<% vol = 3 number = 3 nextlink = 140 titolo = "Programme de prévention primaire active développé a la Martinique" data_pubblicazione = "Nov 2002" header titolo %>

D. Chatot-Henry1, A. Marie-Nelly1, R. Valentino3, D. Flory1, P. Olive2, D.Joachim-Arnaud3, H. Mehdaoui3

1 Unité des brûlés. CHU de Fort-de-France. BP 632, 97261 Fort-de-France. Tél : 05 96 55 20 45, Fax : 05 96 75 84 81, http: //www brulurecaraibes.org
2 Service de médecine physique et de réadaptatio
3 Service de réanimation polyvalente


RÉSUMÉ.
Une moyenne de 265 brûlés par an est traitée chaque année au CHU de Fort-de-France. Ce chiffre est en augmentation depuis 3 ans pour atteindre 400 patients en 2001. Face à ce problème de santé publique, l'Association de Brûlologie des Caraïbes met en place un programme de prévention primaire actif d'une durée de 5 ans basé sur les résultats d'une étude épidémiologique préalable. Le thème retenu est " l'enfant et l'eau ". L'originalité de cette action repose sur la synergie de 3 axes complémentaires : médiatique, formateur, éducatif. La direction de cette démarche par les soignants de l'unité des brûlés et leur connaissance de la structure socio-économique et culturelle de l'ile en font des points forts indéniables.


Mots clés : Brûlure - prévention - épidémiologie




I - Introduction

Pathologie médico-chirurgicale complexe, la brûlure grave fait appel à une équipe pluridisciplinaire spécialisée pour sa prise en charge à court, moyen et long terme. L'objectif commun des multiples thérapeutes intervenants lors du parcours difficile, de soins physiques et psychologiques est la réintégration socioéconomique du patient au même niveau qu'avant l'accident.
Malheureusement ce résultat idéal n'est pas toujours atteint, loin s'en faut. Contrairement aux maladies multifactorielles comme l'hypertension artérielle ou le diabète, la brûlure est due à un geste de la vie quotidienne apparemment anodin. Seulement le jour du drame les conditions environnementales n'étaient plus favorables à la préservation de l'intégrité physique.
Connaître les causes responsables de ces accidents, au travers d'études épidémiologiques loco-régionales, permettrait de rendre la brûlure évitable.
La prévention répond à cette ambition.
Face à un afflux croissant de brûlés en Martinique, qui se poursuivra dans la décennie à venir, en raison d'une démographie fortement positive, l'unité des brûlés de Fort-de-France met en place un programme de prévention primaire actif sur 5 ans.


II - Méthodologie

1. Epidémiologie

Nous avons réalisé une étude rétrospective préalable [1, 2] de 6 années de 1994 à 1999. Les critères d'inclusion étaient simples puisqu'ils se résumaient à l'ensemble des victimes de brûlure traité par la seule structure spécialisée de la Martinique. Non exhaustifs, les résultats permettaient de tracer le profil de la population exposée aux risques de ce traumatisme. Les principaux paramètres retenus étaient : l'âge, le sexe, le secteur de prise en charge (réanimation, secteur tiède adulte ou enfant, externe), la date de la brûlure, la surface totale brûlée (STB), la surface brûlée en 3° degré (UBS), l'agent causal, la localisation, la durée moyenne de séjour (DMS) en cas d'hospitalisation.
Nous ne retiendrons pour notre propos que les résultats déterminants pour la campagne.
1591 patients ont été recensés soit 265 par an.
L'incidence annuelle s'élève à 7/10 000.
La majorité était soignée en ambulatoire. Un peu plus d'un tiers des hospitalisés séjournait en réanimationbrûlé avec une STB moyenne de 21 %, un UBS moyen à 48 et une DMS moyenne de 15,4 jours. Si l'âge moyen des patients étudiés était de 28 ans, la tranche d'âge des 0 -10 ans représentait un tiers des intéressés dont 73 % n'avait pas atteint 6 ans.
Les liquides chauds (eau chaude et liquide gras), les substances inflammables et les contacts avec un corps chaud représentaient les causes d'accident les plus fréquentes (43%, 22,5 % et 18 %). Rapportées à l'âge (tableau I), les proportions changeaient de façon significative pour le groupe des plus jeunes décrivant un relief épidémiologique particulier. Ainsi un enfant sur deux se brûle par l'eau chaude (sanitaire ou de cuisson).
<% immagine "Tableau I","gr0000001.jpg","Etiologie de la brulure en fonction de l'age.",230 %> A la vue de ces résultats, l'orientation du programme de prévention fut aisée.

2. Objectifs

Définis au nombre de cinq, ils assurent le cadre de notre action.
Les trois premiers répondent strictement à la définition d'une prévention primaire active, le quatrième tend vers une évolution passive du proj et et le cinquième aborde la prévention secondaire:

  1. Sensibiliser la population aux facteurs de risques afro de développer de nouveaux comportements sociaux
  2. Améliorer et sécuriser le domicile : installation de détecteurs de fumée, extincteurs et couvertures antifeu, robinets thermostatiques, double porte de four, grille de protection anti-versement des plaques de cuisson. . .
  3. Diminuer l'incidence de la brûlure à la Martinique
  4. Intéresser et sensibiliser l'ensemble des tutelles afin d'aboutir à un projet législatif : définir des normes de sécurité en équipement et architecture pour toute nouvelle construction privative au même titre que les normes antisismiques en Martinique.
  5. Indiquer les gestes d'urgence en cas de brûlure.
Débutée en janvier 2002, notre démarche préventive devrait se terminer 5 ans plus tard par une étude prospective d'évaluation.


III - Programme de prévention

L'action menée se heurte à une difficulté. Afin d'obtenir le meilleur rendement de ce proj et, nous devons nous adresser à l'ensemble de la population, surtout la plus défavorisée, tout en intéressant suffisamment les professionnels de santé pour qu'ils puissent s'y investir avec un même slogan. Pour résoudre ce dilemme, une approche à deux niveaux est retenue par le biais de trois axes :


1. Axe médiatique

Incontournable Bans une action préventive, la diffusion du message informatif reste le pôle le plus onéreux et le plus stratégique sur le plan de la technique de communication. Il s'adresse au grand public et dolt répondre, inévitablement, à certains paramètres. Aidée par la situation insulaire, cette approche est élaborée à partir de l'ensemble des moyens de communications disponibles. Le risque de perte d'information est moms grand, rapidement identifiable et contrôlable.

  1. Direction publicitaire
    A la lecture de l'étude épidémiologique le thème choisi est " l'enfant et l'eau ". Baigné par le regard de la mère, l'enfant est l'être précieux Bans la société antillaise matriarcale et représente un tiers de notre échantillon étudié. Il ne pouvait que retenir notre choix. De toute évidence, c'est l'agent causal le plus répandu pour cette tranche d'âge qu'il fallait associer. Pour que le message soft retenu Bans le paysage socio-culturel du département, un slogan en créole, avec sa traduction française, était impératif: " Manman Papa pwan gad ! Dlo cho ka brilé ! ", " Maman Papa faites attention ! L'eau chaude brûle ! ". Celui-ci est inséré sur plusieurs supports dont le principal est une plaquette informative (éditée à 70 000 exemplaires la première année) constituée de quatre volets en quadrichromie (figure 1). Ce document, adressé par vole postale, indique les lieux dangereux et facteurs de risques pour le j eune enfant, ainsi que les gestes à faire en cas d'accident. Les coordonnées téléphoniques des hôpitaux, de l'unité des brûlés ainsi que l'adresse du site internet dédié à la campagne y sont mentionnées.
    Une affiche 43 x 62 cm, distribuée dans les lieux publics, complète le précédent outil. Pour accroître l'impact, celle-ci est publiée en quart de page dans le seul quotidien d'informations locales de façon trimestrielle.
    Afin d'interpeller le plus grand nombre de personnes, des spots télévisés et radiophoniques sont en cours de préparation sur la base d'un travail scolaire et seront diffusés à partir de 2003.
  2. Direction informative
    Parallèlement les trois types de médias (presse, radio, télévision) sont sollicités autour d'une stratégie d'information plus complète. Trois phases distinctes ont ainsi été mises en place. L'étape préparatoire à la campagne a débuté six mois en amont du programme, suivie de celle du lancement de la campagne, elle-même relayée par celle actuellement en cours. Sous forme de conférences-débats publics, de communiqués de presse, d'information des actions menées, cette direction a pour but de réaliser une " ambiance " préparatoire et réceptive à la diffusion du slogan.

