INCIDENCE DES PROBLEMES PSYCHOLOGIQUES ET PSYCHIATRIQUES SUR LE TRAVAIL DE R-EEDUCATION DE LA BRULURE Jocelyne Magne(1), Jean-Michel Rochet (2)(1) Psychologue
clinicienne, Unité de rééducation de la brûlure de COUSERT RÉSUMÉ Nous avons étudié
l'incidence des problèmes psychologiques sur les difficultés de rééducation, en se
basant sur 80 patients représentant les admissions d'une année. Les entretiens cliniques
et les diagnostics éventuels pendant le séjour ou antérieurs ont constitué la base de
travail. 3 groupes ont été séparés : Pathologie préalables à la brûlure Le pourcentage de pathologies psychiques préalables à la brûlure est important (cf. tableau : 37,50%) et contribue à la charge psychologique qui incombe à l'équipe soignante. Il s'agit de personnes souffrant de psychoses chroniques, de dépressions avérées et traitées, de personnalités psychopathiques. Mais ce n'est pas pour autant que l'ensemble des patients concernés présente les comportements les plus perturbateurs de la vie institutionnelle. Sur 16,25% des patients souffrant de psychoses (cf tableau), 12% sont hospitalisés à la suite d'un passage à l'acte suicidaire. La violence de cette autoagression délirante, le séjour en soins intensifs, ont pour effet momentané un abaissement de la tension pulsionnelle caractéristique des états psychotiques aigus. Par ailleurs, la prise en charge materriante de l'institution contribue à l'apaisement psychique. Restent à l'oeuvre bien sûr des symptômes tels que l'apragmatîsme, le retrait, un délire à bas bruit, des difficultés relationnelles. Le plus souvent un séjour de moyenne durée dans un lieu non psychiatrisé, favorise une tentative d'adaptation et la relation à l'autre. Les soins dans leur ensemble et leur dimension contenante, produisent des effets « psycho-thérapeutiques » imprévus. Mais plus le séjour est long, plus la toute puissance psychotique s'impose et embolise la participation aux soins de rééducation : envahissement de l'espace soignant, errances dans l'établissement sans pouvoir être au bon moment là où ils sont attendus, port des orthèses problématique pour des personnes dont l'image du corps est perturbée par la psychose bien avant la brûlure. Quoi qu'il en soit, leur «étrangeté» génère toujours de l'angoisse, et les problèmes relationnels avec soignants et autres patients ne sont pas exclus. Paradoxalement les personnes annoncées comme dépressives (8,75% ) et soignées au long cours vont le plus souvent trouver dans le véritable combat qu'exige la rééducation de la brûlure et le désir des soignants, le point de départ d'un mouvement psychique de défense contre la dépression. Il est important de préciser qu'il ne s'agit pas de dépression psychotique (appelée dépression majeure ou mélancolie ). La difficulté d'agir et les plaintes du début du séjour cèdent progressivement au profit d'une participation active, du retour à une vie relationnelle avec soignants et soignés. Ces personnes représentent pour l'année, 8,75% de la population reçue et posent la question de la prise en charge dont elles ont bénéficié auparavant, c'est-à-dire le plus souvent une prescription d'antidépresseur sans abord psychothérapique. Il est aussi aisément repérable que « l'accident brûlure survient de façon plus fréquente dans un contexte dépressif, et parfois peut s'entendre comme un équivalent suicidaire. Souvent cause de la brûlure, la psychopathie est sans doute la pathologie la plus difficile à gérer en institution. Elle entraîne des comportements impulsifs, agressifs, antisociaux, auxquels s'associent souvent des conduites addictives (consommation d'alcool, de drogues). Les patients concernés se trouvent dans un lieu où peut s'exprimer à loisir leur problématique : intolérance à la frustration, à toutes règles de vie institutionnelle qu'ils ne vont cesser de tenter de transgresser. Par ailleurs, leur capacité de séduction et de manipulation n'est pas sans effet sur les autres patients fragilisés qu'ils entraînent dans des revendications et passages à l'acte qui ont mis cette année là l'équilibre de l'équipe et de l'unité en péril. Parmi leurs victimes favorites, il faut citer les adolescents brûlés à une période de vie où la recherche identitaire s'appuie sur l'investissement du corps, et où la dépression prend des formes atypiques. Ils peuvent devenir dans ce contexte facilement accessibles aux propositions de toxiques d'autant qu'eux-mêmes ont besoin de s'opposer alors que la brûlure les replace dans un statut d'enfant. Les troubles neurologiques préalables à une brûlure sont le plus souvent cause de l'accident. Cette année là, il s'agit d'un patient souffrant d'un traumatisme crânien et d'une jeune femme atteinte d'une épilepsie massive et invalidante depuis l'enfance. Ces personnes ont présenté une incompréhension décourageante des nécessités de soins qu'ils n'ont pu accepter