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A l'aube du nouveau millénaire, pour progresser, il est pertinent de revenir sur la somme des connaissances que nous avons acquises afin d'évaluer de façon critique celles que nous devons conserver car elles restent valides et celles que nous devrions abandonner car elles sont devenues obsolètes. Il n'est pas de domaine où cette attitude est plus nécessaire qu'en médecine. Agir en n'utilisant de façon routinière que ce qui a été enseigné comme si les Règles de l'Art n'évoluaient pas est toujours tentant. Mais de nouveaux développements dans les traitements médicaux se font jour qui souvent suivent des changements de la technologie. A la fin du XXème siècle, l'avancement de cette technologie a subi un cours accéléré, mais trop souvent, en dépit des progrès et de leurs conséquences dans la connaissance des causes des maladies, les traitements continuent à être dispensés en fonction des symptômes et non des causes. Au cours des dernières années un mouvement s'est développé sous le nom de «Évidence Based Medicine» («Médecine fondée sur les preuves»). Son objectif est de savoir si les pratiques en cours sur le plan thérapeutique sont fondées sur des bases scientifiques. Trop souvent un usage n'est que le reflet des attitudes enseignées par d'éminentes autorités à une époque passée. Il est possible que le respect et la loyauté envers un mentor obscurcisse l'esprit critique qui permettrait de remplacer un traitement fondé sur les connaissances dépassées se rapportant à une maladie par un autre fondé sur les acquisitions récentes. Il a été dit, cette pensée est attribuée à Max Planck, que les idées nouvelles n'étaient acceptées que lorsque leurs opposants avaient disparu. Afin de ne pas attendre une telle éventualité, il semble très pertinent dans une nouvelle revue médicale consacrée aux brûlures, que soit exposée l'évolution des recherches au cours des cinquante dernières années dans ce domaine, que soit examiné ce qui a été appris et les applications qui en ont été faites. Il s'agit là d'une méthode éclairée pour avancer au cours des cinquante prochaines années et même audelà.
Dans l'histoire de l'humanité, les guerres, malheureusement, ont permis un développement technologique sans précédent ; il en est de même en thérapeutique et en particulier dans le traitement des traumatismes. Lorsque l'on se réfère à la façon dont les brûlures étaient traitées avant la Seconde Guerre Mondiale et à celle dont elles le sont aujourd'hui, on ne peut qu'être frappé par l'ampleur des progrès, progrès qui ne sont pas liés au seul domaine du traitement des brûlures mais qui résultent aussi de la recherche médicale dans tous les domaines. Il a été avancé que les brûlures représentaient le traumatisme ultime (Montgomery 1979, Pruitt 1984) qui entraînait l'atteinte de tous les systèmes. Nous pouvons comprendre aujourd'hui qu'il s'agit d'un jugement superficiel fondé sur les apparences, mais ce point de vue a généré l'application chez les brûlés de toutes sortes de traitements dans le passé. Ainsi des éléments cruciaux en relation avec l'origine de la mort par brûlure ont été escamotés au profit d'autres de moindre importance mais cohérents avec les causes antérieurement retenues. La philosophie du traitement des brûlures qui s'est développée, énoncée par des autorités éminentes, a également promu le traitement ponctuel de nombreuses conséquences disparates et prôné le postulat selon lequel une issue favorable ne pouvait être atteinte que par une combinaison de thérapeutiques (Munster 1994). Cela implique de nombreux traitements visant de multiples cibles. Avancer à partir de ces données dans le nouveau millénaire, va demander le courage d'identifier et d'élucider ce qui est clairement important dans la mort des brûlés et ce qui n'a que des conséquences secondaires. Pour étayer notre compréhension du bilan, il est utile d'étudier comment l'évolution des traitements a généré de nouveaux problèmes devant être eux aussi résolus et comment en les résolvant un par un, nous en avons encore découvert de nouveaux.
