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RÉSUMÉ. Le soulagement de la douleur chez les patients brûlés est un sujet que l'on a certes beaucoup traité au cours des dernières vingt années. Malheureusement, si on se fie à diverses études récentes, il continue d'exister des lacunes importantes dans le traitement de la douleur associée aux brûlures. Les causes sont multiples mais la principale est le manque de recherche qui fait en sorte que nos pratiques analgésiques reposent davantage sur des évidences anecdotiques ou des préférences institutionnelles que sur un rationnel scientifique résultant d'études solides. Cependant, nos connaissances récemment acquises sur les phénomènes d'hyperalgésie post-brûlure, d'hyperexcitabilité centrale et d'altération dans la sensibilité aux opiacés fournissent des arguments convaincants sur l'importance d'initier rapidement chez les patients brûlés une thérapie analgésique vigoureuse (analgésie préventive) et d'employer une analgésie multimodale qui prône l'utilisation de plusieurs médicaments ayant des sites distincts d'action et administrés à des moments différents et ce, en combinaison avec des méthodes non pharmacologiques pour réduire les stress et l'anxiété. En ce sens, de nouvelles avenues méritent d'être explorées auprès des patients brûlés. Mais quel que soit la ou les modalités thérapeutiques utilisées, le concept fondamental est d'utiliser toutes les stratégies susceptibles d'éviter et/ou de réduire les conséquences néfastes d'une douleur non contrôlée non seulement au plan psychologique mais également aux plans physiologiques, chimique et neuronal, ce que l'on a récemment appelé la « mémoire du système nerveux ».
Mots clés : Douleur - Traitement de la douleur.
Beaucoup a été dit et écrit sur la prise en charge de la douleur chez les patients brûlés mais où en sont vraiment nos connaissances scientifiques sur ce point ? Au début des années 80, Samuel Perry faisait figure de pionnier en publiant les premiers résultats d'une série d'études sur le sujet [1]. Non seulement il y dénonçait la piètre qualité des pratiques analgésiques chez les victimes de brûlures mais il insistait sur l'importance d'être plus agressif dans nos interventions. Ses travaux ont été suivis par d'autres études [2-5] qui ont aussi démontré comment la thérapie analgésique est souvent inadéquate et insuffisante chez les patients brûlés. Qu'en est-il en ce début de troisième millénaire? Y a-t-il toujours autant de variation dans les pratiques analgésiques que Perry et Heidrich [6] ont observée d'un centre de brûlés à l'autre dans leur enquête de 1981? Continue-t-on de sous-utiliser les opiacés? Les enfants brûlés sont-ils toujours plus à risque que les adultes de voir leur douleur moins bien soulagée ? La littérature scientifique la plus récente suggère que la situation n'a probablement pas changé beaucoup au fil des années. Dans plusieurs centres de brûlés, les opiacés sont couramment employés pour contrer la douleur [7-10] mais d'autres se refusent toujours à utiliser ce type de médicaments, préoccupés par les effets secondaires qu'ils peuvent engendrer [11]. Dans certains centres de brûlés, on continue d'administrer les analgésiques en mode PRN tout en donnant jusqu'à moins que 50% de la dose prescrite [12]. Une autre étude récente conclut que l'acétaminophène devrait être considérée comme le médicament de premier choix pour soulager la douleur que les enfants brûlés ressentent au repos (Le., en l'absence de geste thérapeutique douloureux) alors que les résultats de cette même étude montrent que l'acétaminophène était, à elle seule, inefficace chez 50% des enfants enrôlés dans l'étude [13]. Les patients âgés seraient aussi une population fortement négligée au chapitre du soulagement de la douleur si on se fie à la récente étude de Honari et al [14]. Enfin, il en serait de même pour les patients brûlés qui sont traités sur une base externe [15]. La quasi-totalité de nos connaissances scientifiques sur les caractéristiques et le traitement de la douleur résultant de brûlures proviennent, en effet, d'études qui ont été effectuées auprès de patients hospitalisés. Or, 95% de ce type de blessures sont traitées sur une base externe après avoir été vues dans une urgence hospitalière [16,17]. De plus, ces brûlures, qui sont pour la plupart du deuxième degré superficiel, sont connues pour être plus douloureuses que des brûlures plus profondes d'étendue comparable qui endommagent ou détruisent les terminaisons nerveuses et nécessitent une greffe cutanée [18-20].
