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Brûlures, vol. 2, Juillet 2000
Copyright 2000, Ed. Carr. Méd.

ADMINISTRATION PLURIFRACTIONNEE DE LA CEFTAZIDIME CHEZ LE BRULE

Conil Jm , Laguerrej , Saivin S, Houin G, Chabanon G, Brouchet Aiberdeaux A,
Chavoin Jp, Costagliola W, Samii K


RÉSUMÉ

La ceftazidime reste un antibiotique de référence lors des infections aigues à Pseudomonas aeruginosa mais sa pharmacocinétique peut être perturbée par la brûlure. Ce travail a pour but d'optimiser l'administration de cet antibiotique en fonction des données cinétiques et bactériologiques. Après accord du CCPPRB (Comité Consultatif pour la Protection des Personnes pour la Recherche biomédicale) et consentement éclairé, 30 patients ont été tires au sort et répartis en 2 groupes. Le groupe 1 recevait initialement une dose de ceftazidime de 6 gr/24h répartie en 3 injections de 2 gr et le groupe 2 a reçu la même dose répartie en 6 injections de 1 gr. Les dosages par HPLC (taux résiduel et pic sérique) ont été réalisés 24 et 48 heures après le début du traitement. En fonction des résultats des dosages, le rythme d'injection et/ou la dose ont été adaptés pour obtenir un taux résiduel (TR) égal à 4 fois la CMI. Nous avons été amenés soit à conserver la me~n? posologie si besoin selon un mode plus fractionné, soit a augmenter la posologie à 1 gr x 8 (groupe 3) soit à la diminuer (groupes 4 et 5). Nous avons analysé les variations des taux sériques en fonction des facteurs caractérisant le brûlé et en prenant en compte le schéma thérapeutique (technique de Snedecor). L'étude de l'efficacité a fait appel au test de Mantel et Haenszel. Lors du premier dosage (DI), les TR étaient inférieurs à l'objectif de concentration dans plus de 50% des cas pour le groupe 1 et 20% pour le groupe 2. L'adaptation posologique réalisée après Dl a conduit à une répartition des patients dans 4 groupes au deuxième dosage (132). A terme, seuls 5 patients sont restés inclus dans le groupe 1. Chez 30% des brûlés la posologie a du être augmentée à 1 gr x 8. Sur l'ensemble des groupes, on retrouvait à DI une relation négative entre la surface brûlée et le TR et à tous les temps de dosage une relation négative entre la clairance de la créatinine et le TR. Le traitement a été efficace dans 83% des cas. Ces résultats illustrent la nécessité d'une adaptation posologique. Ils justifient l'administration de ceftazidime en mode fractionné et évoquent l'intérêt d'une administration à débit constant. Une étude de pharmacocinétique de population doit permettre de déterminer les posologies souhaitables.

Mots clés: ceftazidime, brûlés, administration fractionnée.

Introduction

L'infection à Paeruginosa met en jeu le pronostic vital du brûlé et nécessite une antibiothérapie rapidement bactéricide. Parmi les antibiotiques utilisés, la ceftazidime reste une molécule de choix mais sa pharmacocinétique peut être perturbée par la brûlure. L'équipe de Nantes (1) a montré que l'utilisation de posologies usuelles (3 grammes par jour) aboutissait non seulement à une inefficacité thérapeutique mais aussi à une sélection de souches multirésistantes et transmissibles. Dans les situations où P.aeruginosa est potentiellement en cause, bon nombre d'auteurs (2) (3) évoquent pour les molécules temps - dépendantes comme la ceftazidime, l'intérêt du fractionnement des doses permettant le maintien de concentrations résiduelles à plus de 4 fois la concentration minimale inhibitrice ou C.M.1. Cet objectif thérapeutique pourrait être réalisé chez un sujet nonno-rénal soit par l'administration intra-veineuse de 1 gramme toutes les 4 heures (et non 2 grammes toutes les 8heures comme cela est habituellement fait) soit par tion des paramètres caractérisant l'infection du brûlé. une perfusion continue (modalité ne faisant pas encore partie des mentions légales de l'autorisation de mise sur le marché).
Le travail présenté ici a pour but :

  • d'optimiser les modalités d'administration de la ceftazidime chez chaque sujet, en adaptant individuellement la posologie en fonction des concentrations sériques ;
  • de vérifier si l'obtention de taux sériques à des valeurs thérapeutiques nécessite une dose fractionnée en 6 injections ,
  • d'analyser les modifications de la cinétique de la ceftazidime et de quantifier la fluctuation des concentrations sériques en fonction des paramètres caractérisant le brûlé.

Les souches sensibles (toutes espèces confondues) à la ceftazidime ont une CMI modale inférieure ou egale à 4 mg/1. Les taux résiduels souhaités, pour un antibiotique temps-dépendant, doivent être égaux à au moins 4 fois la CMI (soit au maximum 16 mg/1 dans les cas où l'on n'a pu isoler le germe) ce qui constitue l'objectif thérapeutique.

Matériel et méthode

Après accord du comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale de Toulouse 1 et consentement éclairé, 30 patients traités par de la ceftazidime en association (amikacine ou ciprofloxacine) ont été tirés au sort et répartis en 2 groupes :

  • le groupe 1 recevait initialement une dose de ceftazidime de 6 grammes par 24 heures, répartie en 3 injections de 2 grammes ;
  • le groupe 2 a reçu la même dose répartie en 6 injections de 1 gramme.

En fonction des résultats des dosages, le rythme d'injection et/ou la dose ont été adaptés pour obtenir un taux résiduel (TR) égal à 4 fois la CMI. Nous avons été amenés soit à conserver la même posologie si besoin selon un mode plus fractionné, soit à augmenter la posologie à 1 gramme 8 fois par 24 heures (groupe 3) soit à la diminuer à 1 gramme 4 fois (groupes 4) ou à 1 gramme 3 fois (groupe 5).
Les dosages (taux résiduel et pie sérique) par chromatographie liquide à haute performance ont été réalisés 24 et 48 heures après le début du traitement, avec possibilité de vérification de ces taux en cas de nécessité clinique. L'efficacité thérapeutique a été évaluée au bout de 3 jours de traitement sur l'évolution des parametres caracterisant l'infection du brulè.
Parallèlement ont été pris en compte des critères biologiques dont le bilan microbiologique hebdomadaire. Ce suivi a permis de définir des critères de jugement précis dont l'efficacité bactériologique, la qualité de la cicatrisation, ainsi que l'évolution générale (température, globules blancs, hématose, hémodynamique, glycémie), évaluée au troisième jour et à la fin du traitement.

Méthodologie statistique

Nous avons étudié globalement les différences statistiques pour les paramètres pharmacoeinétiques entre les groupes de patients au premier et au deuxième dosage. Nous avons cherché à expliquer la valeur de ces critères par les facteurs caractérisant le brûlé et en prenant en compte le schéma thérapeutique en tant que facteur de confusion, utilisant pour cela la technique de Snedecor. L'étude de l'efficacité a fait appel au test de Mantel et Haenszel, analysant la relation entre le schéma d'administration de la ceftazidime et les différents critères de jugement en ajustant une troisième variable telle que l'antibiotique associé.

Résultats :
Les caractéristiques des malades de l'étude figurent dans le tableau 1 :

  Age Poids Taille Surface Brûlée Baux USB Tobiasen
Moyanne 47 70 172 23,5 71 67 6,8
Minimum 15 52 155 5 (1 case) 30 10 4
Maximum 82 95 185 62 105 233 10
Déviation standard 18,9 0,8 6,7 14,6 21,8 53,372 1,8
Coefficent de variation 38,8 15,4 3,9 62 30,6 78,5 26,3

Tableau 1 : Caractéristiques générales des patients

Des lésions associées sont diagnostiquées chez 30% des patients. Dans 23% des cas une ventilation artificielle a été nécessaire : 10% dans le groupe 1 et 13% dans le groupe 2. L'analyse statistique retrouve une répartition symétrique des différents paramètres dans les 2 groupes initialement tirés au sort.
La ceftazidime a été prescrite sur documentation bactériologique dans 77% des cas. Une des caractéristiques tient, en dehors des multiples sites infectieux associes, au caractère plurimicrobicn de ces infections. La valeur moyenne des CMI des différentes souches bactériennes, déterminée par Etest (technique de diffusion en gélose), est de 1,7 mg/1, la CMI du P.aeruginosa étant plus élevée (2 mg/1).

Lors du premier dosage (D1), on retrouve, au pic et à la vallée, des valeurs différentes entre les groupe 1 et 2.

