été prescrite sur documentation bactériologique dans 77% des cas. Une
des caractéristiques tient, en dehors des multiples sites infectieux associes, au
caractère plurimicrobicn de ces infections. La valeur moyenne des CMI des différentes
souches bactériennes, déterminée par Etest (technique de diffusion en gélose), est de
1,7 mg/1, la CMI du P.aeruginosa étant plus élevée (2 mg/1).
Lors du premier dosage (D1), on retrouve, au
pic et à la vallée, des valeurs différentes entre les groupe 1 et 2.
Dans le groupe 1:
On constate une grande hétérogénéité des concentrations plasmatiques de ceftazidime,
surtout pour le taux résiduel (TR.Dl) qui présente un coefficient de variation élevé
(tableau 11).
Cette variabilité des taux résiduels est illustrée par l'étude du mode (figure 1)
Il existe chez 3 patients une accumulation du médicament. Dans près de 50% des cas, le
taux résiduel est inférieur à la CMI modale. Dans le groupe 2 : Les résultats des
dosages objectivent une hétérogénéité des valeurs moins importante que dans le groupe
1 (tableau III).
Ceci est confirmé par l'étude des coefficients de variation qui sont moins élevés et
par l'analyse de la courbe du mode du taux résiduel des brûlés du groupe 2 (figure 2).
Dosage n°1 (D1):
groupe 1 |
Pic |
taux résiduel |
demi-vie |
Moyenne |
124,58 |
10,51 |
2,038 |
Déviation standard |
41,3 |
13,8 |
1,1 |
Coefficient de variation |
33,2 |
131,2 |
54,2 |
|
Tableau Il :
concentrations de ceftazidime et 1/2 vie dans le groupe 1 lors du premier dosage. |
Dosage n°1(D1):
groupe 2 |
Pic sérique |
Tax résiduel |
demi-vis |
Moyenne |
69,49 |
17,96 |
2,092 |
Déviation standard |
30,4 |
13,5 |
1,3 |
Coefficient de variation |
43,8 |
75,4 |
63,5 |
|
Tableau III :
concentrations de ceftazidime et 1/2 vie dans le groupe 2 lors du premier dosage. |
|
Le taux
résiduel dans le groupe 2 n'est jamais inférieur à la C.M.I. modale (4 mg/1).
Lorsque l'on compare les 2 groupes, on
retrouve une différence significative pour le pic sérique, plus élevé dans le groupe
1. Les taux résiduels sont plus élevés dans le groupe 2 et l'on retrouve avec le test
de Man et Whitney une différence significative. La demi-vie n'est pas différente entre
les 2 groupes. Les taux résiduels moyens paraissaient se rapprocher de l'objectif
thérapeutique mais l'étude du mode permet d'opposer les 2 groupes (figure 1 et figure 2)
puisque dans le groupe 1, les concentrations résiduelles sont inférieures à l'objectif
de concentration dans Prés de 50% des cas alors que dans le groupe 2, elles ne sont
inférieures à cet objectif que dans 20 % des cas.

|

|
Figure 1
Taux résiduels de ceftazidime chez les 15 patients du groupe à DI. |
Figure 2
Taux résiduels de ceftazidime chez les 15 patients du groupe 2 à D1. |
|
|
- Lors du
deuxième dosage (D2), l'adaptation de posologie réalisée après DI a conduit à une
répartition des patients dans 4 groupes décrits dans le tableau IV
Au terme de D2 l'objectif thérapeutique était globalement atteint, mais un troisième
dosage a été nécessaire chez 14 patients (tableau V).
Group au 2e dosage |
Brûlés |
Pic |
TR |
T1/2 |
1 |
8 |
125,±138,4 |
9,7±14 |
1,88±0,9 |
2 |
14 |
78,5±42,8 |
16,9±10,2 |
1,7±0,5 |
3 |
4 |
53,3±10,7 |
18,1±7,2 |
1,8±0,5 |
4 |
4 |
29±20,3 |
29±20,3 |
4,8±2,2 |
|
Tableau
IV : concentrations de ceftazidime et 1/2 vie dans les différents groupes lors
du 2ième dosage D2. |
Group
au 2e dosage |
Brûlés |
Pic |
TR |
T1/2 |
2 |
5 |
61 |
12,1 |
1,7 |
3 |
6 |
70,3 |
19,1 |
1,4 |
4 |
1 |
66,9 |
13,2 |
2,4 |
5 |
2 |
59,5 |
11,3 |
3,5 |
|
Tableau
V : concentrations de ceftazidime et 1/2 vie dans les différents groupes lors du
3ème dosage D3 |
|
Seulement 5
patients resteront inclus par la suite dans le groupe 1.
Corrélations
bio-cliniques
Au premier dosage, on retrouve:
- pour les 2 groupes, une relation négative entre la surface
brûlée et les taux résiduel de ceftazidime, ainsi qu'entre la surface brûlée et la
demi-vie ;
- un effet ventilation artificielle pour les
pics sériques plus élevés chez les patients ventilés (respectivement 147,7 et 100,2
mg/L pour les groupes 1 et 2) que chez les patients non ventilés (118,7 et 58,3 mg/1).
Cette donnée est à rapprocher de la mise en évidence d'une relation négative entre la
pression partielle en gaz carbonique (p C02) et le pic pour les 2 groupes (plus la p C02
est basse plus le pic est élevé) ;
- pour le groupe 2, une relation positive du
pic avec la natrémie (r = 0,8 10) et la créatininémie (r = 0,519). Au deuxième dosage,
on relève:
- pour les 30 cas, une corrélation positive
entre l'âge et le taux résiduel;
- les mêmes observations peuvent être
faites pour la demi-vie (plus l'âge est important, plus la demi-vie de la ceftazidime est
longue) avec notamment une relation fortement positive
pour le groupe 1 ;
- une relation négative entre le pic et la surface brûlée
sur l'ensemble des 30 cas, relation non retrouvée en contrôlant la variable groupe
- une relation positive entre les
phosphatases alcalines et le pic sérique pour l'ensemble des groupes.
A tous les temps de dosage (D3 compris), nous retrouvons
une relation positive entre l'urée et le taux résiduel ainsi qu'une relation très
significative et négative entre la clairance de la créatinine (estimée selon la formule
de Cockroft) et les concentrations résiduelles. Les mêmes observations peuvent être
faites pour la demi-vie.
- L'efficacité globale a été supérieure à 83% sans
différence d'efficacité en intention de traiter et d'effet antibiotique associé. La
dispersion secondaire des malades dans les différents groupes rend compte de la
difficulté de l'analyse.
Discussion
L'objectif de
concentration Gibert (2) et Kienlen (3) soulignent pour la ceftazidime l'intérêt de
concentrations résiduelles à plus de 4 fois la CMI, attitude confortée par les travaux
expérimentaux de Mouton (4). Cet objectif est d'autant plus important que chez un sujet
immunodéprimé tel que le brûlé, l'activité intrinsèque de l'antibiotique à doses
conventionnelles peut être diminuée en raison de l'absence de défenses de l'hôte ce
qui suggère l'intérêt de posologies élevées. Ces données rendent compte des
résultats de l'étude de Richard (1) qui, confronté à l'apparition d'une épidémie de P.aeruginosa
0 :12 et 0: 11, montre que le seul facteur de risque indépendant d'infection par ces
souches multi-résistantes est la prescription préalable de ceftazidime à la posologie
de 3 grammes par 24 heures avec des concentrations minimales de 0,5 mg/l. Dans un travail
plus récent, Rio (5) compare les taux sériques obtenus dans un groupe de volontaires
sains à ceux obtenus dans un groupe de brûlés recevant 4 à 6 grammes de ceftazidime à
débit constant. Les taux observés chez les brûlés sont plus bas que chez les sujets
sains (19,4 et 35,8 mg/1 contre 34,3 et 43,5 mg/1). Le point important réside dans la
définition de l'objectif thérapeutique, à savoir un taux sérique bien supérieur à la
CMI 90 des germes visés (8-16 mg/1 pour P.aeruginosa).
Les concentrations plasmatiques de ceftazidime Chez le sujet sain, après une perfusion
courte (en 20 minutes) de ceftazidime, le pic sérique obtenu est de 83 mg/l pour 1 gramme
et de 188 mg/] pour 2 grammes. La demi-vie d'élimination est en moyenne de 1,8 heures ,
le volume de distribution de 17 litres, le taux de liaison aux protéines est faible (<
10%) et elle n'est pas métabolisée. Entièrement excrétée par le rein après
filtration glomérulaire, 88% de la dose injectée sont retrouvés sous forme active dans
les urines des premières 24 heures.
