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Berthe V.

Assistante sociale - département de RRF, service des brûlés, hôpital La Musse, Saint Sébastien de Morsent


RÉSUMÉ.


En soins de suite, les missions de l'Assistante Sociale sont : l'accès aux soins, la prévention, la réadaptation. Auprès des brûlés, des spécificités s'orientent plutôt vers les axes administratifs, juridiques et du logement. Des facteurs antérieurs et consécutifs au traumatisme peuvent gêner notre travail : isolement, ruptures familiales, conduites addictives, pathologies psychiatriques, errance, perte d'identité, des droits sociaux et du statut de citoyen. La prise en charge sociale s'en trouve alors fragilisée. Les obstacles sont accentués parfois par des moyens limitatifs de la conjoncture économique et politique actuelle et aléatoires selon le secteur géographique. La profession d'Assistante Sociale est encore aujourd'hui stéréotypée par la société, par le public en situation de crise et peut de ce fait fausser la relation d'aide. C'est pourquoi la qualité de l'engagement du patient brûlé, sa coopération facilitent sa reconstruction et son autonomie. L'entourage est également un élément clé, un soutien, un déclic. L'Assistante Sociale est décrite comme la charnière entre soignants et patient, patient et famille, hôpital et extérieur. Elle fait le lien en développant un travail de coordination entre les différents partenaires. Le relais est indispensable. Notre objectif est d'optimiser nos actions auprès des usagers afin de leur procurer un mieux être, et de les réinsérer.


Mots clés : brûlure, accompagnement social, réinsertion.




Introduction

Pourquoi écrire un article ? Avant toute chose, le souhait de clarifier le rôle de l'assistante sociale encore mal connu. Faire du "social" n'est pas un don en soi : ça s'apprend.

Dans une société sans cesse controversée, notre formation est en perpétuelle évolution et recrudescence mais pas tou jours attractive (rémunération, responsabilités,...) Encore aujourd'hui, la profession d'assistante sociale est perçue comme très ambivalente par la société

- d'un côté, elle est mal vécue ou ressentie.

Nous retrouvons des expressions caricaturales : voleuse d'enfants, tiroir - caisse, contrôleuse ... Elle sème la zizanie ou encore dérange les habitudes de vie. L'assistante sociale intervient auprès de personnes exclues avec toutes les contraintes économiques et politiques de la conjoncture actuelle, ce qui peut fausser d'entrée la relation d'aide,

- d'un autre côté, elle s'inscrit davantage comme le dernier recours possible, la solution ultime et miraculeuse à toutes les difficultés sociales en privilégiant précieusement l'écoute, le soutien dans des situations de crise.

Mais, quelles sont les spécificités d'une assistante socia.le auprès d'un public de brûlés ? Quel type d'accompagnement social apportons - nous ?


Etre Assistante sociale - une véritable profession

Aider les autres ne s'improvise pas. Là comme ailleurs le professionnalisme s'impose.

Etre assistante sociale est donc une profession à part entière qui nécessite l'acquisition de connaissances. Sur concours d'entrée et après trois ans d'études supérieures (théorique par la validation d'unités de formation et pratique par des stages divers) après le baccalauréat, la formation s'achève par l'acquisition d'un Diplôme d'Etat d'Assistant de Service Social ( D.E.A.S.S ) délivré par le directeur de la D.R.A.S.S.


Les compétences sont multiples et transversales en : droit, économie, psychologie, santé, ...Des qualités personnelles sont également requises comme la disponibilité, la diplomatie, la réactivité.

Actuellement le cursus est en cours de révision ainsi que l'équivalence universitaire. Le manque d'assistantes sociales proprement dites qualifiées est inquiétant. Des postes sont de plus en plus vacants et ne sont remplacés que ponctuellement par des collègues ou des tierces personnes (secrétaire, surveillante ..) alors que les besoins ne cessent de croître. Cette pénurie nous interpelle quant à la pérennité de notre profession. A titre indicatif, dans la fonction publique hospitalière, les socio -éducatifs représentent seulement 1,5% des effectifs.[1]

Nous sommes représentés auprès des pouvoirs publics par l'Association Nationale des Assistants de Service Social (A.N.A.S) - porte parole de notre profession qui tente de nous revaloriser et de nous faire connaître plus encore dans la société au travers de manifestations diverses mais pas toujours suffisamment médiatisées.