Avant la Seconde Guerre Mondiale, le traitement substitutif était peu reconnu mais la mécanisation des moyens militaires, à l'origine d'un nombre croissant de victimes, a fait évoluer les pratiques. Néanmoins à ses débuts la réanimation liquidienne initiale a souvent été retardée et inadéquate (Pruitt 1984). Une décennie plus tard, une étude rétrospective circonstanciée des données des patients (âge, surface brûlée, profondeur des lésions) en corrélation avec la thérapeutique instituée a été menée dans un centre afin de déterminer quelles améliorations dans le traitement des brûlures pouvaient avoir un retentissement statistique sur la mortalité. Pour la période 1939-1947, il a été observé qu'il n'y avait pas de corrélation statistique entre la durée de survie et l'âge des patients. Cependant, pour la période 1948-1957, au cours de laquelle le traitement substitutif initial avait été instauré en routine, il apparaissait une corrélation montrant une survie plus longue chez les patients jeunes (Phillips et al. 1960).
Par contre il s'est avéré que la durée de survie était indépendante de l'étendue des brûlures (c'est à dire le pourcentage de la surface corporelle atteinte). Ce fait a été mis en évidence par les données suivantes. Au cours de la période 1948-1957, un groupe de patients atteints en moyenne sur 69% de la surface corporelle, a survécu en moyenne 9,7 jours alors qu'un groupe comparable sur le plan de l'âge, brûlé en moyenne sur une surface moins importante correspondant à 42 % de la surface corporelle, avait survécu 11,3 jours, la différence entre les deux délais de survie n'étant pas statistiquement significative. Au cours de la décennie précédente, époque à laquelle le traitement substitutif était peu utilisé, un groupe atteint en moyenne sur 68% de la surface corporelle avait survécu 5,9 jours et un groupe comparable atteint en moyenne sur seulement 45 %, 3, 8 jours : à nouveau la différence n'était pas significative. Ainsi quelle que soit la période concernée, il n'a pas été observé de corrélation statistiquement significative entre la durée de la survie avant la mort et l'étendue des lésions bien que ce délai ait été plus long dans le cadre des brûlures graves et massives pendant la seconde période (Phillips et al. 1960). En se référant uniquement à la surface atteinte en troisième degré et non plus à la surface brûlée totale, la profondeur de la brûlure a été statistiquement corrélée au délai de survie pendant la période 19391947. A contrario, pour la période suivante où le traitement substitutif initial était administré, cette corrélation n'a plus été retrouvée ; la relation étroite, entre le délai de survie et la profondeur des lésions avait disparu (Phillips et al. 1960).
Ainsi la réanimation liquidienne, tout en allongeant le délai avant la mort, a mis en évidence le rôle de l'âge sur la survie alors que celui de la profondeur était minime et n'a pas modifié le rôle de la surface totale brûlée sur la mortalité ultime. Une confirmation incontestable de ces données a été apportée par le désastre de Los Alfaques à la suite duquel il a été démontré que l'instauration du traitement initial chez un certain nombre de patients n'avait eu un rôle dans la survie qu'à court terme (Arturson 1981). Le pourcentage de survivants à deux mois a été identique que les patients aient reçu ou non une réanimation hydroélectrolytique précoce.
Une conclusion découle clairement de ces résultats le délai de survie sur lequel le traitement substitutif initial agit, n'a rien à voir avec la cause de la mort induite par brûlures mais est clairement corrélé au pourcentage de la surface corporelle brûlée à un âge donné. Ainsi, les avancées obtenues après la guerre dans la thérapeutique des brûlures ont seulement permis aux patients de survivre aux risques à court terme tels que le choc initial qui les aurait tué à l'époque précédente.