La pharmacoeinétique de la ceftazidime chez le brûlé a été peu étudiée et sur des
collectifs de patients trop faibles. L'étude de Stiver (6) compare 13 brûlés traités
par aminoglycosides à un groupe de 14 patients traités par 6 grammes de ceftazidime
répartis en 3 injections. Les pics sont de l'ordre de 100 ± 55,1 et les concentrations
minimales de 15,5 ± 5,8 mg/l. Mais la méthodologie est imparfaite avec des temps de
prélèvement imprécis, une méthode de dosage microbiologique, sans analyse du mode et
des associations d'antibiotiques variables. L'étude référente, de Walstad (7), porte
sur 8 brûlés qui ont reçu 1 gr IV de ceftazidime en bolus, à 8 heures d'intervalle
(tableau VI).
|
pic |
TR |
T 1/2 |
V.A.D. |
CL totale |
CL rénale |
Moyenne |
64 |
4 |
2,7 |
30,9 |
139 |
95 |
Déviation Standard |
9 |
2,8 |
0,9 |
9,6 |
25 |
26 |
|
Tableau VI : paramètres cinétiques de la
ceftazidime observés par Walstad (7) |
|
Une
relation linéaire entre la clairance de la créatinine et la clairance rénale de la
ceftazidime est mise en évidence, mais il n'y a pas de corrélation entre la clairance de
la créatinine et la clairance totale de la ceftazidime, indiquant une clairance
extra-rénale augmentée (32%). Cependant chez les 8 patients, les prélèvements ont
été réalisés au décours d'un acte chirurgical hémorragique avec, pour 4 d'entre eux,
des pertes sanguines importantes susceptibles de perturber la fonction rénale et pouvant
rendre compte d'une perte du produit à travers le saignement (qui représente 17% du
volume de distribution).
Nos résultats sont difficilement comparables car nos modalités d'administration et de
posologie diffèrent puisqu'elles reposent sur la notion de temps-dépendance de la
bactéricidie et les données bactériologiques. Dans notre étude, les pics semblent
moins élevés que chez le sujet sain et la demi-vie ne paraît pas différente. Les
concentrations résiduelles chez nos patients diffèrent de celles observées par Walstad,
ce qui est attendu car le schéma thérapeutique est différent. Dans près de 50% des
cas, les brûlés traités selon un schéma d'administration conventionnel présentent des
taux résiduels inférieurs à la CMI modale. Cette proportion ne peut être évaluée
dans l'étude de Walstad (7) qui ne décrit que les moyennes des concentrations, avec leur
déviation standard. Les résultats observés chez les patients du groupe 2, illustrent
l'intérêt d'un fractionnement plus important des doses. Après le premier dosage, 4
sujets nécessitent une augmentation de posologie et 4 une diminution. Comment prévoir la
posologie adéquate? L'analyse statistique montre à tous les temps de dosage une relation
très significative et négative à tous les temps de dosage et dans tous les groupes,
entre le taux résiduel et la clairance de la créatinine ce qui rend compte du rôle de
l'émonctoire rénal. L'absence de relation avec le pic est attendue puisque l'on sait que
le pic dépend essentiellement du volume de distribution, alors que le taux résiduel est
conditionné par la clairance. L'élimination rénale de la ceftazidime chez le brûlé
semble prépondérante mais une élimination extra-rénale est possible suggérée par la
relation négative, montrée ici, entre le taux résiduel et la surface brûlée au
premier dosage. Bien que la perte d'antibiotique au niveau des brûlures soit réelle,
l'expérience clinique concernant des patients brûlés présentant une insuffisance
rénale suggère que ce n'est pas une voie d'élimination prédominante car la
thérapeutique antibiotique doit alors être modifiée de la même façon que chez
l'insuffisant rénal non brûlé. Les autres relations observées aux différents temps de
dosage méritent quelques commentaires. La dispersion des patients dans différents
groupes au moment du deuxième dosage, rend compte des différences observées. La
tendance à l'accumulation avec l'âge est présente à DI pour le groupe 1 et à D2 pour
les groupes 1, 2 et 3. L'influence de la ventilation artificielle sur la valeur du pic est
à rapprocher de la relation négative entre la pression partielle de gaz carbonique et le
pic, car le contrôle de la ventilation engendre une majoration de l'élimination de C02.
