% vol = 8 number = 4 nextlink = 179 titolo = "PREVENTION DES TROUBLES DE CROISSANCE CHEZ L'ENFANT BRÛLÉ" data_pubblicazione = "Mars 2008" header titolo %>
RÉSUMÉ.
La prévention des troubles de croissance de l'enfant brûlé par une équipe spécialisée chirurgicale et rééducative doit débuter précocement (recouvrement, pansement positionnel), se poursuivre pendant la phase de maturation cicatricielle (postures, plâtres successifs, orthèses) puis pendant toute la croissance (chirurgie réparatrice).
Une enquête rétrospective sur 12 enfants brûlés au niveau du creux axillaire et traités par autogreffe de peau mince, suivis pendant 10 ans, montrent que 50 d'entre eux ont eu des plâtres successifs suivis d'or- thèses thoraco-brachiales amovibles. La durée totale du port d'appareillage est en moyenne de 6 mois. Un tiers des enfants a bénéficié d'une chirurgie réparatrice simple au niveau du creux axillaire (plastie en Z). Tous ont une mobilité normale de l'épaule au bout de 10 ans.
Mots clés : brûlure de l'enfant, troubles de croissance, prévention.
Prévenir les troubles de croissance chez l'enfant brûlé est un impératif majeur au même titre que la prévention du risque fonctionnel et esthétique. La problématique, et donc l'attitude thérapeutique qui en découle, rejoint celle de la croissance des parties molles musculo-tendineuses dans les pathologies neuromusculaires : il existe un déséquilibre entre l'os qui grandit normalement et les parties molles dont la croissance est perturbée. Le but de ce travail est d'analyser les mesures à prendre pour éviter ce déséquilibre et obtenir une croissance normale. Pour illustrer cette étude, nous avons analysé de façon rétrospective une douzaine d'enfants présentant une brûlure du creux axillaire et suivi pendant 10 ans.
Entre juillet 1996 et décembre 97, 21 enfants ont été hospitalisés à l'hôpital de pédiatrie et de rééducation de Bullion pour brûlures de l'épaule (uni ou bilatérale).
Sur ces 21 enfants, 12 sont retenus avec les critères suivants : âge < ou égal à 10 ans, brûlures profondes du ou des creux axillaires, greffées par autogreffe dermo-épidermique avec un risque rétractile suffisant pour légitimer un traitement par plâtres circulaires successifs et/ou par orthèses thoracobrachiales ou bibrachiales. Tous les enfants ont été greffés dans un centre de brûlé spécialisé sans retard de prise en charge. La décision de faire un plâtre ou une orthèse amovible est prise à l'arrivée dans le service de rééducation.
Le suivi est assuré par le service de rééducation et l'hôpital d'origine. La durée de port des orthèses est déterminée en fonction du stade de maturation des cicatrices et l'arrêt du traitement décidé par le même examinateur MPR. Les indications chirurgicales sont portées par les différents chirurgiens en charge des enfants.
Au bout de 10 ans, ceux qui avaient été perdus de vue ont été contactés par téléphone.
Les paramètres pris en compte pour l'étude sont : la confection ou non de plâtres circulaires, la durée du port d'orthèses permanentes et nocturnes, les actes chirurgicaux réalisés de façon précoce (moins de 1 an après l'accident) ou tardives (plus d' 1 an).
L'âge moyen des enfants est de 5 ans 7 mois (extrêmes :1 an 5 mois - 10 ans 8 mois) et la surface moyenne cutanée brûlée greffée est de 27 % (extrêmes : 12% - 49 %). 3 sont des filles, 9 des garçons.
Traitement postural : (fig. 1a et 1b)
50 % des enfants avaient à leur arrivée des rétractions axillaires nécessitant des postures préalables par plâtres circulaires successifs (moyenne : 13 jours) avant la confection d'orthèses thoracobraciales ou bibrachiales permanentes (moyenne : 1 mois) puis nocturnes (moyenne : 4,5 mois) soit un total de 6 mois.
25 % ont eu directement une orthèse thoracobrachiale amovible permanente (moyenne : 1,5 mois) puis nocturne (moyenne : 4,5 mois) soit un total de 6 mois.
25% ont des cicatrices suffisamment souples pour ne bénéficier que de postures nocturnes (moyenne : 3,5 mois).
Les 3 filles n'ont pas eu de chirurgie axillaire, par contre elles sont toutes les 3 sur un programme de plastie mammaire. Sur les 9 garçons, 5 n'ont pas eu besoin de traitement chirurgical. 2 ont bénéficié d'un débridement précoce (à 3 mois et 1 an d'évolution). 2 ont eu des plasties en Z plus tardivement à 8 ans d'évolution pour l'un et à 2 reprises : 6 et 9 ans pour l'autre.
