% vol = 3 number = 1 prevlink = 21 titolo = "Les brûlures graves en milieu carcéral" data_pubblicazione = "Mai 2002" header titolo %>
RÉSUMÉ.
Objectifs : Décrire les particularités retrouvées chez 12 détenus hospitalisés pour brûlures graves.
Résultats : Il s'agit d'hommes jeunes (âge moyen 27 ans), sous psychotropes (80'%), polytoxicomanes (40%). au statut sérologique à risque (20% de HIV ou HCV), en situation irrégulière (30%). La brûlure son ient dans un contexte d'autolyse (70%) ou de révolte. II s'agit d'un feu de literie en milieu clos. Il y a plusieurs brûlés dans le même accident dans 25% des cas. La prise en charge initiale est modifiée par le contexte d'incarcération et parfois folklorique. La surface corporelle brûlée moyenne est de 32% (15-85) la moitié en profond, associée à une atteinte pulmonaire par inhalation dans 90% des cas ; 70% présentent une intoxication cyanhydrique. 80% des patients développent Lin état d'agitation par sevrage, avec forte demande de psychotropes par la suite. Les violences verbales ou physique sont rares. La présence des policiers à l'intérieur du service, la connaissance ou non du motif do l'incarcération modifient les relations avec l'équipe soignante. La fin de l'hospitalisation n'est jamais simple (remise en cellule, libération par le juge, situations administratives non régularisées), et la durée d'hospitalisation est multipliée par deux par rapport à des patients de même gravité.
Conclusion : Les détenus gravement brûles posent des problèmes médicaux avec la prise en charge do brûlures étendues avec lésions pulmonaires, psychologiques de suicidants en souffrance, et sociaux quand l'hospitalisation s'achève.
Mots clés : brûlures, prison.
Introduction
Il existe un malaise dans les prisons françaises dont les médias se font régulièrement l'écho. La survenue de suicides y a été multipliée par 5 depuis 1995 (Journal SUD OUEST, 18 octobre 2001). Les accidents entraînant des brûlures graves impliquent les Centres de Brûlés, mais leur fréquence est habituellemcnt faible : 4 patients admis en 8 ans à Bordeaux. Cette tendance a brutalement changé avec la réception do 8 nouveaux patients ces deux dernières années, provenant de maisons d'arrêt do départements voisins.
L'objectif do cette étude rétrospective est de présenter ce type de brûlé qui présente toujours lc même profil médical, psychologique et social.
II s'agit de 12 hommes jeunes (27 ans d'âge moyen) ; 40% d'entre eux sont polytoxicomanes (cannabis, alcool, héroïne, cocaïne), 80% sont sous traitement psychotrope au moment de l'admission. Leur statut sérologique est à risque, car 20% sont positifs pour le HIV ou l'hépatite C. Quelques tins sont connus pour des tentatives d'autolyse antérieures.
Il s'agit par définition de délinquants puisque nous n'avons inclus dans l'étude que des sujets incarcérés purgeant une peine. Dans un cas sur trois, ils sont en situation irrégulière en France, sans papiers ni assurance sociale, souvent par faute de mise à jour de leurs dossiers administratifs.
Il s'agit le plus souvent don feu de literie en milieu clos ; s'il y a plusieurs impliqués, il est souvent difficile de savoir qui et comment le feu a été mis (on ne trahit pas un camarade de cellule...). Cet acte correspond soit à une révolte (30% des cas) soit à une tentative d'autolyse (70%). Dans un quart des cas, l'incendie implique plusieurs détenus.
La prise en charge initiale est toujours perturbée par l'incarcération.
Il y a du retard à l'arrivée des secours médicalisés car toutes les centrales ne sont pas proches des grandes villes. Les premiers soins sont réalisés avec " les moyens du bord " souvent limités, parfois folkloriques. D'autre part, l'objectivité do la vision des patients par les équipes de SAMU / SMUR est souvent modulée par le contexte d'incarcération.
II s'agit de brûlés graves : la surface corporelle brulée est de 32% en moyenne (13-85%), avec 20% de lésions profondes. Une atteinte pulmonaire directe ou une inhalation de fumée sont présentes neuf fois sur dix. Il s'y associe dans 70% des cas une intoxication au cyanure (taux sériques de 105 à 878 ug/l,- modérée >50, intoxication sévère >500, risque létal > 1500-). Par contre, l'intoxication oxycarbonée est rare, peut-être parce qu'elle est traitée d'emblée par l'oxygénothérapie initiale.