Obstacles au soulagement de la douleur chez les patients brûlés
Plusieurs facteurs contribuent au fait que le soulagement de la douleur continue d'être inadéquat chez les patients brûlés. Un de ces facteurs réside dans la difficulté même d'effectuer de la recherche en ce domaine. Les centres de brûlés ont un nombre limité de lits qui sont souvent occupés pour de longues périodes de temps par des patients qui sont gravement malades et souvent incapables de communiquer. Les études multicentriques sont difficiles à mener à cause des différences dans les approches et modes de traitement. La plupart des études incluent donc de petits échantillons donnant souvent lieu à des résultats contradictoires ou non concluants. Marvin et al [10] ont récemment revu la littérature sur les différentes modalités thérapeutiques pour soulager la douleur chez les patients brûlés.
Des dix études qu'ils citent sur l'utilisation des opiacés, ils concluent être incapables de faire des recommandations précises quant au choix du meilleur agent, de la dose optimale ou de la voie d'administration idéale chez les patients brûlés.
Ils en arrivent à la même conclusion pour les méthodes non-pharmacologiques de contrôle de la douleur pour lesquelles il n'existe pas de données vraiment concluantes pour appuyer la supériorité d'une technique par rapport à une autre [10,19,21,22]. Donc, encore aujourd'hui, le choix des pratiques analgésiques pour les patients brûlés reposent davantage sur des évidences anecdotiques, l'expérience clinique ou des préférences institutionnelles que sur un rationnel scientifique résultant d'études solides [12,23].
L'autre problème majeur avec les patients brûlés est que leur douleur est, en soi, difficile à contrôler compte tenu de ses caractéristiques, de ses composantes multiples, de ses fluctuations temporelles et de sa persistance [9,10,23]. Mais, l'élément qui rend ce syndrome douloureux si unique est que les soins des plaies impliquent des traumatismes répétés et des manipulations multiples de sites qui sont déjà douloureux (changements de pansements, lavages de plaies, séances de physiothérapie) [24]. De plus, l'intensité des douleurs peut atteindre à ces occasions des niveaux atroces. Le défi de fournir et de maintenir une analgésie adéquate chez ces patients est aussi de taille à cause du caractère extrêmement changeant de la douleur et de ses très grandes variations d'un individu à l'autre [2-4,25-27].
La place des opiacés dans la thérapie analgésique
Les opiacés de type morphine et fentanyl continueront d'occuper une place prépondérante dans l'arsenal thérapeutique pour soulager les douleurs des brûlures tant et aussi longtemps que d'autres agents aussi puissants mais dénués d'effets secondaires ne seront pas mis sur le marché [10,23,28].
Ce que l'on peut et doit changer, par contre, est la façon dont on utilise les opiacés.
Une des causes premières du soulagement inadéquat chez les patients brûlés est un problème de sous-médication. Les opiacés peuvent être des médicaments extrêmement efficaces s'ils sont donnés en quantité suffisante et administrés par une voie appropriée.
Dans plusieurs situations, les patients brûlés peuvent être soulagés de façon adéquate avec des opiacés mais à la condition que certains principes de base soient respectés.
Ces principes qui sont résumés au Tableau 1 sont discutés plus en détails dans d'excellents articles de revue récemment parus [7-10,19,28-30].
Tableau I :
Pharmacothérapie opiacée chez les patients brûlés : Principe de base
Adapté de Choinière (19,23) et Latarjet & Choinière (30).
Même si les opiacés puissants demeurent des médicaments très efficaces, leurs effets secondaires peuvent être, par contre, très limitatifs. Sans intervention adéquate, des effets indésirables tels la constipation et les nausées peuvent devenir tout aussi problématiques que la douleur elle-même. Toute pharmacothérapie à base d'opiacés doit donc s'accompagner d'un protocole d'intervention médicamenteuse visant à contrer ou prévenir ces effets secondaires en administrant ces médicaments régulièrement et/ou de façon prophylactique [23,30].
Daeninck et Bruera [31] ont récemment fait le point sur d'autres effets secondaires des opiacés qui sont pour les moins paradoxaux et qui méritent attention et vigilance.
De l'hyperalgésie et de l'allodynie ont, en effet, été observé chez des patients cancéreux qui recevaient des doses très élevées d'opiacés sur une période prolongée et ce, souvent en association avec une médication de type anxiolytique, une situation qui n'est pas rare chez les patients très sévèrement brûlés.
Ce phénomène de « douleur paradoxale » est d'une importance capitale car le clinicien peut ne pas le reconnaître comme un effet neurotoxique et réagir en augmentant davantage la dose d'opiacés dans le but de soulager la douleur.
Une autre difficulté lorsqu'on administre des opiacés aux patients brûlés est de réaliser une analgésie qui soit efficace au moment des procédures thérapeutiques (changements de pansements) tout en minimisant les effets d'une somnolence persistante une fois la procédure terminée [7,23,30].
L'administration intraveineuse d'opiacés d'action rapide et de courte durée tels le fentanyl et l'alfentanyl est avantageuse dans de telles situations. La morphine sera, par contre, plus facile à utiliser lors de changements de pansements qui sont plus longs et étendus.
Dans d'autres situations, les procédures peuvent être tellement douloureuses que le patient ne peut tout simplement pas les tolérer (débridement extensif, déballage de pansements opératoires).
Un état de sédation semi-consciente sera alors requis à moins qu'une sédation profonde ou une anesthésie générale ne soit la seule solution [9,30,32-34].
Les agents tels le propofol qui ont une durée d'action courte, favorisent un réveil rapide et qui altèrent le moins possible la prise alimentaire des patients seront privilégiés.
Toutefois, la présence d'un médecin, d'un praticien certifié (infirmière certifiée en anesthésie) ou d'un anesthésiste est requise dans ces situations.
Dans plusieurs centres de brûlés de France, il n'est pas rare qu'un anesthésiste-réanimateur soit sur place de façon quotidienne alors que dans d'autres pays comme le Canada et les États-Unis, ce n'est pas le cas ce qui pose souvent problème pour l'utilisation d'agents anesthésiques.
L'analgésie préventivelmultimodale adaptée à la population des patients brûlés
Il y a de plus en plus de littérature scientifique qui suggère que le chronométrage (timing) est un aspect extrêmement important dans l'analgésie. Un traitement hâtif et agressif est, en effet, considéré comme crucial pour prévenir les effets néfastes d'une douleur mal contrôlée non seulement du point de vue psychologique mais également du point de vue neurophysiologique [35-37]. Ainsi, lorsqu'un patient brûlé a appris à associer la tenue de procédures thérapeutiques à des douleurs horribles, l'utilisation d'opiacés, même en doses massives, sera souvent inefficace. Une analgésie vigoureuse et précoce est essentielle pour prévenir le développement d'un cercle vicieux où la douleur augmente l'anxiété et vice versa [23,30]. Outre l'anxiété d'anticipation, il est bien documenté que divers désordres psychiatriques tels la régression, le délire, la dépression et le désordre de stress post-traumatique peuvent résulter de douleurs intenses et prolongées [21,38].
Toutes aussi importantes ou mêmes plus importantes peuvent être les conséquences néfastes d'une douleur non contrôlée aux plans physiologique, chimique et neuronal, ce que Daniel Carr a appelé la « mémoire du système nerveux » [36,37]. Nos connaissances récemment acquises sur les phénomènes d'hyperalgésie post-brûlures, d'hyperexcitabilité centrale et d'altération dans la sensibilité aux opiacés [39-45] fournissent des arguments extrêmement convaincants sur l'importance de se doter de stratégies ayant pour objectifs de prévenir ou réduire la « mémoire » de la douleur (analgésie préventive) [24,36,46] et d'inclure l'utilisation de plus d'une modalité thérapeutique (analgésie multimodale) [29,47,48] Ce concept d'analgésie préventive-multimodale a été introduit il y a une quinzaine d'années pour améliorer le contrôle de la douleur post-opératoire et diminuer les effets secondaires des médicaments analgésiques. Cette approche implique l'utilisation de plusieurs médicaments ayant des mécanismes et des sites d'action distincts ( anesthésiques locaux, antiinflammatoire non stéroïdiens (AINS), opiacés) et que l'on donne à différents moments (avant, pendant et après la chirurgie) en combinaison avec des méthodes non pharmacologiques pour réduire le stress et l'anxiété [46-48].
L'approche analgésique préventive-multimodale n'est évidemment pas entièrement applicable chez le patient brûlé puisque le stimulus douloureux initial ne peut être éliminé avec une anesthésie locale ou régionale comme on peut le faire avant une chirurgie. L'application topique d'anesthésiques locaux sur les brûlures est, par ailleurs, d'usage limité chez les grands brûlés à cause de la toxicité systémique du produit. Par contre, pour les brûlures de petite étendue ou encore pour les sites donneurs, on pourrait avoir avantage à recourir à ce type de produits car on pourrait ainsi diminuer les besoins en opiacés tout en améliorant le confort des patients [49-50]. Pour ce qui est des voies d'administration épidurale, spinale ou régionale, elles sont peu, pour ne pas dire, pas employées chez les patients brûlés à cause du risque d'infection. Toutefois, l'utilité de ces voies d'administration mérite plus ample investigation puisque certaines catégories de patients pourraient en bénéficier notamment ceux dont les brûlures sont limitées aux membres inférieurs ou supérieurs [23]. Quelle que soit la modalité thérapeutique utilisée, le concept fondamental qui sous-tend l'analgésie préventive est d'utiliser toutes les stratégies qui sont susceptibles de réduire les phénomènes de sensibilisation périphérique et/ou centrale (hyperexcitabilité spinale) qui résultent de la manipulation des sites brûlés douloureux [24]. Une analgésie vigoureuse au moment des changements de pansements prend donc toute son importance dans une telle perspective.
Au chapitre d'une approche d'analgésie multimodale, les opiacés puissants pourraient être utilisés de façon beaucoup plus efficace et/ou leur posologie diminuée (tout comme leurs effets secondaires indésirables) s'ils étaient administrés en combinaison avec des agents qui agissent en bloquant soit la transmission nociceptive ou la réponse inflammatoire au niveau périphérique, soit la libération de substance de type glutamate, soit l'activation des récepteurs Nmethyl-D-aspartate (NMDA) ou encore une combinaison de ces actions [24,29]. Â titre d'exemple, l'acétaminophène et les AIN S, combinés à des opiacés, pourraient être considérés comme un traitement de base pour la douleur des brûlures [12,13]. Nos pratiques analgésiques conventionnelles négligent habituellement ou ignorent complètement la composante inflammatoire de douleur des brûlures, laquelle est pourtant extrêmement importante notamment dans la phase aiguë du traitement. Les AINS traditionnels ne sont évidemment pas recommandés chez les patients sévèrement brûlés qui doivent subir de multiples chirurgies (excision et greffes) à cause des effets adverses de ces agents sur l'hémostase. Par contre, les AINS pourraient être extrêmement utiles comme coanalgésiques auprès de patients avec des brûlures de petite étendue qui nécessitent une ou aucune chirurgie afin de réduire la douleur de brûlures superficielles ou celles des sites donneurs [11,19,23,29]. Encore plus intéressante est cette nouvelle génération d'AINS, les inhibiteurs de cyclooxygénase de forme 2 (anti-COX-2), dont les effets analgésiques et antiinflammatoires semblent s'accompagner de peu ou pas d'effet adverse au niveau gastrique et plaquettaire [51,52]. Bien que des études soient de toute évidence nécessaires, on peut penser que cette classe de médicaments pourrait constituer un grand pas dans le traitement de la douleur chez les patients brûlés puisqu'ils pourraient être utilisés sur une plus grande échelle, réduire les phénomènes de sensibilisation neurale tant au niveau périphérique que centrale, réduire les besoins en opiacés et de ce fait, leurs effets adverses associés.
La même logique pourrait aussi s'appliquer à l'utilisation topique d'opiacés ( morphine) au site des brûlures. Diverses études récentes ont démontré l'existence de récepteurs opiacés à l'extérieur du système nerveux central. Ces récepteurs s'exprimeraient ou s'activeraient en présence d'inflammation résultant de blessures d'origine diverse [53]. Si telle est le cas, l'administration topique de morphine pourrait être potentiellement utile pour traiter la douleur des brûlures, cette dernière ayant une forte composante inflammatoire telle que mentionnée précédemment. Des articles récents ont rapporté des résultats prometteurs avec ce mode simple de traitement pour soulager la douleur d'ulcères cutanés d'origine diverse [54,55]. Bien que l'efficacité et l'innocuité de l'administration topique d'opiacés restent à démontrer chez les patients brûlés, cette avenue thérapeutique est certainement intéressante à explorer dans un contexte d'analgésie multimodale.
L'utilisation d'antagonistes des récepteurs NMDA pourrait aussi représenter un intérêt pour les patients brûlés, et notamment dans l'optique de diminuer leurs besoins en opiacés [56,57]. Diverses études en laboratoire ont démontré que l'hyperalgésie postbrûlures et les phénomènes de tolérance et/ou résistance aux opiacés (un problème fréquemment observé chez les patients brûlés) impliquent l'activation des récepteurs NMDA [24,57]. Il est intéressant de noter que la kétamine a été un des agents anesthésiques les plus utilisés chez les patients brûlés mais ce n'est que récemment que l'on a commencé à reconnaître ses avantages potentiels au chapitre de son activité antagoniste au niveau des récepteurs NMDA. Il en est de même pour la méthadone qui, en plus de stimuler les récepteurs opiacés, agit comme antagoniste au niveau des récepteurs NMDA. Comparée à d'autres opiacés, la méthadone a aussi l'avantage d'avoir une durée d'action beaucoup plus longue pouvant ainsi fournir une analgésie stable pour la douleur de fond ressentie au repos. La kétamine à faibles doses, à dosage analgésique plutôt qu'anesthésique ou sub-anesthésique, pourrait aussi être utilisée en combinaison avec un opiacé comme la morphine pour contrôler la douleur au repos et au moment des procédures thérapeutiques. Encore une fois, l'on pourrait voir les besoins en opiacés diminuer et de ce fait leurs effets secondaires adverses incluant l'hyperalgésie possible lorsque des doses élevées d'opiacés sont administrées [58,59].
Enfin, l'arsenal thérapeutique pour soulager la douleur des brûlures doit tenir compte du fait que ce type de douleur peut aussi présenter une composante neuropathique notamment dans les cas de brûlures profondes qui ont endommagé ou détruit les structures nerveuses (récepteurs et fibres) [2,9,19,24]. Ce type de douleur peut se développer relativement rapidement après le traumatisme et prendre éventuellement la forme d'un syndrome de douleur chronique [60-62]. Si tel est le cas, d'autres avenues thérapeutiques doivent être envisagées. Ainsi, lorsque la douleur d'un patient brûlé persiste en dépit d'augmentations répétées de la posologie d'opiacés, la possibilité d'une composante neuropathique doit être envisagée. Des médicaments de type anti-dépresseur, anti-convulsivant ou des stabilisateurs de membrane pourraient être indiqués dans de tels cas [23,24,30]. Des résultats intéressants ont d'ailleurs été rapportés par Jonsson et al [63] qui ont utilisé des infusions continues de lidocaïne à faibles doses pour contrer les douleurs post-brûlures en stade aigu.
Il y a toute une littérature qui démontre que la combinaison de différents analgésiques contribue à améliorer la douleur chez diverses populations de patients, et il n'y a pas de raison pour laquelle il en serait autrement chez les brûlés. Toutefois, davantage d'études sont nécessaires auprès de cette population afin d'établir la combinaison optimale des agents requis en soupesant leurs effets adverses potentiels. Aussi importante pour ne pas dire plus importante est la nécessité de mener des études sur les effets à court et long terme d'un régime analgésique précoce et agressif chez ces patients. La question de savoir si l'impact d'un soulagement efficace de la douleur va au-delà de la simple réduction des souffrances des patients est cruciale puisque la réponse à cette question pourrait être la seule façon de convaincre certains cliniciens de l'importance de procurer une analgésie adéquate aux patients. La question de savoir si un soulagement efficace de la douleur des brûlures peut contribuer à améliorer les fonctions nutritive et immunitaire des patients, accélérer la guérison des plaies, favoriser une récupération plus rapide et diminuer les complications psychologiques à plus long terme sont, en ce sens, des points extrêmement importants d'investigations [35,46,48].
Les approches de traitement et les soins prodigués aux patients brûlés ont, par ailleurs, changé au fil des années et ils continueront de le faire.. Certains de ces changements ont pour grand avantage de diminuer la douleur à la source même, ce qui demeure de toute évidence l'approche analgésique de premier choix. Ainsi, les plaies sont en général excisées et greffées plus précocement ce qui élimine ou réduit ces longues et douloureuses séances de débridement au lit. Le développement et une plus grande utilisation de ces pansements synthétiques et substituts cutanées qui sont apparus au cours des dernières années pourront aussi modifier notre approche puisque ces pansements restent en place sur les plaies pour plusieurs jours. Par contre, les coûts très élevés de ces pansements doivent être pris en considération et l'impact de leur utilisation dûment mesurée en termes de coûts-bénéfices, compte tenu des importantes compressions budgétaires qui sont exercées dans nos soins de santé.
La douleur est omniprésente chez les victimes de brûlures mais elle n'est pas une fatalité. L'évolution clinique des patients brûlés doit se faire avec le minimum de souffrance et non seulement pour des raisons humanitaires. Compte tenu des effets néfastes qu'une douleur mal contrôlée peut avoir tant d'un point de vue physiologique que psychologique, on ne saurait trop insister sur l'importance d'initier rapidement une thérapie analgésique efficace et de l'ajuster selon les besoins changeants des patients. Cette même thérapie devra faire appel à diverses modalités pharmacologiques et non pharmacologiques compte tenu de la complexité et la multiplicité des mécanismes impliqués dans la douleur.
Pain management in hum patients has been a topic frequently talked in thé literature of last 20 years. However, nome recent studies suggest that inadequacies in burn pain treatment still continue to persist. Varions factors contribute to this problem but one of thé most important ones is thé lack of research. Se, still today, thé state of thé art in burn pain management is based more on anecdotal evidence or institutional preferences than on a systematic approach based on a core of scientific data. However, recently acquired knowledge on post-burn hyperalgesia, central hyper excitability and alteration in opioid scnsitivity provides convincing evidence of thé importance of introducing vigorous analgesic treatment early in thé course of treatment of burn patients (preventive analgesia) and of using more than one treatment modality (multimodal analgesia). This concept of préventive/multimodal analgesia implies that a combination of drugs with différent mechanisms of action and applied at différent times along with non-pharmacological techniques to reduce stress and anxiety. In that sense, new therapeutic avenues need to be explored in hum patients. However, whatever thé therapeutic approach which is used, one cannot overemphasize thé importance of early initiation of effective pain management and maintenance of aggressive multimodal analgesic treatment to prevent and/or reduce thé adverse consequences of pain not only at thé psychological level but also at thé physiological, chemical and neuronal levels, what bas been recently called thé "nervous system memory of pain".
Key words : Pain - Treatment.