Dans le groupe 1:
On constate une grande hétérogénéité des concentrations plasmatiques de ceftazidime, surtout pour le taux résiduel (TR.Dl) qui présente un coefficient de variation élevé (tableau 11).
Cette variabilité des taux résiduels est illustrée par l'étude du mode (figure 1)
Il existe chez 3 patients une accumulation du médicament. Dans près de 50% des cas, le taux résiduel est inférieur à la CMI modale. Dans le groupe 2 : Les résultats des dosages objectivent une hétérogénéité des valeurs moins importante que dans le groupe 1 (tableau III).
Ceci est confirmé par l'étude des coefficients de variation qui sont moins élevés et par l'analyse de la courbe du mode du taux résiduel des brûlés du groupe 2 (figure 2).

Dosage n°1 (D1):
groupe 1
Pic taux résiduel demi-vie
Moyenne 124,58 10,51 2,038
Déviation standard 41,3 13,8 1,1
Coefficient de variation 33,2 131,2 54,2
Tableau Il : concentrations de ceftazidime et 1/2 vie dans le groupe 1 lors du premier dosage.
Dosage n°1(D1):
groupe 2
Pic sérique Tax résiduel demi-vis
Moyenne 69,49 17,96 2,092
Déviation standard 30,4 13,5 1,3
Coefficient de variation 43,8 75,4 63,5
Tableau III : concentrations de ceftazidime et 1/2 vie dans le groupe 2 lors du premier dosage.

Le taux résiduel dans le groupe 2 n'est jamais inférieur à la C.M.I. modale (4 mg/1).
Lorsque l'on compare les 2 groupes, on retrouve une différence significative pour le pic sérique, plus élevé dans le groupe 1. Les taux résiduels sont plus élevés dans le groupe 2 et l'on retrouve avec le test de Man et Whitney une différence significative. La demi-vie n'est pas différente entre les 2 groupes. Les taux résiduels moyens paraissaient se rapprocher de l'objectif thérapeutique mais l'étude du mode permet d'opposer les 2 groupes (figure 1 et figure 2) puisque dans le groupe 1, les concentrations résiduelles sont inférieures à l'objectif de concentration dans Prés de 50% des cas alors que dans le groupe 2, elles ne sont inférieures à cet objectif que dans 20 % des cas.

Taux résiduels de ceftazidime chez les 15 patients du groupe à DI.

Taux résiduels de ceftazidime chez les 15 patients du groupe 2 à D1.

Figure 1 Taux résiduels de ceftazidime chez les 15 patients du groupe à DI. Figure 2 Taux résiduels de ceftazidime chez les 15 patients du groupe 2 à D1.

- Lors du deuxième dosage (D2), l'adaptation de posologie réalisée après DI a conduit à une répartition des patients dans 4 groupes décrits dans le tableau IV
Au terme de D2 l'objectif thérapeutique était globalement atteint, mais un troisième dosage a été nécessaire chez 14 patients (tableau V).

Group au 2e dosage

Brûlés Pic TR T1/2
1 8 125,±138,4 9,7±14 1,88±0,9
2 14 78,5±42,8 16,9±10,2 1,7±0,5
3 4 53,3±10,7 18,1±7,2 1,8±0,5

4

4 29±20,3 29±20,3 4,8±2,2

Tableau IV : concentrations de ceftazidime et 1/2 vie dans les différents groupes lors du 2ième dosage D2.

Group au 2e dosage

Brûlés Pic TR T1/2
2 5 61 12,1 1,7
3 6 70,3 19,1 1,4
4 1 66,9 13,2 2,4
5 2 59,5 11,3 3,5

Tableau V : concentrations de ceftazidime et 1/2 vie dans les différents groupes lors du 3ème dosage D3

Seulement 5 patients resteront inclus par la suite dans le groupe 1.

Corrélations bio-cliniques
Au premier dosage, on retrouve:

  • pour les 2 groupes, une relation négative entre la surface brûlée et les taux résiduel de ceftazidime, ainsi qu'entre la surface brûlée et la demi-vie ;
  • un effet ventilation artificielle pour les pics sériques plus élevés chez les patients ventilés (respectivement 147,7 et 100,2 mg/L pour les groupes 1 et 2) que chez les patients non ventilés (118,7 et 58,3 mg/1). Cette donnée est à rapprocher de la mise en évidence d'une relation négative entre la pression partielle en gaz carbonique (p C02) et le pic pour les 2 groupes (plus la p C02 est basse plus le pic est élevé) ;
  • pour le groupe 2, une relation positive du pic avec la natrémie (r = 0,8 10) et la créatininémie (r = 0,519). Au deuxième dosage, on relève:
  • pour les 30 cas, une corrélation positive entre l'âge et le taux résiduel;
  • les mêmes observations peuvent être faites pour la demi-vie (plus l'âge est important, plus la demi-vie de la ceftazidime est longue) avec notamment une relation fortement positive pour le groupe 1 ;
  • une relation négative entre le pic et la surface brûlée sur l'ensemble des 30 cas, relation non retrouvée en contrôlant la variable groupe
  • une relation positive entre les phosphatases alcalines et le pic sérique pour l'ensemble des groupes.

A tous les temps de dosage (D3 compris), nous retrouvons une relation positive entre l'urée et le taux résiduel ainsi qu'une relation très significative et négative entre la clairance de la créatinine (estimée selon la formule de Cockroft) et les concentrations résiduelles. Les mêmes observations peuvent être faites pour la demi-vie.

  • L'efficacité globale a été supérieure à 83% sans différence d'efficacité en intention de traiter et d'effet antibiotique associé. La dispersion secondaire des malades dans les différents groupes rend compte de la difficulté de l'analyse.

Discussion

L'objectif de concentration Gibert (2) et Kienlen (3) soulignent pour la ceftazidime l'intérêt de concentrations résiduelles à plus de 4 fois la CMI, attitude confortée par les travaux expérimentaux de Mouton (4). Cet objectif est d'autant plus important que chez un sujet immunodéprimé tel que le brûlé, l'activité intrinsèque de l'antibiotique à doses conventionnelles peut être diminuée en raison de l'absence de défenses de l'hôte ce qui suggère l'intérêt de posologies élevées. Ces données rendent compte des résultats de l'étude de Richard (1) qui, confronté à l'apparition d'une épidémie de P.aeruginosa 0 :12 et 0: 11, montre que le seul facteur de risque indépendant d'infection par ces souches multi-résistantes est la prescription préalable de ceftazidime à la posologie de 3 grammes par 24 heures avec des concentrations minimales de 0,5 mg/l. Dans un travail plus récent, Rio (5) compare les taux sériques obtenus dans un groupe de volontaires sains à ceux obtenus dans un groupe de brûlés recevant 4 à 6 grammes de ceftazidime à débit constant. Les taux observés chez les brûlés sont plus bas que chez les sujets sains (19,4 et 35,8 mg/1 contre 34,3 et 43,5 mg/1). Le point important réside dans la définition de l'objectif thérapeutique, à savoir un taux sérique bien supérieur à la CMI 90 des germes visés (8-16 mg/1 pour P.aeruginosa).
Les concentrations plasmatiques de ceftazidime Chez le sujet sain, après une perfusion courte (en 20 minutes) de ceftazidime, le pic sérique obtenu est de 83 mg/l pour 1 gramme et de 188 mg/] pour 2 grammes. La demi-vie d'élimination est en moyenne de 1,8 heures , le volume de distribution de 17 litres, le taux de liaison aux protéines est faible (< 10%) et elle n'est pas métabolisée. Entièrement excrétée par le rein après filtration glomérulaire, 88% de la dose injectée sont retrouvés sous forme active dans les urines des premières 24 heures.
La pharmacoeinétique de la ceftazidime chez le brûlé a été peu étudiée et sur des collectifs de patients trop faibles. L'étude de Stiver (6) compare 13 brûlés traités par aminoglycosides à un groupe de 14 patients traités par 6 grammes de ceftazidime répartis en 3 injections. Les pics sont de l'ordre de 100 ± 55,1 et les concentrations minimales de 15,5 ± 5,8 mg/l. Mais la méthodologie est imparfaite avec des temps de prélèvement imprécis, une méthode de dosage microbiologique, sans analyse du mode et des associations d'antibiotiques variables. L'étude référente, de Walstad (7), porte sur 8 brûlés qui ont reçu 1 gr IV de ceftazidime en bolus, à 8 heures d'intervalle (tableau VI).