Au cours de leur séjour, ces patients vont poser les problèmes classiques d'un brûlé sur 30°/" de la surface corporelle avec atteinte pulmonaire, tout en dégageant certaines spécificités.
Dans 80% des cas, ils développent un état de surconsommation de produits anesthésiques contemporain d'un syndrome de sevrage avec agitation, rendant difficile leur sédation et leur prise de charge en cas de ventilation artificielle.
Par la suite réapparaît la demande de psychotropes, dont le type varie avec les perturbations antérieures de la personnalité.
Les relations avec l'équipe saignante diffèrent d'avec des patients " classiques " sur plusieurs points.
Les violences verbales ou physiques sont en général rares, mais une mise au point peut s'avérer nécessaire ; un seul patient a réellement refusé le programme thérapeutique.
La présence des policiers à l'intérieur du service pendant plusieurs semaines est un élément insolite, avec des périodes de travail différentes, de longs moments d'attente et d'inactivité, des relations variables avec le détenu, et dans certains cas l'obligation pour ce dernier d'une contention physique avec menottes et chaînes aux pieds.
Bien entendu, la question que se posent tous les soignants est de savoir pourquoi ils sont détenus. Fautil le savoir ou non ?
Il est évident que la connaissance du motif de la peine peut avoir des effets subjectifs au minimum sur l'aspect relationnel et au maximum sur la prise en charge thérapeutique. Le " voleur de pommes " ne bénéficiera sûrement pas du même regard que lc " dangereux braqueur". Le temps assouplissant toujours les choses, il vaut mieux connaître le motif do l'incarcération le plus tard possible, de manière à ce que des relations de confiance aient eu le temps de s'établir.
Le dernier problème spécifique à ce type de patient se pose à la fin de l'hospitalisation : quel sera le devenir de ce brûlé ?
En effet, plusieurs possibilités peuvent se présenter. Le patient peut être libérable par anticipation (à la condition qu'il ne soit l'objet que dune seule procédure judiciaire et que les juges respectifs soient en relation, ce qui n'est pas toujours le cas) ; on attend alors la levée d'écrou (les juges ont de nombreux dossiers...) et le brûlé peut en théorie réintégrer la vie civile ou lc centre de rééducation s'il a des séquelles nécessitant un traitement spécifique.
A ce moment se pose le problème de sa situation administrative : si elle est à jour, il bénéficie d'une couverture maladie pendant un an, sinon il faut démarrer un dossier d'aide médicale aux étrangers en France. Enfin, s'il nest pas libérable, il peut retourner dans le centre de détention d'origine, ou être hospitalisé pour suites ou séquelles à l'hôpital prison de Fresnes (qui ne le recevra pas si le prise en charge est estimée trop lourde).
La résultante do ces méandres médico-judiciaires complexes fait que la durée do séjour de ces malades est le double de celle de patients non détenus de gravité et do morbidité identique .
Les détenus hospitalisés pour brûlures graves dans les centres spécialisés posent des problèmes similaires à multiples facettes : aspect médical avec la prise en charge de patients souffrant de brûlures étendues, d'intoxication au cyanure et de lésions pulmonaires associées, aspect psychologique avec une population de délinquants en souffrance psychique antérieure, aspect social avec la difficulté de gérer do façon satisfaisante leur devenir à la sortie du centre aigu.
Summary
Objectives : Assessment of the particularities of twelve prisoners hospitalised for serious burns on a eight years period (7 of them in 18 months).
Results : Twelve young men were included in this work, (mean age 27 years), 80% with psychotropic treatment. 40% addicted to drugs, 20% with HIV or HC V, 30% were in irregular situation in France. The burn occurred in a context of suicide (70%) or of revolt. It was a mattress fire in the cell. In 25°i° of cases, the accident implied several patients. The initial treatment was modified by the fact it occurred in jail. The TBSA burned was 32% (15-85), half in full thickness burns, associated with a pulmonary burn or inhalation in 90% of cases, 70°b had also a cyanide poisoning. 80% of them developed a severe withdrawal syndrome, with strong demand of psychotropic drugs thereafter. Verbal or physical violence were exceptional. The presence of policemen inside the ward, the knowledge or not of the reason of the incarceration modified relations with the nursing team. The end of the hospitalisation was never easy (returning to jail, liberation by the judge, administrative situations not regularised), with as consequence a length of hospitalisation two times longer than patients of the same severity.
Conclusion : Severely burned prisoners developed medical problems involving treatment of extensive burns with pulmonary lesions, psychological problems of suicide attempts, and social problems when discharged.
Key words : burns, jail.
Correspondance: