<% vol = 7 number = 4 prevlink = 180 nextlink = 188 titolo = "TRACHÉOTOMIE PERCUTANÉE CHEZ LE PATIENT BRÛLÉ" data_pubblicazione = "Janv 2007" header titolo %>

Ravat F., Robert A., Legaut A., Drevon J.

Centre des Brûlés - centre hospitalier Saint Joseph et Saint Luc - 20 quai claude bernard - 69007 LYON - France


RÉSUMÉ.
La trachéotomie percutanée semble s'imposer comme méthode de référence dans les services de réanimation. Parmi les toutes les techniques à notre disposition, c'est la méthode à dilatateur unique " Blue Rhino " qui l'emporte. Sa réalisation implique le respect d'un certain nombre de facteurs clés de succès : respect des indications et contre indications, installation du malade, effet d'apprentissage lié à la méthode, utilisation d'une fibroscopie continue, point de ponction le plus bas possible et fixation soigneuse de la canule durant la première semaine qui suit la trachéotomie. Sa réalisation chez le patient brûlé implique la prise en compte de particularismes propres : difficultés anatomiques induites par l'oedème, coagulopathie initiale, choix d'un type de canule approprié.


Mots clés : trachéotomie, Blue Rhino, brûlures, voies aériennes




Trachéotomie percutanée chez le patient brûlé

La trachéotomie percutanée a pris pied dans les services de réanimation en 1985 avec l'arrivée du kit de Ciaglia, premier matériel spécifiquement destiné à la réalisation de cette technique dans des conditions correctes de sécurité. Depuis lors et l'arrivée de nouveaux kits de trachéotomie percutanée sur le marché, la méthode semble constituer une alternative valable au contrôle des voies aériennes dans les services de réanimation et à fortiori dans les centres de brûlés.

Introduction

Il est difficile d'avoir une idée objective de la place réelle occupée par la trachéotomie percutanée et de ses avantages ou inconvénients par rapport à la trachéotomie chirurgicale et à l'intubation trachéale. En effet les études comparatives prospectives randomisées dotées d'un niveau de preuve suffisant (rang A), sont peu nombreuses et quand elles existent, elles ne peuvent en général conclure faute de significativité statistique [2].
Lorsque l'on s'intéresse aux méta-analyses, on compare toujours un ensemble hétérogène (plusieurs techniques dif férentes) de petites séries de trachéotomies percutanées (avec un taux de complications jouant à plein en raison de l'effet d'apprentissage voir plus bas -) à de grandes séries homogènes de trachéotomies chirurgicales, technique bien codifiée depuis plus de 100 ans [2, 3, 4]. Les conclusions de ces études sont donc grevées d'un biais en défaveur de la trachéotomie percutanée. Il en est de même pour les séries comparant la trachéotomie percutanée à l'intubation trachéale. En effet, dans la mesure où tous les patients trachéotomisés ont été au préalable intubés, il apparaît difficile d'imputer les complications observées à la seule trachéotomie percutanée sans prendre en compte l'intubation préalable. La seule certitude que nous apporte la littérature c'est que la trachéotomie percutanée est supérieure à la trachéotomie chirurgicale pour ce qui concerne les complications à long terme [2, 3]. Quelle est donc la place réelle de la trachéotomie percutanée dans les services de réanimation ? Une manière de répondre à cette question est de s'intéresser à l'état des lieux et donc à l'avis des réanimateurs. Nous ne disposons pas de données pour la France mais en revanche il existe une enquête conduite au Royaume Uni en 2004 qui peut nous aider à répondre à la question [5]. Les auteurs ont analysé les données issues de 228 centres de réanimation comportant des centres de brûlés. Le taux de réponse aux questionnaires est de 78%. 97% des trachéotomies pratiquées sont percutanées (fig.1); 50% des trachéotomies sont réalisées précocement (14% lorsqu'il s'agit de brûlés) et 25% des centres déclarent pratiquer plus de 100 trachéotomies par an. La trachéotomie percutanée s'est donc largement imposée (au Royaume Uni).

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Aspects techniques

On distingue 4 groupes de techniques:
- Techniques faisant appel à des dilatateurs multiples (fig.2) : une seule méthode reste actuellement commercialisée, la technique de Ciaglia (Cook Critical Care® et sa copie par la société Portex®) avec laquelle tout a commencé en 1985. La méthode consiste à ponctionner la trachée selon la méthode de Seldinger et passer successivement sur le guide métallique laissé en place une série de dilatateurs de diamètre croissant.

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- Techniques faisant appel à un dilatateur unique : la technique de Ciaglia a évolué pour voir les dilatateurs multiples remplacés par un seul dilatateur en forme de come de rhinocéros (Blue Rhino - Cook Critical Care®), commercialisé en France fin 1999 (fig.3).

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Un autre dispositif existe; il fait appel à un dilatateur en forme de pas de vis dont la rotation sur le guide métallique assure la pénétration transcutanée, c'est la technique de Frova (fig.4).

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- Technique employant une pince de dilatation (fig.5) : historiquement, cette méthode est 1a seconde commercialisé e [7]. La dilatation utilise une pince munie dune gorge que l'on fait coulisser sur le guide métallique laissé en place et dont on écarte les mors lorsque la pince est en position intra-trachéale.

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- Dilatation rétrograde (fig.6) : cette méthode appelée technique de Fantoni [8] est très différente des autres ; en effet la ponction fait toujours appel à la méthode de Seldinger mais le guide métallique est dirigé vers le haut en position pharyngé de some que l'on puisse l'attraper Bans la cavité buccale. Le guide est alors amarré à une canine conique si bien qu'en tirant sur le guide la canule va progresser à travers les cordes vocales puffs la trachée jusqu'à ressortir en percutané. Il suffit ensuite de faire pivoter la canine pour pouvoir la réorienter vers la carène. Cette méthode nécessite, à la différence des autres, la détubation préalable du malade.

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Queue est la place de ces différentes techniques ? Là encore, si la littérature ne permet pas de répondre de manière objective à la question, l'enquête nationale déjà citée [5] va montrer (fig.7) que la majorité des équipes utilisent le dilatateur unique " Blue Rhino " (64%) devant la méthode à dilatateurs multiples Ciaglia (14%). La technique de Ciaglia tend d'ailleurs à s'effacer au profit du kit " Blue Rhino " comme l'a montré une précédente enquête conduite par la même équipe Bans les mêmes conditions. La part des autres techniques est presque anecdotique ; aucune équipe n'utilise la méthode rétrograde de Fantoni.

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Facteurs clés de succès:

Respect des indications et contre-indications [2] :
Toutes ces méthodes de trachéotomie sont proposées par leur auteur pour l'abord programmé des voles aériennes du patient adulte. Elles ne sont donc pas indiquées pour l'urgence car Bans cette situation là ce sont des matériels spécifiques dits de " crico-thyroidotomie " qui doivent être utilisés. Ces méthodes ne sont pas indiquées pour l'enfant puisqu'il n'existe pas de matériel élaboré spécialement pour cela.
Outre l'urgence et la pathologie pédiatrique, les autres contreindications à respecter sont plus classiques ; ce sont:
- L'existence dune coagulopathie non contrôlée
- L'existence dune insuffisance respiratoire non contrôlée voire dune pression expiratoire positive > 10 mmHg et plus généralement lorsque les réserves respiratoires du patient sont tenement altérées qu'il apparaît difficile de lui faire courir le risque dune hypoventilation - même brève toujours possible pendant la trachéotomie.
- L'existence d'un hypertension intracrânienne non contrôlée car en cal d'hypoventilation durant la trachéotomie, l'hypercapnie qu'elle peut entraîner peut s'avérer délétère sur le plan neurologique. - L'existence dune fracture instable du rachis cervical qui interdit de positionner le patient en position de trachéotomie.


Respect des recommandations techniques [2] :
Le patient dolt faire l'objet dune anesthésie générale avec curarisation pour assurer une immobilité absolue durant le temps de trachéotomie. Le monitorage dolt comporter au moms la mesure continue de la SpO2 voire celle de la PetC02 afro de détecter une hypoventilation. Le patient est ventilé sur le mode volumétrique. Deux personnel sont nécessaires : l'une réalise la trachéotomie et la seconde prend en charge la ventilation mécanique et la fibroscopie (c'est l'opérateur le plus expérimenté qui pratique la fibroscopie). Le patient dolt être installé en position Bite de trachéotomie (décubitus dorsal, tête en hyperextension, légèrement surélevée par un billot placé soul les omoplates). Cette position provoque une ascension de la trachée qui permet d'exposer davantage d'anneaux trachéaux.


Effet d'apprentissage [9] :
Massick et coll ont parfaitement montré que le nombre des complications diminuait avec l'expérience des équipes (fig.8).

<% immagine "Figure","gr0000008.jpg","8",230 %>

En effet, le taux de complications est divisé par 3 au delà de 20 trachéotomie percutanées consécutives pratiquées par la même équipe avec la même technique et réduit encore de moitié au delà de 80 procédures dans les mêmes conditions. Cette donnée est un élément déterminant dans le choix d'une technique car ce choix devra être définitif dans la mesure ou si la technique choisie n'était pas adaptée, recourir à une autre méthode ferait courir aux patients un taux de complications anormalement élevé.


Fibroscopie continue [2,10]
Il est actuellement bien établi que l'utilisation de la fibroscopie continue durant la réalisation de la trachéotomie percutanée est un élément de sécurité tel que certains considèrent que la fibroscopie continue fait partie intégrante de la technique. La fibroscopie est utile à toutes les étapes de la procédure (fig.9)

<% immagine "Figure","gr0000009.jpg","9",230 %>

- Elle facilite la prise des repères en offrant une transillumination du point de ponction présumé.
- Elle permet aussi de s'assurer que la ponction est bien médiane et que le trocart de ponction est bien en position intratrachéale.
- Lors de la dilatation, la fibroscopie vérifie que celle ci se déroule normalement sans lésion provoquée ni malposition du dilatateur.
- La mise en place de la canule bénéficie aussi de la fibroscopie mais c'est aussi à l'issue de la canulation que celle ci est utile en permettant de vérifier que la canule est bien en bonne position au dessus de la carène ; de plus le fibroscope permet de réaliser une toilette bronchique soigneuse à l'issue du geste.


Point de ponction [2] :
Il est maintenant bien établi que plus le point de ponction est haut situé et proche du larynx, plus les complications à long terme sont fréquentes et graves. Le point de ponction idéal se situe entre le second et le troisième anneau trachéal (fig.10); en pratique, il est assez difficile de la déterminer avec précision et la plupart des ponctions étaient réalisées trop haut comme l'on montré les études autopsiques [ 11 ] c'est pourquoi il est actuellement recommandé de pratiquer la ponction le plus bas possible.

<% immagine "Figure","gr0000010.jpg","10",230 %>

Fixation de la canine [2]:
A l'issue de la trachéotomie, lors du retour à la position normale, l'orifice cutané et (orifice trachéal, situés Bans deux plans différents, peuvent se trouver décalés l'un par rapport à l'autre. Si par malheur, une décanulation accidentelle survenait, la perméabilité de (orifice de trachéostomie serait perdue obligeant à intuber la malade. Pour éviter cela, il est recommandé de coudre la canine à la peau (fig. l l ) pour éviter tout risque de décanulation accidentelle avant que le trachéostome ne soit organisé (une semaine environ).

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Particularités du patient brûlé

Difficultés anatomiques
L'oedème de la face modifie l'anatomie normale de la région au point de rendre problématique une réintubation en cas de détubation accidentelle du malade. Il est actuellement recommandé de pratiquer la trachéotomie précocement [2]. Malheureusement précocement signifie durant la phase d'oedème et en présence de troubles de coagulation (que l'on peut néanmoins corriger). La trachéotomie percutanée est donc pratiquée sur un patient qui présente les conditions d'une intubation difficile ; la méthode de Fantoni (qui implique la détubation du malade) est donc contre indiquée. Il est cependant utile de minimiser les risques d'une détubation accidentelle toujours possible - durant la procédure. Pour cela (fig. 12 et 13) on recommande la mise en place en début de procédure d'un long guide métallique dans la sonde d'intubation parallèlement au fibroscope ; ce guide est introduit le plus loin possible dans les voies aériennes.

<% immagine "Figure","gr0000012.jpg","12",230 %> <% immagine "Figure","gr0000013.jpg","13",230 %>

En cas de détubation accidentelle, il suffit alors de retirer le fibroscope en laissant le guide en place et de passer sur le guide un mandrin d'échange (cathéter creux servant à la réintubation : Cook Critical Care®). Il suffit alors de repousser la sonde d'intubation sur le mandrin d'échange qui sert de tuteur. Lorsque la sonde est en place, on retire le mandrin d'échange, on laisse le guide métallique en place et l'on réintroduit le fibroscope pour reprendre la procédure normale.
De plus la modification de l'anatomie normale de la région par l'oedème rend difficile la prise des repères par palpation et parfois seule la transillumination permise par le fibroscope assure un repérage correct . ...ce qui rend l'usage du fibroscope encore plus indispensable.

Choix du type de canule:
Toutes les canules ne conviennent pas à la trachéotomie percutanée, il faut notamment que l'extrémité de celle ci ne soit pas mousse pour qu'elle puisse franchir la peau sans trop d'ef forts. Le point le plus important reste celui de l'ailette de fixation et notamment chez le brûlé : en effet sur beaucoup de modèles le tube de trachéotomie est solidarisé à l'ailette de fixation par un dispositif à vis. Or les topiques locaux utilisés pour la brûlure rendent ce dispositif à vis inopérant si bien que la canule peut s'enfoncer ou se retirer (risque de décanulation accidentelle) mais aussi pivoter induisant une canulation sélective. Il est donc important que l'ailette de fixation puisse être solidarisée au tube de trachéotomie de manière solide (fig.14) et si possible autorise réglage de la longueur car lorsque l'oedème se résorbe la canule aura à être retirée légèrement car la distance entre la peau et la trachée se réduit.

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Conclusion

La trachéotomie chez le brûlé est parfaitement possible et s'avère très utile. Cependant sa réalisation nécessite outre le respect d'un certain nombre de conditions techniques, la prise en compte de particularismes propres à cette pathologie. Dans ces conditions, il nous semble que la technique à recommander chez le patient brûlé est la méthode à dilatateur unique "Blue Rhino" pratiquée sous fibroscopie continue. Cette méthode est possible dans les conditions anatomiques propres au patient brûlé et n'impose pas à l'opérateur un type de canule déterminé (la plupart des modèles dans la plupart des diamètres peuvent être utilisés).


Abstract
Percutaneous tracheostomy seems to become the " gold standard " in intensive care units. A recent nationwide survey in United Kingdom demonstrate that the "Blue rhino" method is actually the most used and trend to become more and more used. Percutaneous trachéostomy need to strictly respect of some key conditions: indications and contraindications, patient installation, learning curve, level puncture, fixation of the canula and especially use of continuous fiberoptic guidance during all the procedure. In burn patient, percutaneous tracheostomy is very useful as regards of particular point of great interest: anatomic problems due to oedema, coagulopathy and specific design of canula.


Key words : tracheostomy Blue rhino, burns



Références

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  2. Ravat F, Pommier C, Dome R. Trachéotomie percutanée revue générale. Ann Fr Anesth Reanim. 2001 Mar;20(3) 26081.
  3. Dulguerov P, Gysin C, Perneger TV, Chevrolet JC.Percutaneous or surgical tracheostomy: a meta-analysis.Crit Care Med. 1999 Aug ; 27(8) : 1617-25.
  4. Friedman Y, Mizock BA. Percutaneous versus surgical tracheostomy: procedure of choice or choice of procedure. Crit Care Med. 1999 Aug ;27(8) : 1684-5.
  5. Krishnan K, Elliot SC, Mallick A. The current practice of tracheostomy in the United kingdom. Anaesthesia. 2005 ; 60 360-4.
  6. Griggs W.M,.Worthley L.I.,Gilligan J.E.,Thomas P.D.,Myburg J.A. A simple percutaneous tracheostomy technique. Surg Gynecol Obstet. 1990 ; 170 : 543-5.
  7. Fantoni A.,Ripamonti D. A non-derivative, non surgical tracheostomy: the translaryngeal method. Intensive Care Med. 1997 ; 23(4) :386-92.
  8. Massick D.D.,Powell D.M.,Price P.D.,Chang S.L.,Squires G.,Forrest L.A,.Young D.C. Quantification of the learning curve for percutaneous dilatational tracheostomy. Laryngoscope. 2000 ;110 : 222-8.
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  10. Dexter T.J. A cadaver study apppraising accuracy of blind placement of percutaneous tracheostomy. Anaesthesia. 1995 ; 50 : 863-4.