<% vol = 2 number = 2 nextlink = 94 titolo = "L'EXPANSION CUTANÉE" data_pubblicazione = "Septembre 2001" header titolo %>

SERGE BAUX

Clinique Geoffroy Saint Hilaire, 59 rue Geoffroy Saint Hilaire, Paris 75005


RÉSUMÉ.La technique de l'expansion cutanée est décrite de façon précise avec la discussion de certains points particuliers. Les complications sont analysées ainsi que leur rapport avec certaines variables. Les indications sont discutées en fonction de la taille des lésions et de la taille des expansions successives. Enfin, sont envisagés les problèmes biologiques concernant les variations des épaisseurs des différentes couches de la peau et du rôle de la capsule dans la vascularisation.


Mots clés : expansion cutanée - séquelles de brûlures.


HISTORIQUE

L'expansion cutanée est devenue depuis quelques années un procédé incontournable de chirurgie plastique mais la chirurgie ne s'en est emparé que dans le dernier quart du siècle.

Il y avait cependant des antécédents puisqu'il semble que Celsius [1] ait utilisé l'étirement de la peau pour rapprocher les berges des plaies à l'époque romaine. Il y avait aussi des analogies

allongement des fémurs par extension continue en 1905 par Codivilla [2] ;

pneumo péritoine pour fermer plus aisément les éventrations en 1947 par Gori-Moreno [3].

Mais en fait la lé" expansion cutanée par un ballon sous-cutané gonflé progressivement à l'air fut l'muvre de Neuman [4], chirurgien israélien, en 1957 pour une reconstruction d'oreille. L'appareillage un peu trop artisanal ne favorisa pas la diffusion de la technique et il fallu attendre qu'aux États-Unis, Radovan [5] reprenne le procédé avec des expandeurs en silicone gonflés au sérum grâce à une valve sous-cutanée d'abord pour une ablation de tatouage, puis plus largement pour des reconstructions mammaires.

En 1983, l'expansion cutanée a été introduite en France. De nombreuses publications d'auteurs français ont vu le jour depuis dont un excellent livre de Magalon. [6]. On ne peut qu'être étonné qu'il ait fallu attendre si longtemps pour utiliser une propriété évidente de la peau: sa possibilité d'expansion.

Le développement de certaines tumeurs, par exemple des lipomes monstrueux, le démontrait clairement; de même elle était mise à profit dans certaines ethnies pour des modifications morphologiques culturelles: lèvres à plateaux, femmesgirafes. Enfin encore plus simplement et plus journellement, la grossesse en témoigne à l'évidence.

LES PROBLÈMES TECHNIQUES

L'expansion cutanée comporte 3 temps: mise en place de l'expandeur, gonflage, utilisation de l'excédent cutané obtenu.


1° le 1" temps opératoire: mise en place de l'expandeur


a/ l'incision


Sa place, son orientation, sa taille sont discutées. En effet, elle peut être perpendiculaire ou parallèle à la lésion et dans ce cas intra-lésionnelle, en peau saine ou à la limite entre les deux. Deux impératifs s'opposent:

Les incisions perpendiculaires sont pour certains les plus sûres mais aussi les plus difficilement utilisables dans le 2"- temps.

Les incisions parallèles ont les caractéristiques inverses; intra-lésionnelles, elles disparaîtront avec la lésion mais les risques de désunion sont au maximum, en peau saine, elles sont beaucoup plus sûres mais font perdre du tissu dans la reconstruction ; le compromis le meilleur est bien souvent d'être à la limite, légèrement du côté sain.

La taille de l'incision oppose les tenants d'une incision courte qui aurait l'avantage d'une plus grande sécurité et d'être plus facile à dissimuler dans le second temps et ceux d'une incision longue qui permet une dissection plus facile de la loge destinée à la prothèse avec éventuellement des hémostases possibles et un positionnement plus aisé de la prothèse et de son étalement.


b / la prothèse


Le premier problème est le choix judicieux de la ou des prothèses en fonction des lésions à exciser et du projet de réparation. Les fabricants offrent une gamme étendue de formes et de volumes (fig. 1).