La vasoconstriction entraînée par Phypocapnie peut induire une réduction du Vd central
qui conditionne le pic, d'où la relation observée.
Bilan de
l'adaptation de posologie
Au cours des dosages
successifs, seuls 5 patients restent dans le groupe 1. Dans 851/o des cas, les brûlés
ont été traités selon un schéma différent du schéma conventionnel. Globalement, chez
16% des malades la dose a été diminuée et 30% ont nécessité une posologie plus
élevée et plus fractionnée. Ces résultats remettent en cause le schéma traditionnel
d'administration de la ceftazidime en 3 injections et plaident en faveur d'une
administration plus fractionnée de la dose. Chez les brûlés présentant les
caractéristiques des patients du groupe 3 (âge < 40 ans, surface brûlée 3 35%,
clairance de la créatinine élevée), un sous-dosage est à craindre. Inversement, chez
les malades qui ont une clairance basse, il existe un risque de surdosage. Un point de
repère est la valeur de la clairance de la créatinine qui entraîne une multiplication
par 2 du taux résiduel, valeur qui se situe à 76 ml/mn, mais ce chiffre est établi à
partir de malades présentant initialement un taux résidue 13 30 mg/1 et n'a qu'une
valeur d'orientation. Pour prendre en compte toutes les données, et il s'agit d'une
réflexion engagée pour la suite de cette étude, il sera nécessaire de connaître la
clairance d'élimination de la ceftazidime chez chaque patient de façon à
éventuellement réduire les posologies en fonction à la fois de la sensibilité du germe
et de la réduction de la clairance.
Conclusion
Ce travail retrouve
les particularités cinétiques liées à la brûlure imposant une modification des
schémas d'administration. Nos résultats justifient l'administration de la ceftazidime en
mode fractionné et évoquent l'intérêt d'une administration à débit constant. Cette
étude montre aussi les difficultés d'interprétation des résultats dans le contexte
particulier que constitue la brûlure et les limites de l'analyse statistique
conventionnelle, qui ne permet pas de prévoir avec précision les posologies
souhaitables. La solution réside probablement dans une étude de pharmacocinétique de
population: c'est là une démarche engagée au laboratoire de pharmacologie, pour la
poursuite de ce travail.
SUMMARY
Intermittent
administration of ceftazidime in bum patients Ceftazidime is a commonly used antibiotic
against P. aeruginosa infections but its pharmacokinetics may be modified in bum patients.
Our study was planned to optimise its administration according to the pharmacokinetic and
bacteriological data.
After approval by the local ethical committee, 30 patientsgave their informed consent and
were randomised in two groups. Group 1 was given 6 g/24h of Ceftazidime in 3 injections of
2 g; and group 2 received the same daily dose divided in 6 x 1 g, Trough and peak plasma
concentrations were measured by HPLC at 24 (M1) and 48 hours (M2) after the beginning of
the treatment. Depending on these results, the time interval or dose was modified to
maintain a trough concentration equal to 4-fold MIC. In some cases, the same daily dose
with or without modification of the number of injections was maintained; in other cases
the dose was increased to 1 g x 8 (group 3) or decreased (groups 4 and 5). Variations of
plasma concentrations were analysed as a function of the burn characteristics and taking
into account therapeutic schedule (Snedeepr technique). Efficacy was measured by using the
Mantel and Haenszel test.
After the first measurement (M1), trough concentrations were lower than the aim in 50 % of
patients in group 1 and 20 % in group 2. The drug monitoring after M I lead to the
formation of 4 groups of patients for the second measurement (M2). Finally, only 5
patients were left in group 1. In 30 % of the burn patients, the dosage regimen was
increased to I g x 8. In the whole group of patients, a negative relationship was observed
between trough concentrations at M I and burn area. With all the administration times, a
negative relationship was observed between trough Ceftazidime concentrations and
creatinine clearance.
Ceftazidime treatment was effective in 83 % of the cases. Our results show the necessity
of therapeutic drug monitoring in such patients and suggest that continuous administration
would be beneficial. A population pharmacokinctic study would enable the required dosing
regimen to be established.
RÉFÉRENCES
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