Avant que le traitement substitutif précoce ne soit utilisé en routine, la mort était due au choc initial et â l'insuffisance rénale. Ensuite, lorsque la réanimation initiale a allongé la durée de la survie, il est devenu évident que la fréquence des complications
Nouvelles perspectives dans le traitement des brûlés
pulmonaires augmentait ; ces dernières en relation avec la résorption de l'oedème devenaient la première cause de mortalité. Cette observation a conduit à étudier la composition des fluides et les effets des cristalloïdes et des colloïdes. Finalement il a été estimé que les complications pulmonaires avec pneumonies étaient le reflet du développement d'infections dévastatrices dont l'origine se trouvait au niveau des plaies infectées (Pruitt 1984). Ainsi l'infection a été considérée comme la première cause de mortalité chez les brûlés et la conséquence en a été de nouveaux développements des traitements antibiotiques. Avant la Seconde Guerre Mondiale, les solutions de nitrate d'argent avaient été utilisées comme topique antiseptique mais elles n'avaient pas été utilisées largement jusqu'à ce que le Pseudomonas au niveau des plaies ne devienne une source fréquente d'infection. L'utilisation prophylactique en routine de la solution de Nitrate d'argent à 0,5% contre le Pseudomonas a été introduite vers 1965 (Bull 1971). Le nitrate d'argent en se mélangeant avec les chlorides issues des plaies suppurantes noircissaient les literies et perturbaient la balance électrolytique des patients. La réduction des nitrates par les bactéries augmentait le risque de méthémoglobinémie. En même temps les escarres humides se transformaient en pourriture noirâtre et nauséabonde. La recherche de solutions de remplacement a amené à étudier le nitrate de cérium et les sels d'argent associés à la sulfadiazine. In vitro les tests contre de nombreuses bactéries montrèrent que l'action anti-microbienne de la sulfadiazine argentique était supérieure à celle du cérium. Ce produit est devenu le topique de choix bien que certains centres aient négligé d'admettre ce progrès et continué â utiliser le nitrate d'argent.
L'apparent déplacement, des « causes » de la mort chez le patient brûlé tel que nous l'avons observé au cours des 50 dernières années, nous indique que ces « causes » sont toutes les conséquences secondaires d'une cause première ; en fonction des circonstances, il arrive seulement qu'elles soient associées aux dernières phases de la vie. Le taux de mortalité s'est lentement amélioré durant cette période parallèlement au traitement de chaque cause associée à la mort. L'index de mortalité ou de survie est fondé sur la surface brûlée pour un groupe à un âge donné. Ainsi, si l'âge est ajouté au pourcentage de la surface corporelle brûlée, la somme, corrélée à la survie ou non du patient tonne une cour-
be en ogive. Une adaptation de ce concept a été appliquée par Baux (Baux 1961). Pour des groupes de patients chez lesquels la somme est identique, le taux de survie atteint 100% quand elle est basse et tombe à 0 quand elle est très élevée. Le taux de survie de 50 pour cent des patients, la LD 50, s'est décalée au cours des années parallèlement au traitement d'un premier symptôme puis d'un autre. Nous pouvons voir, qu'immédiatement après la seconde guerre mondiale, la LD 50 correspondait à une somme d'environ 80 (Bull and al. 1949). Cinq ans plus tard, avec le traitement devenu un peu plus performant de plus nombreuses conséquences des brûlures, la LD 50 a été portée à une somme autour de 83 (Bull and al. 1954). Après une période encore plus longue d'environ 17 ans, avec l'utilisation d'un arsenal technique sophistiqué permettant de traiter de nombreux symptômes allant du choc au sepsis, la LD 50 a atteint un chiffre proche de 92 (Bull 1971) (Figure 1). Le progrès a été ainsi explicité mais l'échec des tentatives pour traiter les patients très âgés, massivement atteints, avec une somme élevée, nous montre qu'il existe encore une méconnaissance de la cause fondamentale de la mort tardive après les brûlures.
En nous reportant une centaine d'années en arrière, nous voyons que les chercheurs en étaient arrivés à la conclusion que les brûlures induisaient en quelque sorte une toxicité qui était responsable de l'«Inflammation Interne» qui était observée. Bardeen l'a décrit dans un article sur la physiopathologie des brûlures publié en 1898 (Bardeen 1898).
Comme nous l'avons appris, le risque de mortalité atoujours été étroitement corrélé à la quantité de peau brûlée. Les progrès dans l'identification de la nature de la toxicité associée à l'« Inflammation Interne » n'ont pas été possibles avant qu'il soit compris que la peau seule en était la source : 1e travail de recherche qui a élucidé ce phénomène a été développé de la façon suivante. Des fragments de peau, prélevés sur des souris et isolés, ont été brûlés par du métal chaud sous des températures et des durées contrôlées.
Ces fragments de peau reposés sur les souris ont entraîné leur mort alors qu'aucune chaleur n'était appliquée sur les souris. Ces résultats montrent que la toxicité se situe uniquement au niveau de la peau brûlée.