Rappelons - le, dans un cadre législatif et de déontologie, la mission générale de l'assistante sociale vise à l'épanouissement, l'autonomie et la réinsertion des personnes en difficulté dans la société. [2]

Nous avons la possibilité d'exercer dans divers domaines collectivités locales et territoriales (mairie, conseil général, Aide Sociale à l'Enfance. . . ), administrations de l'état (Education Nationale, maison d'arrêt. . . ), hôpitaux, entreprises privées, associations, C.R.A.M... . avec des missions variées selon le type de public (enfants, adultes, personnes âgées.. .).

Globalement, on distingue deux domaines distincts d'interventions sociales

La polyvalence de secteur qui étend son action à l'ensemble de la population d'un secteur géographique,

La spécialité qui intervient dans des domaines spécifiques d'activités.

Evidemment, nos actions sont indissociables d'un travail en partenariat. C'est le fondement même de notre profession.


Le patient brûlé en soins de suite : une spécificité

Dans un établissement à caractère médico-social notre politique d'actions est basée respectivement sur l'accès aux soins, la prévention, la réadaptation et toujours sous la forme de la contractualisation.

Nous utilisons alors de manière systématique une méthodologie d'entretien au travers [3] : des informations, des conseils, une évaluation, des orientations et surtout une écoute, un soutien tout en respectant les valeurs et les convictions du patient.

Le plus souvent, l'assistante sociale hospitalière est identifiée comme [4] une personne ressource entre les soignants et le patient, la chamière entre l'hôpital et la cité.

Notre objectif vise donc à gérer le retentissement social de la brûlure tant dans la vie personnelle que familiale et professionnelle du patient brûlé. Le travail s'effectue en complémentarité avec les autres membres de l'équipe. La Durée Moyenne de Séjour (D.M.S.) du patient va être variable selon : la récupération de son autonomie mais aussi selon les projets sociaux, ses aboutissants et la participation active du patient.

Dans la pratique, trois étapes définissent notre quotidien le signalement, les actions et le relais.


Première étape : le signalement

Le patient brûlé nous est signalé lors des visites et synthèses (réunions d'équipe avec le médecin de service). Nous déterminons avant tout les besoins urgents comme le vestiaire.

Différents points sont examinés, principalement

- Les circonstances du traumatisme causé soit par : accident avec ou sans tiers responsable, les conduites à risques (alcool. . . ), acte volontaire (tentative de suicide). Ces données nous permettent de dessiner le profil du patient et de singulariser ainsi nos actions.

- L'état civil (domiciliation, situation familiale, professionnelle, économique...). Cet axe nous aide à connaître les conditions de vie antérieures et par conséquent d'anticiper sur les impacts sociaux à venir dans l'histoire du patient .

Nous intervenons également sur les modalités de prise en charge sécurité sociale de l'établissement (demande d'entente préalable, ALD, CMU de base et complémentaire, aide médicale état, mutuelle pour la prise en charge du forfait journalier...) et l'orientation en cure thermale.

Enfin, l'évaluation des séquelles nous donne des indications clés sur l'articulation de notre travail qui peut être différente selon la complexité et la durée des traitements à mettre en oeuvre sur les lésions cutanées et la date probable de sortie.


Deuxième étape : les actions

Ensuite, nous approfondissons les besoins apparents des patients par l'intermédiaire d'outils de travail (entretiens, liaisons téléphoniques, réunions, écrits) en vue de définir nos actions à venir.

Au préalable, nous recueillons des éléments auprès de partenaires internes (l'équipe médicale et paramédicale), externes (service social de l'hôpital aigu de provenance).

Cet état des lieux favorise avec cohérence l'élaboration des démarches sociales et permet de vérifier ainsi la compatibilité de celles - ci avec les souhaits du patient et de sa famille.

A noter que le premier entretien est capital dans l'élaboration de notre plan d'actions qui va se finaliser durant toute l'hospitalisation ; il permet au patient, avec plus de recul, de parvenir à verbaliser ses difficultés et de lui laisser entrevoir, souvent avec beaucoup d'émotion, son devenir.

Des priorités se dégagent dans cette pathologie essentiellement au niveau Administratif Sur la récupération de papiers d'identité détruits et demande de divers duplicatas (fiches de salaire, avis d'imposition...) indispensables pour entreprendre des démarches administratives diverses.

Juridique

Concernant le circuit médico légal (en faisant le lien avec les médiateurs en assurance, l'A. V E. D. E., le service juridique de l'Association des Brûlés de FRANCE (A. B. F. ), les avocats). Il s'agit d'un domaine important dans la reconnaissance des préjudices subis (dépôt de plainte, indemnisations . . . ) Logement - Réhabilitation de l'habitat endommagé lors de l'incendie (contacts avec l'assurance habitation, gendarmerie, mairie...) pour les expertises et l'état d'avancement des travaux,

- Recherche d'un hébergement d'urgence (entourage, hôtel, Centre d'Hébergement et de Réadaptation Sociale, 115 SAMU social, foyers, famille d'accueil...) dans l'attente d'une solution plus confortable (location HLM , privé...),

-Admission en établissements de soins (cure, post cure, appartements thérapeutiques, foyers occupationnels, maisons de retraite médicalisées, . . . ) si l'état de santé le justifie. Aussi, d'autres actions identiques à d'autres pathologies peuvent se surajouter, elles concernent plsieurs aspects

Handicap : prestations Commission Technique d'Orientation et de Reclassement Professionnel (Co.T.O.Re.P) comme l'Allocation Adulte Handicapé (A.A.H.) , la carte d'invalidité, le macaron Grand Invalide Civil (G I.C) ou encore l'Allocation Compensatrice Tierce Personne (A.C.T.P) ou l'Allocation Personnalisée Autonomie (A.P.A) pour l'attribution d'aides à domicile à la sortie.

Professionnel : reprise de travail avec accord du médecin du travail, aménagement de poste, reclassement, RTH (reconnaissance travailleur handicapé) avec orientation en milieu ordinaire ou en C.A.T. l A.P. (centre d'aide par le travail, atelier protégé), formation professionnelle... Dans d'autres cas, l'exercice d'une activité professionnelle est exclu, le patient devra être mis en maladie de longue durée ou en invalidité ou encore en pré - retraite.

Financier : secours divers auprès de divers organismes comme la CRAM, oeuvres caritatives... pour l'achat par exemple de mobilier, d'électroménager ou encore d'aides techniques.

Judiciaire (curatelle, tutelle), etc ....

Cependant, les prises en charge pluridisciplinaires offertes en soins de suite (infirmière, kinésithérapeute, ergothérapeute, psychologue, assistante sociale) risquent parfois de submerger le patient brûlé. Il ne peut assumer seul les changements simultanément à savoir : les soins, la reconstruction physique, les réajustements psychiques et le projet social d'autant plus qu'il peut être lui-même affecté de pluripathologies.

Nous sommes confrontés à une phase de maternage. Le patient peut alors être décrit comme fragile, en doute sur ses capacités et même agressif. Il traverse à son rythme les étapes de deuil. Il s'agit d'une quête quasi exclusive de réparation mettant parfois en péril la concrétisation du projet social.

En effet, les obstacles prédominants qui en découlent sont : le regard de la société sur le handicap (sujet encore tabou et stigmatisant), la réinsertion professionnelle, les répercussions financières par le changement de statut (inapte au travail, handicapé ...). Tout cela tend à victimiser davantage l'intéressé et rend son devenir plus chaotique.


Troisième étape : le relais

Le traumatisme de la brûlure déshumanise le patient mais aussi le désocialise. En milieu hospitalier si l'objectif des soignants est de réhumaniser le patient brûlé, celui de l'assistante sociale est de le resocialiser.

Dans un établissement de soins de suite, notre temps d'action est par définition limité dans le temps.