 

pic TR T 1/2 V.A.D. CL totale CL rénale
Moyenne 64 4 2,7 30,9 139 95
Déviation Standard 9 2,8 0,9 9,6 25 26

Tableau VI : paramètres cinétiques de la ceftazidime observés par Walstad (7)

Une relation linéaire entre la clairance de la créatinine et la clairance rénale de la ceftazidime est mise en évidence, mais il n'y a pas de corrélation entre la clairance de la créatinine et la clairance totale de la ceftazidime, indiquant une clairance extra-rénale augmentée (32%). Cependant chez les 8 patients, les prélèvements ont été réalisés au décours d'un acte chirurgical hémorragique avec, pour 4 d'entre eux, des pertes sanguines importantes susceptibles de perturber la fonction rénale et pouvant rendre compte d'une perte du produit à travers le saignement (qui représente 17% du volume de distribution).
Nos résultats sont difficilement comparables car nos modalités d'administration et de posologie diffèrent puisqu'elles reposent sur la notion de temps-dépendance de la bactéricidie et les données bactériologiques. Dans notre étude, les pics semblent moins élevés que chez le sujet sain et la demi-vie ne paraît pas différente. Les concentrations résiduelles chez nos patients diffèrent de celles observées par Walstad, ce qui est attendu car le schéma thérapeutique est différent. Dans près de 50% des cas, les brûlés traités selon un schéma d'administration conventionnel présentent des taux résiduels inférieurs à la CMI modale. Cette proportion ne peut être évaluée dans l'étude de Walstad (7) qui ne décrit que les moyennes des concentrations, avec leur déviation standard. Les résultats observés chez les patients du groupe 2, illustrent l'intérêt d'un fractionnement plus important des doses. Après le premier dosage, 4 sujets nécessitent une augmentation de posologie et 4 une diminution. Comment prévoir la posologie adéquate? L'analyse statistique montre à tous les temps de dosage une relation très significative et négative à tous les temps de dosage et dans tous les groupes, entre le taux résiduel et la clairance de la créatinine ce qui rend compte du rôle de l'émonctoire rénal. L'absence de relation avec le pic est attendue puisque l'on sait que le pic dépend essentiellement du volume de distribution, alors que le taux résiduel est conditionné par la clairance. L'élimination rénale de la ceftazidime chez le brûlé semble prépondérante mais une élimination extra-rénale est possible suggérée par la relation négative, montrée ici, entre le taux résiduel et la surface brûlée au premier dosage. Bien que la perte d'antibiotique au niveau des brûlures soit réelle, l'expérience clinique concernant des patients brûlés présentant une insuffisance rénale suggère que ce n'est pas une voie d'élimination prédominante car la thérapeutique antibiotique doit alors être modifiée de la même façon que chez l'insuffisant rénal non brûlé. Les autres relations observées aux différents temps de dosage méritent quelques commentaires. La dispersion des patients dans différents groupes au moment du deuxième dosage, rend compte des différences observées. La tendance à l'accumulation avec l'âge est présente à DI pour le groupe 1 et à D2 pour les groupes 1, 2 et 3. L'influence de la ventilation artificielle sur la valeur du pic est à rapprocher de la relation négative entre la pression partielle de gaz carbonique et le pic, car le contrôle de la ventilation engendre une majoration de l'élimination de C02. La vasoconstriction entraînée par Phypocapnie peut induire une réduction du Vd central qui conditionne le pic, d'où la relation observée.

Bilan de l'adaptation de posologie

Au cours des dosages successifs, seuls 5 patients restent dans le groupe 1. Dans 851/o des cas, les brûlés ont été traités selon un schéma différent du schéma conventionnel. Globalement, chez 16% des malades la dose a été diminuée et 30% ont nécessité une posologie plus élevée et plus fractionnée. Ces résultats remettent en cause le schéma traditionnel d'administration de la ceftazidime en 3 injections et plaident en faveur d'une administration plus fractionnée de la dose. Chez les brûlés présentant les caractéristiques des patients du groupe 3 (âge < 40 ans, surface brûlée 3 35%, clairance de la créatinine élevée), un sous-dosage est à craindre. Inversement, chez les malades qui ont une clairance basse, il existe un risque de surdosage. Un point de repère est la valeur de la clairance de la créatinine qui entraîne une multiplication par 2 du taux résiduel, valeur qui se situe à 76 ml/mn, mais ce chiffre est établi à partir de malades présentant initialement un taux résidue 13 30 mg/1 et n'a qu'une valeur d'orientation. Pour prendre en compte toutes les données, et il s'agit d'une réflexion engagée pour la suite de cette étude, il sera nécessaire de connaître la clairance d'élimination de la ceftazidime chez chaque patient de façon à éventuellement réduire les posologies en fonction à la fois de la sensibilité du germe et de la réduction de la clairance.

Conclusion

Ce travail retrouve les particularités cinétiques liées à la brûlure imposant une modification des schémas d'administration. Nos résultats justifient l'administration de la ceftazidime en mode fractionné et évoquent l'intérêt d'une administration à débit constant. Cette étude montre aussi les difficultés d'interprétation des résultats dans le contexte particulier que constitue la brûlure et les limites de l'analyse statistique conventionnelle, qui ne permet pas de prévoir avec précision les posologies souhaitables. La solution réside probablement dans une étude de pharmacocinétique de population: c'est là une démarche engagée au laboratoire de pharmacologie, pour la poursuite de ce travail.

 

SUMMARY

Intermittent administration of ceftazidime in bum patients Ceftazidime is a commonly used antibiotic against P. aeruginosa infections but its pharmacokinetics may be modified in bum patients. Our study was planned to optimise its administration according to the pharmacokinetic and bacteriological data.
After approval by the local ethical committee, 30 patientsgave their informed consent and were randomised in two groups. Group 1 was given 6 g/24h of Ceftazidime in 3 injections of 2 g; and group 2 received the same daily dose divided in 6 x 1 g, Trough and peak plasma concentrations were measured by HPLC at 24 (M1) and 48 hours (M2) after the beginning of the treatment. Depending on these results, the time interval or dose was modified to maintain a trough concentration equal to 4-fold MIC. In some cases, the same daily dose with or without modification of the number of injections was maintained; in other cases the dose was increased to 1 g x 8 (group 3) or decreased (groups 4 and 5). Variations of plasma concentrations were analysed as a function of the burn characteristics and taking into account therapeutic schedule (Snedeepr technique). Efficacy was measured by using the Mantel and Haenszel test.
After the first measurement (M1), trough concentrations were lower than the aim in 50 % of patients in group 1 and 20 % in group 2. The drug monitoring after M I lead to the formation of 4 groups of patients for the second measurement (M2). Finally, only 5 patients were left in group 1. In 30 % of the burn patients, the dosage regimen was increased to I g x 8. In the whole group of patients, a negative relationship was observed between trough concentrations at M I and burn area. With all the administration times, a negative relationship was observed between trough Ceftazidime concentrations and creatinine clearance.
Ceftazidime treatment was effective in 83 % of the cases. Our results show the necessity of therapeutic drug monitoring in such patients and suggest that continuous administration would be beneficial. A population pharmacokinctic study would enable the required dosing regimen to be established.


RÉFÉRENCES

  1. Richard R, Le Floch R., Chamoux C., Pannier M., Espaze E., Richet H. Pseudomonas aeruginosa Outbreak in a Burn Unit: Role of Antimicrobials in the Emergence of Multiply Resistant Strains. The journal of Infectious Diseases 1994 ;170 : 377-383.
  2. .Gibert C. Traitement des infections aigues sévères a Pseudomonas acruginosa chez l'adulte. La Lettre de VInfectiologue 1996 ; 6 : 136-141.
  3. .Kienlen J. Infections à pyocyaniques en réanimation.Conférences d'actualisation 1998. 40' congrès national d'anesthésie et de réanimation. Elsevier, Paris et SFAR. 1998 ; 551-567.
  4. Mouton J.W., Hollander J.G. Killing of Pseudomonas aeruginosa during continuous and intermittent infusion of ceftazidime in an in vitro pharmacokinetic model. Antimicrobial Agents and Chemotherapy 1994 ; 3 : 931-936.
  5. 5.Rio Y, Leroy E, Humbert G., Didion 1, Jurin F. Comparative ceftazidime scrum concentrations during continuous infusion in healthy subjects and severe bum patients. 34th ICAAC. Orlando. Florida. October 47,1994, Abstract A 13 : 156.
  6. Stiver H.G., Goldring A.M., Snelling C.F.T. Cetlazidime therapy versus aminoglycoside therapy in patients with Gram-negative bum wound infections. Journal of Bum Care& Rehabilitation 1987 ; 1 : 19-22.
  7. Walstad R.A., Aanderud L., Thurmann-Nielsen E. Pharinacokinetics and tissue concentrations of ceftazidime in bum patients. European Journal of Clinical Pharmacology 1988;35:543-549.