de suivre jusqu'au bout. Par ailleurs, les troubles caractériels associés, sont très mal acceptés par l'ensemble des autres brûlés qui, soit les utilisent, soit les rejettent en pensant que ce sont des comportements volontairement agressifs et «mal élevés», dont l'imprévisibilité fait peur. Au-delà des 2,50 % représentés par ces deux personnes, il serait pertinent d'inclure dans cette population particulièrement accidentable les personnes âgées invalidées par la difficulté à se mouvoir et parfois plus (Alzheimer ou détériorations des fonctions supérieures ). Troubles psychiques consécutifs à la brûlure 43,75 % (cf . tableau) des personnes reçues, ont souffert de troubles psychologiques transitoires. Il s'agit d'états d'hypomanie, d'agressivité, de régression, de dépression, dont le détail ferait l'objet d'une autre étude et qui sont liés à la désorganisation psychique consécutive à la brûlure. Les familles, et proches ne sont pas épargnés et leurs perturbations vont souvent directement s'exprimer dans le cadre de la rééducation en raison des difficultés relationnelles avec leur parent ou proche brûlé. Chacun des brûlés va trouver dans son histoire, ses supports affectifs et sociaux, et l'aide des équipes interdisciplinaires de la brûlure comment dépasser ou pas, cette terrible rupture de vie. Mais le temps du deuil, de l'inquiétante étrangeté liée aux transformations corporelles inacceptables et soulignée par les orthèses, masques thermo-formables, réactive les Incidence des problèmes psychologiques et psychiatriques traumatismes anciens, les deuils non faits, met en évidence les fragilités préalables. Ces personnes sont donc parfois celles qui présentent les comportements les plus difficiles dans le cadre des activités de rééducation, des périodes de perturbations psychiques fluctuantes au fil du cheminement intérieur. Ce qu'elles nous renvoient à nous soignants, c'est aussi la mise au jour de l'éclatement de notre « normalité » lors d'un événement de vie traumatique. Uune de nos premières défense est donc d'attendre de ces personnes brûlées à priori sans antécédents de troubles psychiques, des comportements adaptés et participatifs. Sans caractéristiques particulières Sans caractéristiques pathologiques, signifie que certains brûlés (18,75%), soutenus par le rythme de soins, un environnement socio-affectif solide et contenant, et souvent l'espoir déréel d'une récupération totale, vont montrer pendant toute leur rééducation une participation active et conviviale, garder jusqu'à la fin du séjour le comportement social habituel. Sans statistiques pour étayer mon affirmation mais par connaissance de certaines consultations de suivi, la majorité d'entre eux ne seront que plus tardivement confrontés à des épisodes dépressifs ou traumatiques, voire délirant pour l'un des patients reçus sur l'année, lors d'une intervention chirurgicale secondaire, d'une cure, d'un événement de vie sociale. En effet, la souffrance psychique liée à la brûlure, est toujours à entendre, quel que soit le comportement de la personne et la validité apparente des défenses Psychiques qu'elle peut momentanément mettre en place. Conclusion L'approche simplifiée que nous venons de faire, permet de concevoir, au delà de la symptomatologie individuelle, que les liens ou relations qui vont s'établir entre ces personnes habitant un même service et partageant l'attention des mêmes soignants vont créer une dynamique institutionnelle particulière et fluctuante. Elle a des effets sur l'équipe et sur la rééducation. Tous les avatars de la relation humaine s'y manifestent avec une acuité liée au regroupement de toutes les souffrances autour de cette terrible rupture de vie qu'est la brûlure grave. Mais se créent aussi des liens inattendus et porteurs qui n'auraient jamais existés ailleurs et permettent à certains de s'entraider véritablement. Ces considérations générales ne sont utiles qu'à tenter de comprendre ce qui peut à des moments «pics» venir invalider le travail de rééducation, perturber le fonctionnement d'une equipe et d'un groupe de patients. Les passages à l'acte doivent nous faire réfléchir sur nos propres attitudes afin que nos réponses permettent la continuité des soins utiles et c'est d'autant plus difficile que le service de rééducation n'est pas un lieu de psychothérapie institutionnelle : elle s'y pratique «de surcroît». L'intrication des problématiques psychiques individuelles et celles du groupe qui s'en constitue nécessite parfois de trouver à s'organiser à travers des interventions régulatrices incombant généralement au médecin responsable du service. C'est aussi un travail d'équipe. Au-delà, il est bien évident que c'est la souffrance de chacune des personnes brûlées qui est à entendre, et diagnostics et cadre nosographique sont loin d'y suffire
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