Dès la survenue de la brûlure nous amorçons un certain nombre de démarches sociales mais les perspectives de réinsertion s'étalent à plus ou moms long terme, c'est pourquoi le relais s'avère primordial. La liaison avec les partenaires sociaux rassure l'usager à la sortie de l'hôpital et l'incite ainsi à une prise d'autonomie progressive.

Le partage d'informations va être dissocié selon nos interlocuteurs : l'équipe médicale, les associations telles l'Association des Brûlés de FRANCE (A.B.F.) et les assistantes sociales avec leurs compétences et champ d'action respectifs. Les transmissions doivent être sélectionnées dans le suivi du patient tout en respectant son intimité.

En tant que travailleurs sociaux, nous sommes tenus au secret professionnel. Notre code de déontologie est parfois source de malentendus entre le devoir de se taire et l'obligation d'informer les autorités par exemple lors de sévices.[5].

Au delà de la brûlure, nous sommes confrontés à des situations humainement dramatiques, telles les maltraitances, les violences conjugales,... Avec suffisamment de recul, nous devons agir avec fermeté et efficacité sans jugement de valeur. Nous signalons les personnes en danger dans l'incapacité de se défendre ; c'est un devoir civique mais aussi spécifique à notre profession .

Les partenaires sociaux sont divers. Il s'agit essentielle ment de .l'assistante sociale de la CRAM, de l'employeur de la malrle...

Aussi nous faisons appel à l'Association des Brûlés de France (A.B.F.) qui connaît déjà le patient rencontré lors des permanences de l'hôpital. Un bénévole présente les serpvices internes : juridique, psychologique et l'atelier de maquillage. Au delà de ce groupe de parole, l'A.B.F. va prolonger sa mission d'information et de soutien à l'extérieur c'est à dire au domicile de la personne brûlée.

Conclusion

L'assistante sociale est un expert en matière d'adaptation et de réinsertion sociale. C'est un médiateur, un confident.

En soins de suite, notre intervention bien que spécifique, répond à des besoins différents sur une population, ces dernières années, de plus en plus hétérogène et marginalisée (avec une part grandissante d'étrangers, de toxicomanes, de malades psychiatriques, de S.D.F. ...).

Les actions dépendent de la pathologie responsable du handicap mais aussi du profil social des patients.

Nous nous heurtons souvent à un manque de moyens (aléa-toires selon le secteur géographique) et parfois à la passivité du patient. Nos actions peuvent alors se révéler insuffisantes voire impuissantes face à la complexité d'une réorganisation sociale.

La réussite dépend donc aussi du cheminement intérieur du patient et de la stimulation de son entourage.

Parallèlement la collaboration avec l'A.B.E, véritable porte parole des citoyens brûlés, est indispensable notamment face aux pouvoirs publics dans le but d'aboutir toujours à plus de reconnaissance et plus de moyens en mobilisant ensemble les usagers et les professionnels.


Summary
In care of continuation, the missions of the Welfare officer are: the access to the care, to prevention and to readaptation. Near burned patient, specificities are directed rather towards administrative and legal axes. Former and consecutive factors with the traumatism can obstruct our work : insulation, family ruptures, addictives conduits, psychiatric pathologies, errance, loss of identity of social rights and citizen statute . Then social contribution is somewhere weakened. .


Key words : burn, readaptation, accompanying, social, reinsertion



Bibliographie

  1. ASH 07/03/2003 Les oubliés de la fonction publique hospitalière numéro 2301
  2. De Robertis C. : méthodologie de l'intervention en travail social, collection travail social, éditions B ayard,1995.
  3. Décret du 26/03/93 sur la fonction publique hospitalière.
  4. 4ème journée nationale de l'Association Professionnelle des Assistants Sociaux Hospitaliers et de la Santé (A. Pro.S.S.H.E.S.) 07/03/2003.
  5. ASH 21/04/1994. Secret professionnel des travailleurs sociaux dans le nouveau code pénal 0l /03/1994

Correspondance : département de RRF, service des brûlés, hôpital La Musse, Saint Sébastien De Morsent