Les volumes courants vont de SOcc à 1000cc; on a intérêt à préférer le volume maximum possible car l'excès tissulaire obtenu est souvent moindre qu'on l'avait espéré. II faut aussi se souvenir que le gonflage peut dépasser les volumes indiqués: in vitro, nous avons atteint jusqu'à 3 fois le volume mentionné sans rupture. Il n'est pas prudent, cependant, d'aller aussi loin. Il faut aussi savoir que plus on dépasse les normes indiquées et plus la forme tend à la sphéricité.

Les formes les plus habituelles sont rondes, en goutte d'eau, en croissant et surtout rectangulaires avec la valve implantée sur le petit côté ou le grand (modèle S. B) (fig. 2).

Mais il est possible de faire faire des prothèses sur mesure pour s'adapter aux cas particuliers.

Manders [7] a aussi conçu une prothèse dite différentielle dont l'expansion est asymétrique en rapport avec des épaisseurs variables des parois.

Le type de valve (fig. 3) est aussi à discuter: tout le monde ou presque, est d'accord pour renoncer aux valves incorporées, utilisées au début, car, par leur siège sur la prothèse, elles exposent au risque de la percer lors du remplissage et par leur saillie entraînent des menaces de nécrose au fur et à mesure que la prothèse se distend. Les valves à distance sont donc la règle. Elles peuvent être laissées sous la peau et alors dans une loge séparée de celle de la prothèse ou mises en externe ce qui facilite le gonflage surtout si on remplace la valve par un raccord de remplissage (fig. 4) ou un robinet à 3 voies Cette solution ne semble pas augmenter les risques septiques. Néanmoins, personnellement, nous préférons laisser le patient sous antibiothérapie pendant toute la durée du gonflage.

Quant aux prothèses auto gonflables par différence osmotique astucieusement imaginées par Austad [8], pour éviter les ennuis du gonflage itératif, elles ont été abandonnées car peu contrôlables.


<% immagine "Fig. 1","gr0000001.jpg","Différents modèles de prothèses d'expansion",230 %> <% immagine "Fig. 2","gr0000002.jpg","Prothèse d'expansion type S.B. avec la valve sur le grand côte",230 %>
<% immagine "Fig. 3","gr0000003.jpg","Gûlvc à dislunce et valve incorporée",230 %> <% immagine "Fig. 4","gr0000004.jpg","Raccord pour valve externe",230 %>

c/ la dissection de la loge


La loge est disséquée avec douceur en évitant de traumatiser la peau soulevée. On utilise des ciseaux longs à bouts mousses introduits fermés et que l'on ouvre. On peut aussi s'aider de bougies ou d'un dissecteur spécialement construit à bouts ronds que l'on écarte, de crochets type crochet de Lambotte pour rompre les brides que l'on peut aussi sectionner aux ciseaux. Le doigt constitue bien souvent l'instrument idéal car sensible et peu traumatique.

Cette dissection doit être large dépassant la surface de la prothèse. Avant d'introduire celle-ci, un lavage à la polyvidone iodée est de mise et aussi l'hémostase par compression par un champ tassé dans le décollement durant quelques minutes.

L'absence de saignement est vérifiée et au besoin des coagulations sont faites. C'est pour les permettre que nous préférons les grandes incisions avec, entre autres avantages, notamment, celui d'éviter toute traction exagérée par les écarteurs sur les berges, facteur de nécrose.


d/ la mise en place de la prothèse


L'étalement de la prothèse doit être parfait sans aucun pli ; un gonflage avant la fermeture permet de le vérifier. Il est bon de laisser 10 % de sérum dans la prothèse.