En utilisant une barrière (compresses vaselinées) pour empêcher le contact du fragment de peau brûlée avec la plaie receveuse, ni toxicité, ni mortalité n'ont été observées. Cet effet indique que la toxicité provenant du morceau de peau brûlée avait été transférée dans l'expérience précédente.
Des homogénats de peau fraîche normale stérilisée, n'ont pas d'effet quand ils sont injectés en intra-péritonéal à la souris, alors que des homogénats stériles de peau brûlée sont létaux (Allgower et al. 1963). L'analyse de ces homogénats a mis en évidence que le facteur toxique se situait dans les fractions de haut poids moléculaire et avait la structure d'une lipoprotéine (Harder 1968 ; Allgower et al. 1968).
II a été montré qu'une injection, après stérilisation, de la lipoprotéine de haut poids moléculaire de la peau brûlée tuait des groupes de souris axéniques.
Il n'existait aucun signe de contamination (Schoenenberger et al 1971 ; Schoenenberger 1975), et il a donc été démontré pour la première fois que les effets spécifiques de la peau brûlée étaient distincts de l'infection.
Ainsi, alors les brûlés meurent dans un contexte de défaillance multiviscérale dont il est estimé qu'il est lié au sepsis, la supposition que le sepsis est la cause fondamentale de la mort n'a pas de fondement. Souvent, ce n'est pas un sepsis qui est observé mais un syndrome septique (Boue 1992 ; Bone 1993).
Nous ne progresserons pas si nous ne comprenons pas que le sepsis n'est pas nécessaire pour mourir dans les suites de brûlures et qu'il doit être consécutif à un événement plus primaire bien qu'en clinique le sepsis doive être traité de la façon la plus concrète s'il n'a pas été prévenu.
Aujourd'hui ce qui était baptisé «Inflammation Interne» est connu sous le nom de «Systemic Inflammatory Response» ou « Réponse Inflammatoire Systémique» (SIR). Il s'agit de la reconnaissance d'une dysrégulation de la réponse immunitaire qui devient chaotique après les brûlures, en raison du déclenchement d'une cascade incontrôlée de sécrétion des cytokines.
Le patient peut finir par se tuer lui-même en utilisant son propre système inflammatoire même en absence d'infection avérée.
De plus l'infection bactérienne des plaies n'est pas une cause nécessaire à l'existence du SIR car l'état inflammatoire peut persister même quand les lésions ne sont pas infectées (Demling et al. 1990).
Lorsque toutes les lésions sont excisées précocement, les perturbations inflammatoires tardives sont atténuées (Demling et al. 1990) mais si une partie des escarres est laissée en place le développement des répercussions tardives n'est pas diminué (Demling et al. 1988). Ainsi la mort tardive est liée à la persistance de la peau brûlée et n'est pas obligatoirement due à l'infection.
De la même façon, l'existence d'une endotoxinémie n'est pas obligatoire après les brûlures (Cone et al. 1997). Lorsqu'elle survient chez l'homme, l'administration intraveineuse de Polymyxine B qui se lie à l'endotoxine, peut réduire l'incidence des taux élevés (> lOpg/ml) de plus de 40 à 8 pour cent des patients ; cependant cette réduction très importante de la fréquence de l'endotoxinémie n'est pas accompagnée d'une diminution significative des taux de complications et de mortalité (Munster et al. 1989).
En outre la diminution de l'endotoxinémie n'a pas restauré la réaction lymphocytaire mixte qui est un bon reflet de la fonction des lymphocytes T (Munster et al. 1986).
De plus il n'a été constaté ni une diminution de la fréquence des sepsis, ni une chute des taux exceptionnellement élevés d'Interleukine (IL) 6 (Guo et al. 1990 ; Munster et al. 1993) et du récepteur de l'IL2 (IL2R) soluble (Xiao et al. 1988).
De la même façon, l'utilisation d'antisérum antiendotoxine de titre élevé a diminué le taux sanguin circulant d'endotoxine mais sans diminution significative de la mortalité (Jones 1995).
L'abaissement de l'endotoxinémie en prévenant la translocation bactérienne à partir du tube digestif n'a pas non plus permis de diminuer le taux de mortalité (Jones et al. 1990).
D'autre part l'endotoxine issue des plaies ne contribue pas dans une proportion importante à I'hypermétabolisme (Aulick et al. 1990). On est donc obligé de conclure que le rôle de l'endotoxine, après les brûlures, est moindre que celui qui lui avait été attribué auparavant.
Il a été découvert que la fraction toxique de haut poids moléculaire de la peau brûlée était un polymère de trois agrégats, comprenant chacun six sous-unités polypeptidiques différentes ayant des affinités pour les lipides. Elle a été dénommée Lipid Protein Complex (LPC). Le LPC a un poids moléculaire de trois millions ce quia démontré pour la première fois qu'un principe pathogène pouvait être issu d'une polymérisation de composés et non de leur catabolisme (Allgower et al. 1973).
Il a été montré que le LPC avait une affinité pour toutes les membranes cellulaires (Schoenenberger et al. 1975) et de ce fait avait un effet délétère sur de nombreux systèmes cellulaires dont le métabolisme hépatique (Scholmerich et al 1979) au travers des atteintes mitochonâriales et membranaires (Kremer et al. 1979). A des doses sublétales le LPC provoque une diminution de la résistance immunitaire chez les souris (Schoenenberger et al. 1975). Le sérum anti-LPC non seulement prévient les désordres métaboliques et immunitaires induits par l'injection de toxine, mais aussi ce qui est encore plus important, prévient la mort par brûlure thermique. Cette découverte souligne que la cascade d'événements anormaux observés après les brûlures est la conséquence du seul LPC. L'importance de la reconnaissance de cette découverte ne peut pas être sous-estimée lorsque l'on cherche à élucider les causes précoces de la «maladie tardive de la brûlure» en opposition avec tous les autres aspects plus tardifs associés avec la mort de façon circonstancielle.
Les travaux démontrant que la peau brûlée contenait un principe toxique ont été reconnus à l'occasion de la remise au Professeur M. Allgower de l'Evans Memorial Award par l'American Burn Association en 1971. Une telle perspective impliquait un changement radical dans la compréhension du traitement chirurgical, et avant tout que l'excision des escarres devait être pratiquée beaucoup plus tôt qu'il n'était admis auparavant pour supprimer la toxicité et empêcher que le LPC ne passe dans la circulation. La pratique des excisions précoces (avant la 72ème heure) a permis une augmentation significative de la survie des patients (Burke et al. 1974 ; Tompkins et al. 1986 ; Herndon et al. 1989). La LD 50 qui correspondait à une somme (âge + % de surface brûlée) de 83 en 1954 et 92 en 1971 a atteint 107,5 dans neuf centres aux USA (Sturdevant et al. 2001) (figure 2). Non seulement la survie a été améliorée mais encore il a été démontré chez l'animal que l'excision immédiate de la peau brûlée prévenait le développement de l'immunosuppression (Echinard et al. 1982 ; Hansbrough et al. 1983). Ainsi ces résultats confirmaient le rôle présumé du LPC contre les cellules de l'immunité in vivo.
Pendant des décennies il a été connu que les brûlures sévères étaient à l'origine d'une atteinte du système immunitaire, depuis les cellules hématopoïétiques jusqu'aux lymphocytes T matures actifs. Dés les premières heures après la brûlure, les cellules de la moelle osseuse chez l'animal sont le siège d'une désintégration tissulaire, d'une atteinte de la membrane cellulaire, et d'un retard de synthèse du DNA. De plus, le sérum prélevé à un stade précoce chez les animaux brûlés, a une action directe sur la croissance de la moelle osseuse ce qui montre que les dommages sont liés â des facteurs circulants (AskoSeljavaara 1975). Quand la brûlure a été excisée précocement, on évite complètement l'inhibition de la production de cellules de la moelle osseuse. Après un délai de quelques heures l'excision entraîne encore une amélioration de la réponse au niveau de la moelle si on la compare â l'absence complète d'excision (Asko-Seljavaara et al. 1976). C'est ainsi qu'il a été démontré que les perturbations de la prolifération médullaire provenaient de facteurs circulants dérivés de la peau brûlée. Ces phénomènes ont été confirmés par le fait que l'excision précoce à la fois chez la souris et le cobaye préserve les lymphocytes en particulier quand la peau brûlée est excisée (Echinard et al. 1982 ; Hansbrough et al. 1983). Des implants de peau brûlée, mais pas de foie brûlé, inhibent la fonction des lymphocytes T, ce qui démontre que seule la peau a la capacité de produire une substance suppressive quand elle est brûlée (Hansbrough et al. 1984).
De nombreux éléments on été acquis en observant le comportement des leucocytes circulants chez des patients brûlés. De nombreuses études ont été réalisées sur la production d'IL2 in vitro par les lymphocytes et sur l'expression membranaire de l'IL2R, sur l'activité des produits des macrophages comme l'ILl et les prostaglandines (Teodorczyk-Injeyan et al. 1987b) ainsi que sur la production des radicaux libres de l'oxygène consécutive à l'activation des polynucléaires neutrophiles (Dobke et al 1989). La plupart des fonctions des cellules immunocompétentes se sont avérées perturbées (Sparkes 1997a). Les expériences in vitro ont montré que les cellules des patients brûlés étaient incapables de fonctionner au niveau des cellules normales. Par exemple, après stimulation, les lymphocytes T des brûlés ne répondent ni par la production de grandes quantités d'IL2 (Teodorczyk-Injeyan et al. 1986) ni par une expression appropriée des récepteurs de l'IL2 à leur surface (Teodorczyk-Injeyan et al. 1987a). Cependant des paradoxes ont été rapidement relevés quand les preuves d'une activation immunitaire ont été retrouvées in vivo. Le sérum des patients contenait des taux très élevés d'IL2 (Teodorczyk-Injeyan et al. 1991a ; Teodorczyk-Injeyan et al. 1991b) et de récepteur soluble de l'IL2 (Teodorczyk-Injeyan et al. 1989a ; Teodorczyk-Injeyan et al. 1989b). Il contenait aussi des taux élevés d'ILl produite par les macrophages (Drost et al. 1993). Il a alors été observé que le LPC était à l'origine de la stimulation des polynucléaires (Heberer et al. 1982), de l'activation de la production d'IL1 par les macrophages (Monge et al. 1991) et de l'activation de lymphocytes quiescents accompagnée d'une production d'IL2 (Sparkes 1991). Cependant les polynucléaires activés de façon chronique par le LPC finissaient par s'épuiser (Allgower et al. 1984) et les lymphocytes qui étaient déjà activés (cellules dépendantes de l'IL2) étaient tués par l'exposition au LPC (Sparkes et al. 1990 ; Sparkes 1991). Un concept s'est développé selon lequel se produisait une activation systémique du compartiment lymphocytaire suivie d'une anergie post-brûlure, une incapacité généralisée des cellules T à répondre à une seconde stimulation après que leurs récepteurs (TCR) aient été stimulés une première fois. Il est apparu que ce modèle était celui de l'apoptose ou activation de la mort cellulaire programmée. L'existence du phénomène d'activation de la mort cellulaire programmée (Activation Induced Cell Death, AICD) a alors été démontrée chez les brûlés (Teodorczyk-Injeyan et al. 1995 ; Allgower et al. 1995).
Au cours de l'activation primaire par un antigène, le couplage entre le récepteur des cellules T et la voie de l'apoptose est fonctionnel ce qui rend la mort cellulaire possible quand un second stimulus survient (Russel et al. 1991). Il a été montré que le LPC polymérisé de la peau brûlée qui est connu pour avoir une affinité pour les membranes, se comportait comme un activateur des cellules quiescentes, provoquant la libération d'IL2, bien que le LPC puisse entrer en conflit avec un autre activateur de l'IL2 comme la PHA (Sparkes 1991). Le LPC se comporte comme s'il se liait à la surface cellulaire pour activer les TCR. Une fois activées les cellules ne se comportent plus en cellules quiescentes ; elles sécrètent de l'IL2 et répondent de façon totalement différente. Il est connu que l'IL2 est impliquée dans la programmation des cellules T vers l'apoptose c'est à dire en démasquant la voie de l'apoptose (Lenardo 1991). Ainsi les cellules activées qui sont IL2 dépendantes sont effectivement bloquées par le LPC quand il est utilisé comme stimulant (Sparkes et al. 1990 ; Sparkes 1991), ce qui est clairement le schéma d'une séquence apoptotique.
L'apoptose est retrouvée dans la plupart des cellules et en particulier dans les cellules de l'immunité et le foie. Le récepteur membranaire le plus communément retrouvé pour initier la cascade des événements du suicide cellulaire est le récepteur Fas. Le Fas fait partie de la famille Tumor Necrosis Factor (TNF) et le ligand de Fas présente une homologie de séquence avec les TNFs et (Suda et al. 1993). La principale caractéristique de ces ligands est qu'ils sont fonctionnels quand ils sont dans une conformation trimérique. Lorsqu'ils se lient au récepteur, ils trimérisent leurs récepteurs. Ainsi en cas de trimérisation du récepteur Fas, le signal de mort cellulaire est enclenché (Tschopp et al. 1998) et par conséquent le LPC qui est le produit d'une trimérisation de protéines membranaires agit probablement de cette façon. Dans la cellule, la partie «domaine de mort» du récepteur Fas va se lier avec une autre protéine, FADD, qui active ensuite des enzymes protéolytiques connues sous le nom de Caspases. La Caspase 8 active une protéine dénommée BID qui affecte la membrane mitochondriale et permet la libération du cytochrome Chinnaiyan et al. 1995 ; Han et al. 1999). Du potassium aussi est libéré, ce qui modifie le potentiel de membrane (Dallaporta et al. 1998). Les fonctions mitochondriales chutent alors avec une réduction du rapport ATP/ADP (Susin et al 1997) et le cytochrome C finit par activer la Caspase 3 qui conduit à la mort cellulaire irréversible (Bradham et al. 1998). Avec les effusions mitochondriales, survient une contraction des cellules et la dégradation protéolytique du cytosquelette et de la lamine nucléaire conduit à la vacuolisation des membranes cellulaires et à la condensation du noyau. Finalement le DNA est digéré en fragments par des endonucléases (Cohen 1993). Beaucoup de ces éléments ont été observés dans les travaux de recherche sur les brûlures avec le LPC bien avant qu'il soit devenu â la mode de parler d'apoptose. Par exemple, l'altération des mitochondries, sur le mode d'une vacuolisation induite par la brûlure, a été constatée en microscopie électronique à transmission sur le foie du rat prélevé cinq jours après la brûlure. Les lésions de la membrane externe des mitochondries qui libèrent, comme cela est avéré aujourd'hui, du cytochrome C et du potassium, ont été observées. Le même type de dégradation mitochondriale a été constaté après injection intra-péritonéale de LPC, de façon dose-dépendante jusqu'à 50mg chez le rat : une vacuolisation comparable est retrouvée sur le foie prélevé après cinq jours sans que les animaux aient été brûlés (Kremer et al. 1981). Des fuites à partir des hépatocytes du rat dont la membrane était endommagée ont été montrées par la mise en évidence d'une libération d'acides aminés au cours d'expériences de perfusion hépatique.
Des résultats rigoureusement identiques ont été retrouvés que les foies proviennent d'animaux brûlés ou chez lesquels du LPC avait été injecté (Kremer et al. 1981). De la même façon, il a été constaté sur la baisse du rapport ATP/ADP que la production d'énergie mitochondriale chutait après brûlure ou administration de LPC (Kremer et al. 1981).
La destruction des mitochondries et la dégradation protéolytique du cytosquelette, qui font partie du processus de la mort cellulaire, conduisent à une vacuolisation des membranes cellulaires et à la condensation du noyau. Le même type de destruction avec vacuolisation des cellules a été observé après incubation de cellules
hépatiques de rat avec du LPC pendant une heure seulement (Scholmerich et al. 1979). D'une part le délai de cinq jours ou plus qui s'écoule avant l'apparition des altérations mitochondriales, d'autre part la réponse dépendante de la dose, sont compatibles avec le rôle du LPC dans la «mort tardive» qui implique, comme nous pouvons aujourd'hui le comprendre, la mort cellulaire par apoptose et qui est en outre directement corrélée à la quantité de peau brûlée, c'est à dire à l'étendue des lésions.
A partir de ces constatations de dégradation cellulaire sous l'effet des brûlures ou du LPC, nous pouvons affirmer que la brûlure du plus grand organe immunitaire est à l'origine de la trimérisation d'un Complexe Lipo-Protéique qui lui-même présente toutes les caractéristiques d'un initiateur de la cascade de la mort cellulaire programmée.
Il est donc impératif que la substance toxique contenue dans la peau brûlée soit éliminée soit par excision chirurgicale soit par neutralisation très rapidement après la brûlure.
Il y a près de trente ans, à l'époque où de nouveaux topiques anti-infectieux étaient étudiés pour remplacer le nitrate d'agent, l'utilisation du nitrate de cérium avait été envisagée. Selon les tests in vitro, les meilleurs résultats étaient obtenus avec la sulfadiazine argentique. Cependant, en clinique, des taux de survie supérieurs à ceux qui étaient attendus ont été retrouvés avec l'utilisation de nitrate de cérium (Monafo et al. 1976 ; Monafo et al. 1978). Peu après, il a été découvert que le cérium présentait une forte affinité pour le LPC de la peau brûlée (Kremer et al. 1981) puis qu'il neutralisait le principe toxique dans des fragments de peau brûlée (Schoenenberger et al. 1981 ; Kistler et al. 1990). Ce métal trivalent fixait et dénaturait les lipoprotéines les rendant insolubles et incapables de migrer dans la circulation à partir des escarres. De ce fait le traitement immédiat des brûlés par un bain de nitrate de cérium a été institué dans un centre, ce quia permis la survie de patients âgés dont le pronostic vital était très péjoratif (Scheidegger et al. 1992). Le taux de survie avec l'utilisation du cérium est remarquable quand on le compare à celui obtenu avec les traitements standards au cours des cinquante dernières années (figure 3). Chez la souris, l'application locale de cérium a la même action que l'excision immédiate dans la prévention du développement tardif de la déficience du système immunitaire (Hansbrough et al. 1984 ; Peterson et al. 1985). Chez les patients brûlés, après l'addition de nitrate de cérium dans les bains à l'admission, la réponse des lymphocytes T est très améliorée (Sparkes 1993 ; Allgower et al. 1995). Les études cliniques montrent une diminution des coûts des traitements (Griffe et al. 1996) et une tendance à l'abaissement de la mortalité (de Gracia 2001).De ce fait l'utilisation de cérium lors de bains ou sous forme d'application de crème a été hautement recommandée (Sparkes 1997b).
<% immagine "Fig. 3","gr0000004.gif","Le taux de survie des grands brûlés de 1949 (Bull & Squire 1949) de 1954 (Bull & Fisher 1954) et de 1971 (Bull 1977),et le taux moyen à 9 centres de grands bridés aux Etats-Unis 1994-1999.",230 %>Aujourd'hui avec les connaissances que nous avons acquises sur les causes du SIR et les perturbations métaboliques associées qui tuent les patients sévèrement brûlés, nous sommes libérés du dogme selon lequel le sepsis est le principal responsable et nous pouvons appliquer un traitement plus approprié pour éviter la «mort tardive». Les recherches qui se poursuivent sur le LPC et ses effets péjoratifs suggérant qu'il s'agit d'un agrégat de protéines de choc thermique ou Heat Shock Proteins (HSPs) et de protéines impliquées dans la présentation de l'antigène (Sparkes 1991 ; Allgower et al. 1995). L'action du LPC observée en ultrastructure cellulaire avec les atteintes mitochondriales et la vacuolisation de la membrane, est désormais reconnue comme une voie d'activation de la mort cellulaire programmée. Actuellement cette mort cellulaire programmée et l'implication des HSPs font partie des plus prometteurs domaines de recherche sur les brûlures au début du XXIème siècle.
The authors are extremely grateful to Dr Christine Dhennin for such an excellent and diligent translation of the original English text. Christine Dhennin remercie chaleureusement le Dr Hervé Wattier d'avoir bien voulu relire et annoter le manuscrit francais