2. Axe formation

Plus spécifique et dirigé vers un public ciblé, cet axe aborde le deuxième niveau de notre action. L'espoir à terme est d'organiser un véritable réseau de relais préventifs au travers du département. Clé de voûte du programme, cet axe est le garant de sa pérennisation en formant des formateurs aux différentes facettes du danger de l'environnement moderne et aux moyens de 1e sécuriser.
Il s'adresse aux professionnels de la santé (médecins libéraux, urgentistes, du travail, scolaire, de la sécurité sociale, des PMI, infirmières, sages-femmes, kinésithérapeutes) et aux acteurs sociaux (assistantes sociales, éducateurs, personnel des structures scolaires et pré-scolaires, associations de parents d'élèves, animateurs de quartiers...).
La première manifestation était la soutenance d'une thèse de médecine [3] précédant de quelques jours un congrès inaugural de la campagne en j anvier 2002. Sous l'égide de la SFETB, les " 2èmes journées de brûlologie des caraïbes " profitaient des manifestations commémoratives du centenaire de l'éruption volcanique de la montagne Pelée pour attirer 450 participants et 63 intervenants. Enfin, en collaboration avec la CGSS ( Caisse générale de sécurité sociale ), la DSDS ( Direction de la santé et du développement social ) et certaines mairies, un calendrier d'interventions sur site est élaboré pour homogénéiser le message à l'auditoire présent.


3. Axe éducatif

Dernier pilier du programme, cet axe s'adresse essentiellement aux élèves. En association avec le rectorat, nous intervenons dans les établissements scolaires pendant une journée entière. Différents stands exposent de façon ludique la brûlure et proposent le maniement d'extincteurs. C'est une véritable équipe de professionnels de la brûlure, de sociétés de sécurité et de conseillères pédagogiques, qui étayent ces manifestations. Le premier semestre de cette année, trois établissements primaires et deux collèges (sur 186 et 39 que compte le département) ont suivi cet enseignement, chaque fois médiatisé.
Pour cette approche, il nous fallait un véhicule d'informations innovant et répondant au pôle d'intérêt des jeunes. Un site internet était mis en ligne symboliquement le premier janvier à l'adresse suivante : http://www.brulurecaraibes.org. Il est clair que cet outil est la synthèse des trois axes décrits et dépasse le cadre scolaire.

Discussion

Par l'intermédiaire de l'association de brûlologie des Caraïbes, cette campagne de prévention primaire active répond largement aux critères définis par B. Ytterstad [4] , ce qui la rend d'autant plus légitime: population définie ciblée, niveau de santé élevé, important développement de moyens de communications, parfaite connaissance socioculturelle de 1'î1e, direction par une équipe de soignants de la brûlure qui pourront évaluer les résultats à distance, durée prévisible de 5 ans [5,6] .
Point de départ obligé [7] , elle s'appuie sur une étude épidémiologique préalable, malgré les limites de l'aspect rétrospectif, permettant de définir une trame d'action [8, 9] et d'évaluer les résultats à distance. L'afflux de victimes dont nous sommes témoins depuis la fin de l'enquête conforte la décision d'appliquer une campagne bien menée. En effet, 400 brûlés étaient soignés dans l'unité en 2001 (contre 265 en moyenne de 1994 à 1999). On estime qu'un patient sur deux seulement a été suivi par notre équipe, le reste, certes de gravité modérée, ayant été traité de façon " sauvage " à domicile, en libéral, ou dans les structures de soins périphériques.
L'agent responsable des accidents est spécifique aux tranches d'âge quelles soient les études [10, 7] , ce qui explique le thème des campagnes de prévention similaire au nôtre [ 11 ] .
Nous savons qu'il est prétentieux de vouloir changer les comportements volontaires en dehors d'une atteinte corporelle imminente. En effet, les automatismes mentaux issus de conditionnements éducatifs " simplifient " notre mode de vie même s'ils deviennent inadaptés à une situation précise. Une " déprogrammation " implique une attitude mentale complexe à l'origine d'une opposition naturelle à toute communication préventive [12] . Ainsi le changement des comportements doit passer par une répétition de slogans faciles d'interprétation sur une période longue de plusieurs années [9,13] . La prévention primaire montre ici un de ses points faibles. La sécurisation du domicile par voie législative (prévention primaire passive) serait plus efficace et plus rapide. L'association des deux types d'action est idéale mais n'existe pas encore en pratique au domicile.
Un point commun de toute campagne préventive est d'adapter la médiatisation du projet sous toutes ses formes [6,14,15,16] à la réalité locale, ce que nous nous efforçons de faire. L'originalité de notre démarche s'appuie sur la création d'un réseau de relais préventif en formant des formateurs et en intervenant ponctuellement auprès de professionnels ou dans des quartiers. Par ailleurs c'est la première fois, à notre connaissance, qu'un site internet est ouvert comme support pédagogique d'une campagne.