La valve, doit, on l'a dit, être mise dans une loge séparée ou si externe sortir à distance ce qui est facile avec les alênes fournies par les laboratoires. Nous faisons volontiers sortir la valve au niveau de la lésion pour éviter toute effraction de la peau saine.

e/ fermeture et drainage



La fermeture cutanée est exécutée en deux plans: fils résorbables sous-cutanés, nylon sur la peau; dans la mesure du possible, on aura fermé la loge en suturant les plans profonds de façon à séparer prothèse et suture cutanée. Un drain de Redon a été mis en place.


f/ soins post-opératoires


Les fils seront laissés en place au moins 10 jours de façon à être sûr de la cicatrisation. Il n'y a pas à craindre qu'ils marquent puisque de toute façon la cicatrice (lorsqu'elle est à la jonction lésion-peau saine) disparaîtra lors du 2è'°etemps.

Le Redon est maintenu jusqu'à ce qu'il donne moins de 15cc par jour. La veille du jour prévu pour son ablation, on a intérêt à injecter 1/l0è'°e du volume pour que la prothèse occupe toute la poche sans laisser d'espace mort où s'accumuleraient les suintements.

Cette manoeuvre est à faire aussi lorsque le drain donne trop pendant trop longtemps.


2° le gonflage


Il est plus ou moins aisé selon la position de la valve. Si elle est sous-cutanée (fig. 5), il faut la repérer au palper ce qui est parfois plus difficile qu'on pourrait le croire (certaines zones, pannicule adipeux important) et la piquer à travers la peau (la douleur est légère mais parfois mal supportée surtout chez les enfants), Si elle est externe, le geste est plus facile et encore plus si elle a été remplacée par un raccord où s'adapte la seringue (fig. 6) ou un robinet à 3 voies qui peut servir pour deux prothèses voisines.

Le volume injecté à chaque gonflage est en principe égal au 1/l0è"' de la capacité de l'expandeur, mais en fait on se laisse guider par la couleur de la peau qui ne doit pas blanchir, la tension au palper et la douleur ressentie par le patient.

Il est souvent possible d'être au dessus du chiffre théorique au début. Le rythme est variable et doit être adapté en fonction de la facilité d'injection et des désirs des malades. En règle générale, il varie entre deux fois par semaine et trois fois tous les 15 jours. Mais il nous arrive d'accélérer la fréquence ou au contraire de la ralentir ; il nous est même arrivé une fois de s'arrêter plus d'un mois à cause d'un voyage du patient.

On a aussi parlé de l'éventualité d'injection continue lente par seringue électrique.

Nous l'avons essayé sans avoir été convaincus. Outre le fait que la méthode nécessite une hospitalisation et une surveillance étroite, il n'est pas sûr que la rapidité de l'expansion n'expose pas à une plus grande rétraction secondaire des lambeaux et que le résultat final soit moins satisfaisant.

Certains auteurs, en particulier néerlandais, conseillent au contraire une lenteur extrême avec une période d'attente au gonflage maximum désiré d'une durée d'un mois, le délai entre les deux temps opératoire atteignant 3 à 4 mois. Cette patience, possible peut-être chez des Anglo-Saxons ou des Nordiques, nous semble difficile à faire accepter par nos Latins où un mois et demi à deux mois semblent un maximum.

Quant au gonflage à l'air que nous avons essayé de reprendre, comme dans la première expérience de Neuman, il ne nous est pas apparu aussi fiable et exempt de fuite que le remplissage au sérum. Malgré son avantage de plus grande légèreté, nous n'avons pas généralisé cette méthode.

Au total donc la durée moyenne de nos gonflages est de 45 jours et le volume total légèrement supérieur au volume théorique.


<% immagine "Fig. 5","gr0000005.jpg","GonJlugc d'une vcrlvc .sou.s-ctrlurtce",230 %> <% immagine "Fig. 6","gr0000006.jpg","valve externe: le dispositif peut être remplacé par un robinet â 3 voies",230 %>

3° le 2è- temps opératoire : utilisation de la peau expansée


Ce 2e- temps dépend à l'évidence du plan prévu. La peau en excès peut être utilisée de façon variée. Le plus souvent elle va servir sous forme de lambeau local et même majoritairement de lambeau d'avancement ce qui est le plus simple mais pourtant constitue le gain de surface le moins important. Des effets de rotation ou de transposition améliorent la performance mais au prix de conceptions plus complexes et peut-être avec un peu plus de risques. Elle a aussi servie à confectionner des lambeaux à distance, comme le lambeau hétéro-brachial de Colson (Baux) [9] ou le lambeau de cuir chevelu de Dufourmentel (Mimoun) [10] et aussi, mais plus exceptionnellement, à préparer des lambeaux libres.

Enfin elle a été très employée pour permettre la prise de surface étendue de greffe de peau totale, notamment par J. L Foyatier (11) et son équipe. Les seuls points particuliers de ce temps où lambeaux et greffes de peau totale n'ont rien de spécial, sont la conduite à tenir vis à vis de la prothèse et vis à vis de la membrane d'exclusion. La prothèse ou les prothèses sont systématiquement dégonflées avant de mettre les champs et les tuyaux coupés au ras en cas de valves externes. Si les valves sont souscutanées, dès la peau incisée on aborde l'expandeur au bistouri électrique pour éviter de le percer et d'inonder le champ,opératoire.

Quant à la membrane d'exclusion, nous reviendrons plus loin sur ses propriétés, mais disons tout de suite qu'il ne nous semble pas raisonnable de l'exciser en totalité, plus à cause des risques de saignements abondants, que pour la préservation de la sécurité vasculaire. Par contre il est tout à fait licite de l'inciser pour faciliter l'étalement du lambeau.

LES COMPLICATIONS

Au cours de ce périple, des complications sont possibles et malheureusement pas rares.

On peut grouper celles qui surviennent après le fer temps et durant le gonflage, c'est à dire durant la période où la prothèse est en place et où on court le risque majeur: le retrait de la prothèse et l'abandon du processus.

Ces complications majeures sont la suppuration, la désunion cicatricielle et la nécrose bien souvent associées. Elles aboutissent le plus souvent, comme on vient de le dire, à la dépose de l'expandeur et donc à l'échec total. (fig. 7)

Dans notre série, le taux d'échecs complets est de 7 %, plutôt inférieur aux autres grandes séries publiées: Antonyshyn, 1988, 17 % [12]Zoltie 1990, 11 %, [13]

Ce taux important est sans corrélation avec l'âge du patient. La nature de la lésion traitée n'a pas non plus de signification et nous avons été un peu étonnés de trouver des chiffres identiques chez les brûlés et les autres étiologies traitées (traumatismes, noevus, tatouages, etc..).

Par contre, la localisation de l'expansion a une certaine influence et certaines régions apparaissent plus à risque: le cou par exemple, les membres inférieurs et dans l'ensemble les localisations distales plus que les proximales.

Les valves incorporées comportent, comme on l'a déjà dit, un taux de complications rédhibitoire qui a conduit à leur abandon. Surtout, il apparaît que le nombre de complications est étroitement corrélé avec l'expérience de l'opérateur. Quoiqu'il en soit, il faut bien dire que complication n'égale pas fatalité d'échec. Si les ennuis apparaissent seulement en fin de gonflage, celui-ci peut être rapidement terminé pour avoir une expansion suffisante et réaliser au moins partiellement le projet.

Survenant en début de remplissage, on peut tenter un changement de prothèse avec nettoyage et lavage de 1a loge quia quelques chances de succès. De plus, il faut insister sur la prophylaxie par éradication préalable des zones infectées; par exemple, le traitement de certaines grosses cicatrices hypertrophiques comportant des pertuis purulents contenant des poils enfouis ne doit pas être entrepris d'emblée, mieux vaut faire une exérèse suivie de greffe mince temporaire que l'on pourra traiter ultérieurement par expansion en toute sécurité.

A coté de ces complications majeures, il faut citer l'hématome que doivent éviter l'hémostase et le drainage mais qui peut être à l'origine des précédentes.

Les douleurs lors des injections, les difficultés psychologiques liées à la présence des corps étrangers et aux déformations qu'ils engendrent sont en général assez facilement surmontés.

Plus ennuyeux est le développement rapide d'une coque dure par hypertrophie de la membrane d'exclusion. L'expansion devient de plus en plus difficile et douloureuse et on n'arrive pas à atteindre le but recherché. Pour éviter ce problème, certains ont préconisé l'usage de prothèses texturées ; si de nombreux articles corroborent cette opinion en ce qui concerne les implants mammaires, rien n'a été démontré pour les expandeurs.

Par contre, il semble que l'expansion précoce et relativement rapide a tendance à maintenir la minceur de la membrane d'exclusion (Marks) [14].

Le 2""'e temps opératoire n'est pas exempt de complications identiques: hématomes, infection, désunion, nécrose qui peuvent altérer le résultat mais sans jamais le compromettre totalement car il s'agit toujours de lésions partielles. Plus particuliers sont les problèmes d'évolution cicatricielle, plus souvent par élargissement en rapport avec un certain degré de rétraction du lambeau, que par hypertrophie.

Également il faut signaler la possibilité de déformation du sous-sol, au niveau du crâne chez l'enfant notamment, mais aussi ailleurs (fig.8).

Au total, il faut insister sur le fait qu'évolution compliquée n'équivaut pas fatalement à un mauvais résultat et qu'inversement une évolution simple peut ne donner qu'un résultat médiocre, si le plan initial a été mal conçu. Dans notre série (Levan [15], 14 des cas appartiennent à la première catégorie et 6 à la seconde. C'est dire combien est importante la discussion des indications.

<% immagine "Fig. 7","gr0000007.jpg","Nécrose avec extrusion de l'expandeur; on peut noter une faute technique l'expliquant: La valve bien que non incorporée est venue se placer au dessus de la prothèse provoquant un excès de pression localisé de plusen plus important avec les gonflages successifs",230 %> <% immagine "Fig. 8","gr0000008.jpg","Déformation persistante du galbe de la cuisse après ablation d'un ncevus géant avec expansion préalable importante",230 %>

LES INDICATIONS

L'expansion cutanée a de nombreuses indications en dehors des séquelles de brûlures.

Nous ne ferons que les citer: reconstructions mammaires, calvitie, ablation de tatouages, de noevus géants et autres tumeurs, placards cicatriciels traumatiques autres que les brûlures, pertes de substances non cicatrisées, etc.

Les séquelles de brûlures sont l'indication qui nous intéresse ici. Elles représentent un pourcentage variable des expansions, dépendant essentiellement de l'orientation des services. Le point le plus important est d'établir un plan précis.

Celui-ci doit commencer par le 2è"'e temps opératoire. Quelle sera l'étendue de l'exérèse cicatricielle et quelle sorte de tissu va être mise à nue?

C'est en fonction de ce but, bien défini, que seront précisées les modalités du 1 er temps chirurgical: la mise en place des prothèses. La forme et le volume doivent aussi tenir compte de l'endroit où l'expandeur sera posé.

Très souvent, on aura intérêt à utiliser deux, voire trois expandeurs placés de part et d'autre de la lésion à traiter de manière à exploiter au mieux la peau saine environnante. De même, il peut être envisagé de traiter dans le même temps plusieurs sites. C'est ainsi que le nombre de prothèses mises par intervention est variable, allant dans notre expérience de un à sept, avec une moyenne de 2,5 prothèses par opération. Dans plus de la moitié des cas, il a été posé plus d'une prothèse par intervention, même si comme dans 70 % des cas une seule lésion été traitée.

Souvent l'importance des séquelles est telle qu'on ne peut envisager de tout traiter dans la même séquence, soit parce que le placard cicatriciel est trop étendu et la peau saine avoisinante trop peu abondante, il faut alors prévoir des expansions itératives, soit parce que les sites à traiter sont trop nombreux et qu'il ne serait pas raisonnable de multiplier exagérément le nombre de prothèses. Certains n'hésitent pas à faire succéder la deuxième expansion immédiatement à la première, même s'il s'agit du même site, allant même jusqu'à se contenter de dégonfler la prothèse et de la réutiliser dans la foulée. Ceci ne nous a jamais paru très raisonnable et il vaut mieux, nous semble-t-il séparer les deux temps de six mois environ.

La quasi totalité des patients porteurs de séquelles de brûlures ont été assez motivés pour suivre le programme proposé et se soumettre aux expansions itératives.

Celles-ci sont d'autant plus utilisées que le traitement est nettement plus aisé si les lésions ne sont pas trop étendues, ce qui pousse quelques fois à préférer deux expansions successives de moyenne importance à une expansion unique mais plus considérable.

A l'inverse, les très petites lésions ne sont pas du ressort de l'expansion. On peut considérer que la limite est constituée par celles extirpables en deux, voire trois excision-sutures.

Au total, chez le brûlé, les meilleures indications sont au niveau du thorax et de la racine des membres ainsi que le crâne et même la face. Il faut être un peu plus réservé sur les extrémités distales. Au niveau de l'abdomen, l'absence d'un sous-sol dur ne favorise pas l'expansion mais ne la contre-indique pas; il en est de même du cou où cependant les problèmes de souffrance cutanée sont fréquents.

LES PROBLÈMES BIOLOGIQUES

Nous n'avons jusqu'ici abordé que les problèmes techniques et cliniques.

Les modifications biologiques des tissus expansés ont, bien entendu, été largement étudiées aussi bien chez l'homme qu'expérimentalement chez l'animal avec d'ailleurs des résultats concordants.

La biomécanique cutanée a été étudiée par de nombreux auteurs, parmi lesquels on peut citer

Brown [16], Haut [17], Gibson. [18]...

II existe une extensibilité cutanée, qui est la propriété de la peau de se laisser distendre lorsqu'on applique une force de traction. Cette élongation évolue en trois phases

1è" phase correspondant à un élargissement des espaces inter-cellulaires et un aplatissement des ondulations de la jonction dermo-épidermique et où l'élongation est rapide pour une faible augmentation de tension.

2ème phase où les kératinocytes deviennent de forme ellipsoïdale, les follicules pileux s'allongent et les fibres dermiques s'orientent de façon linéaire; la courbe s'infléchit et il faut une augmentation plus grande de la tension pour obtenir une moindre élongation.

3"" phase où le phénomène s'accentue, les fibres collagènes deviennent rectilignes et s'approchent de leur point de rupture (correspondant aux vergetures).

L'ensemble de la courbe d'élongation en fonction de la tension a un aspect exponentiel qui traduit bien la diminution de la réponse de la peau à l'augmentation de la tension (schéma 1).

<% immagine "Schèma 1","gr0000009.jpg","courbe tension-élongation (d'après Brown 1973)",230 %>

Mais la peau est aussi dotée d'une viscoélasticité qui se traduit par la propriété de reprendre sa forme initiale sous l'action du réseau des fibres d'élastine, lorsque cesse la tension.

Cependant ce retour n'est pas toujours complet (comme le déplore bien des femmes après une grossesse). On parle d'extension résiduelle après une extension de courte durée. Elle est variable selon les régions, de relaxation ou d'expansion lorsque la force a été appliquée pendant une durée prolongée. Elle est toujours plus marquée que la précédente.

Les modifications tissulaires au cours de l'expansion ont été abondamment étudiées et rapportées, en particulier par Pasyk [19] et Johnson [20].

Elles portent en premier lieu sur l'épiderme et le derme.

Au cours de l'expansion, l'épiderme s'épaissit. Il se produit une ondulation de la membrane basale, une augmentation des tonofilaments au sein du cytoplasme des cellules de la couche basale et une réduction des espaces intercellulaires d'une façon globale dans toutes les couches. Ces modifications seraient en rapport avec une augmentation de l'activité mitotique.

Au niveau du derme, il y a une diminution globale de l'épaisseur, d'abord rapide puis plus lente au cours du gonflage; le nombre des fibroblastes augmente et des myofibroblastes apparaissent. Les fibres collagènes se multiplient et se modifient, des témoignages d'une activité métabolique accrue sont constatés.

Le tissu adipeux sous-cutané diminue de 30 à 50 mais il n'y a pas de nécrose graisseuse

Deux ans après l'expansion, la peau retrouve son aspect normal avec des proportions des différentes couches analogues à l'état antérieur (Pazyk) [21].

Durant l'expansion y-a t'il eu véritablement une multiplication cellulaire et le procédé s'est-il comporté réellement, selon l'expression de Mimoun, comme une « usine à peau » ?

Il semble bien que l'augmentation de la pression lors de chaque gonflage entraîne une baisse du niveau d'oxygène tissulaire qui se normalisera en 48 à 72 heures, ces variations, en même temps que leur influence sur la néo-angiogenèse, (nous y reviendrons), détermineraient un accroissement de l'activité mitotique et de la synthèse du collagène, selon le schéma suivant: l'augmentation de la pression produite par le gonflage lèverait les inhibitions de la multiplication cellulaire, en particulier au niveau de la basale ; cette explosion mitotique en même temps que les autres phénomènes physiques et le développement collagénique contribuerait à normaliser peu à peu la pression et à faire cesser le processus qui serait susceptible de se renouveler si on reprend l'expansion.

En même temps que ces modifications cutanées, l'organisme isole la prothèse, comme tout corps étranger par une membrane d'exclusion, simple tissu de granulation au début qui petit à petit s'épaissit par production de fibres collagènes par les fibroblastes et les myofibroblastes présents.

L'épaisseur moyenne de cette membrane est de 347 mm (Pazyk) [22] mais elle peut être plus fine ou plus épaisse, d'où les appellations différentes è capsule ou coque. Si elle reste mince, elle se laisse facilement expandre, si elle s'épaissit, elle peut, au contraire, constituer une difficulté parfois considérable au gonflage ; dans ces cas, on la sent très bien sous la peau qui reste libre et glisse sur elle. Dans les causes de ce développement excessif, on incrimine l'hématome, l'infection larvée, des facteurs immunologiques, En fait, comme pour les prothèses mammaires, l'étiologie demeure mal connue. Mais, quoiqu'il en soit, qu'il s'agisse de membrane, de capsule ou de coque, elles disparaissent en deux ans après la dépose de la prothèse, comme l'a montré Pazyk [22] et comme nous l'avons constatés avec les lambeaux de Colson expandés. [9]

Par contre, la question cruciale qui se pose est le rôle de cette membrane dans la vascularisation de la peau expansée sus-jacente. En effet, elle constitue une gêne certaine à l'étalement des lambeaux et ce d'autant plus qu'elle est épaisse. Peut-on l'exciser ou tout le moins l'inciser sans compromettre la survie du lambeau?

Dès le début, il existe une angiogenèse rapide avec une augmentation importante du nombre de vaisseaux localisés à la jonction capsule-tissus cutanés du sujet; ces vaisseaux semblent communiquer avec ceux du derme sus-jacent. On a pu voir là la raison de la viabilité plus grande des lambeaux expansés. Cependant le diamètre des artères dans le tissu expansé est plutôt diminué (Stark) [23].

On observe immédiatement après gonflage une diminution du flux sanguin cutané avec retour rapide à la normale et à l'inverse une augmentation après dégonflage qui met 6 jours pour revenir aux taux initiaux.

Les données de la littérature concordent pour affirmer une augmentation du débit sanguin dans les lambeaux expansés quelque soit la méthode d'étude (vélocimétrie, doppler, mesure de la P02 cutanée) ; mais augmentation du débit n'est pas synonyme d'augmentation de la perfusion tissulaire. Des études directe au Thallium montrent peu de modifications de la perfusion dans les tissus expansés par rapport aux tissus sains (P. Kuntz) [24].

Au total, il semble que l'on puisse considérer l'effet de l'expansion des lambeaux comme identique à celui d'une autonomisation, jouant essentiellement par un phénomène analogue au « delay phenomenon ».

Quant à la conduite à tenir vis à vis de la capsule, on oit rester prudent dans son excision car siégeant ans le secteur le mieux vascularisé, elle risque 'être très hémorragique;

Par contre, il semble que l'on puisse l'inciser sans gros danger.

<% immagine "Fig. 9/a","gr0000010.jpg","a/placard cicatriciel de brûlure de la face interne du bras mesurant 16 cm sur 7 cm",230 %> <% immagine "Fig. 10/a","gr0000013.jpg","a/ cicatrice de la fàce interne du coude entraînant un déficit d'extension de 30° environ",230 %>
<% immagine "Fig. 9/b","gr0000011.jpg","b/ expansion par deux prothèses: noter le robinet à 3 voies permettant le gonflage des deux prothèses",230 %> <% immagine "Fig. 10/b","gr0000014.jpg","b/expansion par deux prothèses",230 %>
<% immagine "Fig. 9/c","gr0000012.jpg","c/ résultat précoce",230 %> <% immagine "Fig. 10/c","gr0000015.jpg","c/ résultat à distance",230 %>

CONCLUSION

Même s'il reste des questions à propos de la physiopathologie des tissus expansés, même s'il reste des divergences sur certains points de technique, même si le taux de complications est loin d'être négligeable, l'expansion cutanée est un procédé d'un intérêt énorme dans l'arsenal de la chirurgie plastique et en particulier dans le traitement des séquelles de brûlures permettant de s'attaquer à des problèmes encore insolubles il y a peu.

L'expérience de notre équipe (Baux) [25] portant sur plus de deux mille prothèses implantées confirme cette optique optimiste puis qu'elle comporte, malgré des critères sévères, 76 % de résultats satisfaisants (fig. 9 et 10), 17 % de résultats insuffisants (c'est-à-dire n'aboutissant pas totalement au but programmé) et seulement 7 % d'échecs complets. Encore faut-il insister sur le fait que ces chiffres correspondent à une étude globale depuis les premières interventions et qu'au fur à mesure d'une meilleure maîtrise, le taux d'échec a diminué considérablement, (schéma II) la dépose précoce avant la fin du remplissage devenant rarissime.

On trouvera, dans le tableau joint, nos modifications techniques constituant le point de notre évolution mais ne représentant que notre opinion personnelle basée cependant sur une des séries les plus importantes dans le monde.

<% createTable "","","TABLEAU DES PRINCIPAUX POINTS TECHNIQUES@-Éradication préalable des zones infectées@-Incision large@-Prothèse de surface au moins égale à la lésion à exciser@-Plutôt 2, prothèses qu'une par lésion@-Gonflage de 3/10 e avant la suture@-Gonflage de 1/I O e avant ablation du Redon@-Valve externe +++avec couverture antibiotique@-Rythme de gonflage à adapter constamment.","",4,300,true %> <% immagine "Schéma II.","gr0000016.jpg","Évolution de la fréquence des complications en fonction de l'expérience des opérateurs",230 %>

Summary

Technic of cutaneous expansion is described vert' precisely and sonie points are discussed. Complications are analysed and correlated with sonie variables: age, technic, aetiology... Indications are clariFied in relation with the size and localisation and the need of multiple expansions. Biologie problems: thickness of expanded dermis and epiderrnis vascularisation of the capsule are studied. Some recommandations for use of expansion are listed.



Key words: cutaneous expansion, barn, sequelas


BIBLIOGRAPHIE

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