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Brûlures, vol. 2, Juillet 2000
Copyright 2000, Ed. Carr. Méd.

LE POELE À PÉTROLE: UNE NOUVELLE SOURCE DE BRÛLURES, PRINCIPALEMENT CHEZ L'ENFANT
(ANALYSE DE 22 CAS RECENSÉS AU COURS DE L'ANNÉE 1998 À LILLE)

R.Behbahani*, Vmartinot*, N.Capon-Degardin*, Ph. Patenotre*
Md. Mahieu**, V.De Broucker**, Ph. Pilpellerin*

* Service de chirurgie plastique et réparatrice, CHRU de Lille: hôpital Roger Salengro 59037 Lille cedex
** Centre des brûlés, CHRU de Lille : hôpital Roger Salengro 59037 Lille cedex


RÉSUMÉ

Même si l'utilisation des poêles à pétrole comme moyen de chauffage semble marginale, les accidents lié s à ce moyen peu coûteux de chauffage augmentent en fréquence chaque année, En effet, nous avons recensé 22 cas de brûlures par poêle à pétrole sur un total de 430 cas de brûlures, adultes et enfants confondus, soit près de 5% du total des cas de brûlures pris en charge au centre hospitalier et universitaire de Lille, au cours de l'année 1998.Ces cas concernaient essentiellement des enfants de moins de 15 ans ; le mécanisme de ces brûlures était soit direct, par contact, soit de façon indirecte par flamme.Les localisations favorites sont les mains dans 63% des cas, souvent par contact, mais les membres inférieurs et le visage peuvent être atteints également.La majorité de ces brûlures étaient du deuxième degré superficiel et intermédiaire, mais dans 20% de cas il s'agissait de brûlures profondes ayant nécessité des greffes de peau mince avec des séquelles esthétiques majeures. Ainsi, l'analyse de ces cas recensés démontre que les brûlures par poêle à pétrole restent une source de lésions préoccupante surtout chez le jeune enfant (1,2), ceci implique un travail d'information et de prévention plus important auprès des parents d'une part, auprès des fabricants et des vendeurs de ce type d'appareil d'autre part, afin d'attirer l'attention sur cette source de brûlures graves, trop souvent ignorée.

Mots clés: Poêle à pétrole, brûlure.

Introduction

Le poêle à pétrole est un appareil de chauffage d'appoint utilisant le pétrole comme combustible principal. Cet appareil pouvant chauffer de grandes surfaces, s'avère très économique à l'usage expliquant son succès actuel.Les brûlures par poêle à pétrole marginales il y a 5 ans, connaissent une recrudescence inquiétante actuellement dans notre région. Ces brûlures concernant essentiellement les enfants en bas âge, peuvent laisser de graves séquelles. Notre travail a consisté à recenser et analyser ces cas de brûlures au cours de l'année 1998.
Nous avons également, en analysant les causes de ces brûlures, essayé de faire des propositions pour prevenir ce type d'accidents.

Matériel et Méthode

Nous avons étudié les dossiers de l'ensemble des patients (adultes et enfants), reçus pour une brûlure, au Centre Hospitalier et Universitaire de Lille au cours de l'année 1998. Nous avons ainsi reçu et traité un total de 580 patients de plus de 3 ans dans le centre des brûlés et 90 enfants de moins de 3 ans dans le service de chirurgie pédiatrique pour brûlures diverses au CHRU de Lille au cours de l'année 1998. Sur l'ensemble de ces dossiers, nous avons recensun total de 430 dossiers, dans lesquels, les circonstances précises de l'accident ont été mentionnées. Nous avons exclu les dossiers dans lesquels l'étiologie précise de la brûlure n'était pas mentionnée.

Résultats

Nous avons recensé 22 cas de brûlures par poêle à pétrole chez les patients admis au centre des brûlés du CHRU de Lille pendant l'année 1998. Il s'agit donc de 5% du total des patients admis, et pour qui les circonstances précises de l'accident étaient mentionnées. L'analyse de ces cas nous donne les informations suivantes (tableau 1) : Il s'agissait dans 63% des cas d'enfants de moins de 15 ans, la moyenne d'âge étant de 17,6 ans (1 à 65 ans). Les brûlures ont été par contact dans 55 % des cas et par flamme dans 45 % des cas.
Dans 80% des cas, il s'agissait de brûlures de deuxième degré superficiel ou intermédiaire et dans 20% des cas de brûlures de deuxième degré profond ou de troisième degré. La localisation principale des brûlures était les mains. Elles étaient atteintes au total dans 63% des cas (figure 2).
Dans 45% des cas les brûlures ne concernaient que les mains en général par contact.Dans 18% des cas, les brûlures de mains s'accompagnaient de brûlures d'autres localisations, et dans ces cas les brûlures étaient de deuxième voire de troisième degré (tableau 1).
Les brûlures superficielles des mains étaient traitées par des soins locaux comprenant une association de pansements gras et Néomycine ou par des gants cicatrisants type Biobrane, dans 68% des cas. Les brûlures profondes des mains étaient traitées par des excisions- greffe précoce dans 18% des cas. Les brûlures profondes d'autres localisations ont été traitées par des greffes de peau mince après préparation par des pansements décapants.
Dans 3 1 % des cas, nous avons eu recours à une rééducation en centre spécialisé en raison des séquelles fonctionnelles laissées par les lésions.

Cas Age % Localisations Mécanisme Traitement Suivi
Cas 1 6 10% face,crane,cou,mains  flamme TG+Neo Vétements compressifs,rééducation gants compressifs rééducation
Cas 2 8 5% jous,oreilles;mains (2e inter) flamme TG+Neo  
Cas 3 4 2% main (2e Sup.) contact TG+Neo  
Cas 4 4 1% main (2e Sup) contact TG+Neo  
Cas 5 7 2% joue dte,front (2e sup) contact TG+Neo  
Cas 6 65 1% main dte (2e Sup) contact TG+Neo  
Cas 7 34 10% members inférieurs
(2e profond)
flamme Greffe exansée rééducation
Cas 8 36 4% Visage + mains
(2e Sup)
flamme TG+Neo  
Cas 9 49 5% fesses (2e Sup) contact TG+Neo  
Cas 10 8 1% main (2e sup). contact TG+Neo  
Cas 11 6 0.5% main (2e sup.) contact TG+Neo  
Cas 12 3 1% main (2e sup) contact TG+Neo  
Cas 13 25 5% face,pied (2e Sup) flamme TG+Neo  
Cas 14 14 3% Face +bras G (2e sup) flamme TG+Neo  
Cas 15 13 5% jambe dte (2e profond) flamme Greffe de peau rééducation
Cas 16 1,2 1% main gche. (1e degré) contact TG+Neo  
Cas 17 4 1% main dte. (2e superf) contact TG+Neo  
Cas 18 14 20% face,fesses,members supérieurs,dos
(2e inter.)
flamme Greffe de peau rééducation
Cas 19 26 13% face,crane,mollets,
mains. (3e degré)
flamme Greffe de peau rééducation
Cas 20 57 45%   flamme Greffe de peau rééducation
Cas 21 1 1% mains contact Gants cicatrisant  
Cas 22 2 2% mains contact TG+Neo  

Tableau 1: Prise en charge des patients, admis en 1998, pour une brûlure par poêle à pétrole

Discussion

Le poêle à pétrole est un moyen de chauffage utilisant le pétrole comme combustible principal. Cet appareil ne nécessite pas d'installation particulière dans les habitations (figure 1).
Dans l'Algérie des années 1950-1960, Les brûlures dues à cet appareil étaient fréquentes, prises en charge alors par l'école algérienne de M. Lagrot. En effet, cet appareil sous une forme simple et appelé alors Pitron, était le seul moyen de chauffage dans nombre de familles algériennes.[3, 4]. Ce moyen de chauffage reste couramment utilisé dans certains pays en voie de développement où, il est une des principales sources de brûlures chez les femmes et les enfants. [5, 6, 7].
En France le poêle à pétrole, est doté de systèmes de protection diverses respectant les nonnes NF. Ces systèmes de protection comprennent entre autres, les mécanismes d'arrêt automatique en cas de mauvaise combustion ou en cas de renversement de l'appareil. Le poêle à pétrole qui n'était au départ qu'un appareil de chauffage d'appoint devient depuis 3-4 ans, dans la région Nord-Pas-de-Calais, l'appareil de chauffage principal dans un nombre important de foyers.
Les raisons de ce succès sont d'abord économiques par le faible coût de l'utilisation de fuel comparé au coût de l'utilisation de chauffage électrique, ces derniers se généralisant dans les nouvelles résidences y compris dans les logements sociaux. De plus, les lampes à pétrole devenant de plus en plus performantes, leur capacité de chauffage permet une utilisation aisée au sein des familles. les familles à faible niveau socio-économique, chez qui, la difficulté d'information et de prévention plus accentuées, sont les principales victimes de ces brûlures.
Dans notre série, le mécanisme principal de brûlures était la brûlure par contact, sur la grille de l'appareil en marche. Ceci concernant principalement les enfants. Les brûlures par flamme étaient dues à une erreur de combustible (essence ou gasoil au lieu du fuel), au remplissage du réservoir à pétrole, l'appareil en marche, ou à la proximité de matières inflammables.Nous avons vu donc que les brûlures graves concernaient 20% des cas. Au niveau des mains les brûlures pouvaient laisser des séquelles fonctionnelles importantes (figure 3). Elles pouvaient également concerner de grandes surfaces corporelles laissant des séquelles définitives. La principale cause de ces accidents semble être l'insuffisance de l'information des utilisateurs sur les risques de ces appareils. En effet les manuels d'utilisation que nous avons consultés, mettaient en garde surtout contre les risques d'intoxication au monoxyde de carbone et pas assez clairement contre ceux des brûlures graves.Les vendeurs que nous avons contactés ignoraient majoritairement les risques de brûlures mais nous ont confirmé l'engouement actuel pour ce type d'appareil.La prévention de ce type d'accident semble donc passer par une information plus claire des consommateurs à travers les notices d'utilisation plus ciblées sur les risques de brûlure. Une formation plus adéquate des vendeurs sur les risques de ce type d'appareil et non seulement sur leurs caractéristiques techniques et leurs performances. Egalement l'incitation des distributeurs à un affichage par écrit de tous les risques potentiels dans les rayons de ventes de ces appareils. Et enfin, une sensibilisation des associations de consommateurs pouvant diffuser plus largement les moyens de prevention à travers les médias.
En conclusion, le poêle à pétrole est un nouveau moyen de chauffage pouvant être à l'origine d'accidents de brûlures graves surtout chez l'enfant (1). La prévention de ces accidents passe par une information plus adaptée et plus affirmée des familles par les fabricants, les distributeurs et les médias.

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Figure 1: Poêle à pétrole. Brûlure de main par poêle chez un Séquelles de brûlures de mains

Figure 2: enfant en phase précoce. après greffe.

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Figure 3: Sequelles de brulures de mains apres greffe

COMMENTAIRE

R. Behbahani, V Martinot et all.

L'amélioration de l'habitat et la généralisation du chauffage central en France dans les dernières décennies avaient pratiquement fait disparaître les brûlures par flammes dues aux appareils de chauffage à flamme apparente, dans les deux franges de population les plus exposées, à savoir les petits enfants et les personnes âgées. Le très intéressant article de R. Behbahni attire l'attention sur la recrudescence de ce type de brûlures depuis cinq ans environ, due à la réapparition de ce mode de chauffage et à son utilisation dans les milieux les plus défavorisés pour des raisons d'économie.
Dans la population étudiée, il aurait été intéresant de savoir comment étaient constituées les tranches d'âge, et si par exemple, on retrouvait des pics de fréquence pour les moins de 5 ans et les plus de 60 ans. Par ailleurs, les explications proposées dans la discussion qui sont pertinentes, auraient mérité une étude chiffrée de manière à pouvoir être utilisées auprès des fabricants, mais aussi au niveau des pouvoirs publics afin d'améliorer la prévention : Répartition des patients suivant les catégories de l'INSEE, niveau de ressources, nombre d'enfant dans la fratrie, type d'habitat, nombre de personnes par pièce, présence de la maère au foyer, illettrisme, etc. Cette étude aurait donc grand intérêt à être poursuivie et précisée par une grande série.

Monique Schlotterer

SUMMARY

Oil stove is a cheap heating system. The accidents caused by the stove, have increased for some years.
We report 22 cases of burns caused by this equipment, treated in Lille University Hospital (France) in 1998. They stand for 5% of all burns cases admitted in our hospital.
These cases concerned mainly children under 15 years old. The Mechanism of these bums is twofold, direct contact bum or flame bum.
The main burnt areas are the hands in 50% cases, the other usual areas being the face and legs.
The majority of burns were superficial second degree bum, butAhe burns were deep (2e and 3e degree) in 20% cases.
Thus, details analysis of this cases shows that oil stove burns remain a worrying lesion causes specially in young children. It implies a more important information and prevention work. This work aimed at parents, manufacturers and retailers, in order to draw attention on this cause of serious burns.

 


RÉFÉRENCES

  1. Mercier C. et coll. Epidemiological survey of childwood burns injuries in France Burns 1996 Feb; 22 (1): 29-34.
  2. Linbland BE. et coll. Domestic bums among clildren. 1990 Aug; 16 (4)254-6.
  3. Lagrot F, Antoine H, Bensoussan H, Lavergne E. Les bffilures, . Afr. Franc. Chir. 1960 ; 18 :31-45.
  4. Baux S. 17 mai 2000. Commentaires personnels.
  5. Marsh D, Sheikh A, Kbalil A, Jaffer-uz-Zaman, Qureshi 1 Et col. Epidemiology of adults hospitalized with bums in Karachi, Pakistan. Bums, 1996, May ; 22(3 ): 225-9.
  6. Gupta RK, Srivastava AK. Study of fatal burns cases in Kanpur (India). . Forensic Sci Int 1998 Apr,37(2) : 81-9
  7. Satpathy DK, Burning brides-a medicolegal study. Med Law 1995 ; 14(7-8) :547-52.