V - Conclusion

Même si la route est longue [9] , les initiatives, trop rares, de prévention doivent être encouragées car la brûlure est un problème de santé publique évitable. Certaines conditions sont néanmoins à respecter afro de ne pas être délétère pour l'action en cours ou celles à venir. Adaptées au contexte socio-économique local, elles devraient néanmoins s'aider de recommandations réalisées par un groupe d'experts non disponible à ce jour. En effet il ne faudrait plus parler de campagne mais de programme autour duquel une véritable stratégie de communication et de formation est organisée. C'est en ce sens que nous pourrions avoir une plus forte crédibilité auprès des potentiels financiers publics ou privés.


Summary
265 burned in mean are treated every year in the CHU of Fort-deFrance. This population growth for 3 years to concern 400 patients in 2001. In front of this problem of health, the Caribbean Burn Association sets up an active primary program of prevention during 5 years based on the results of a preliminary epidemiological study. The selected subject is " the child and the water ". The originality of this action is based on the synergy of 3 additional axes : media, formative, educational. The management of this method by the nursing team of the the burned unit and his knowledge of the socioeconomic and cultural structure of the island make are real key points.


Key words : Burn - prevention - epidemiology



VI - Références

  1. Chatot-Henry D, Marie-Nelly A, Corvo C, Olive P. Enquête épidémiologique rétrospective en vue dune campagne de prévention à propos de 1591 cas en Martinique. Brûlures. 2000 ;1,3 : 167-170.
  2. Corvo C. Enquête épidémiologique en vue dune campagne de prévention à propos de 1591 cas de brûlure en Martinique. Thèse médecine 2000. Toulouse III, Université Paul Sabatier.
  3. Flory D. Mise en place d'un programme de prévention primaire active de la brûlure à la Martinique. Thèse médecine 2002. Toulouse 111, Université Paul Sabatier.
  4. Ytterstad B, Sogaard AJ. The Harstad injury prevention study : prevention of burns in small chikdren based intervention. Burns 1995 ; 21 : 259-66.
  5. Rossi L.A, Braga E.C.F, Barruffini R. de C. de P., Carvalho. Childhood burn injuries : circumstances of occurrences and their prevention in Ribeiro Preto, Brazil. Burns 1998 ; 24 : 416 - 419.
  6. Jeanet L.P. Sheller, Benedkte Thuesen. Scalds in children caused by water from electrical kettles : effect of prevention through information. Bums 1998 ; 24 : 420 - 424.
  7. Wassermann D. Epidémiologie et organisation de la prise en chagre des brûlés en France. Brûlures 2000 ; 1,4 194 - 200.
  8. Smadj a D, Cabre P, May F, Fanon JL, Rene-Corail P et coll. Ermancia : epidemiology of stroke in Martinique, French West Indies : Part I methodology, incidence, and 30-day case fatality rate. Stroke. 2001 dec 1 ; 32(12) 2741- 2747.
  9. Latarget J. The 2000 Everett Idris Evans Memorial Lecture. Burn prevention : a long way. J Burn Care Rehabil. 2000 Novdec, 21(6) : 484-89.
  10. Leveque B, Lareng L, Julien H, Lavaud J, Wassermann d, Latarget J. Enfants victimes d'incendies d'habitations en France. Mortalité, morbidité, prévention. Bull. Acad. Natle. Méd. 1993 ; 177, n°7 : 1233 - 1242.
  11. Guillaud-Bataille S, Fayard R, Vocanson M. Burns primary prevention campaign in Rhône, France. EBA Programme and abstract book ; 9th Congress of the European Bums Association, Lyon, September 2001;191:159.
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  13. Hunt J.L. The 2000 presidential adress. Back to the future : The ABA and burn prevention. J Burn Care Rehabil 2000 ; 21 : 474 - 483.
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