Tous les enfants ont, 10 ans plus tard, une mobilité de - ou des épaules - normale.
L'absence de mesures de rééducation après brûlures profondes même greffées expose l'enfant à des séquelles invalidantes par la formation de cicatrice pathologique, aggravées par les défauts de croissance de cette cicatrice (fig. 2).
<% immagine "Fig. 2","gr0000002.jpg","évolution sans traitement d'une brûlure de la main survenue dans le petit enfance.",230 %>
Ces séquelles sont responsables d'attitudes vicieuses articulaires qui gênent ou suppriment la fonction.
Notre cohorte d'enfants a pu bénéficier d'une prise en charge spécialisée dès le stade initial de la brûlure et d'un suivi médico-chirurgical régulier. Au niveau axillaire, la croissance cutanée a pu ainsi s'adapter à la croissance osseuse sans ou après un geste chirurgical simple.
Chez les 3 jeunes filles, des interventions réparatrices sont nécessaires pour permettre une poussée mammaire dans les meilleures conditions.
Le recours à la chirurgie réparatrice n'est pas un échec de la prise en charge : la rééducation permet de réduire, s'il est nécessaire, l'importance du geste chirurgical [1].
La prévention des troubles de croissance s'intègre dans l'ensemble des mesures thérapeutiques destinées à éviter l'évolution vers une cicatrice pathologique [2].
Il faut empêcher la constitution d'attitudes vicieuses qui entraînent secondairement des troubles de croissance.
Interviennent :
La démarche thérapeutique dépend de la présence ou non de brides rétractiles limitant l'amplitude articulaire au moment de la prise en charge :
1) en absence de rétractions : le pansement doit être positionnel en extension cutanée quelle que soit l'articulation en cause. Chaque articulation a sa logique : au niveau des mains, il faut privilégier la position neutre en extension, doigts individualisés et écartés. Une orthèse rigide ou semi-rigide peut être intégrée dans le pansement pour obtenir une posture plus efficace. Les postures manuelles sont réalisées quotidiennement dès que l'état de la peau le permet. Par la suite, des orthèses amovibles peuvent être adaptées au cas par cas.
2) en présence de rétractions : il faut réduire l'attitude vicieuse par des plâtres successifs de posture, jusqu'à l'obtention d'une amplitude correcte. Les plâtres ont un triple intérêt : "posturer" la cicatrice en extension cutanée maximum, la comprimer (éviter la multiplication de myofibroblastes), immobiliser la "fracture" cutanée. La présence de plaies n'est pas une contrindication au contraire : l'épidermisation sous plâtre est plus rapide. Dans notre étude, la moitié des enfants ont des brides axillaires rétractiles à leur arrivée dans le service de rééducation nécessitant une réduction préalable par plâtre avant la confection des orthèses amovibles. Les plâtres circulaires sont particulièrement intéressants pour les mains des petits enfants, méthode efficace et bien tolérée contrairement aux orthèses amovibles qui glissent et blessent facilement (fig. 4a, b, c, d).
Dans les brûlures étendues, circulaires de la main et des doigts, les plâtres sont refaits tous les 2 ou 3 jours tant que la peau est fragile puis 2 fois par semaine tant que le risque d'attitude vicieuse est présent (griffe) pendant une durée totale d'environ 3 mois [4]. Pour éviter le glissement, on privilégie les plâtres brachio-palmaires. Le cou est difficile à positionner, une libération chirurgicale précoce est parfois nécessaire.
Dans notre étude, en dehors des cas où la cicatrice est très souple et le traitement purement préventif (port nocturne d'emblée de l'orthèse : 25%) la durée moyenne globale de port d'appareillage est de 6 mois, dont environ 3 de port permanent (plâtre circulaire et/ou orthèse amovible) et le reste en port nocturne. Le fait d'avoir eu recours aux plâtres ne préjuge pas du résultat final. Nous utilisons volontiers dans notre pratique quotidienne cette durée théorique de 6 mois pour interrompre le port de l'orthèse avec, bien sûr, des variations possibles évaluées au cas par cas.
Notre expérience montre que, tant qu'une cicatrice est inflammatoire et donc immature, les possibilités d'amélioration par plâtres circulaires, même sur des cicatrices très hypertrophiques et très rétractiles, sont réelles. La rééducation précède alors la chirurgie et rend le geste chirurgical plus simple. 3) Cas particuliers de la face et du cou. Les cicatrices sont comprimées et "posturées" par masque ou mentonnière confectionnées en thermoformable transparent (Orlen*). Les conformateurs sont contrindiqués chez l'enfant en raison des pressions exercées sur les maxillaires qui pourraient perturber la croissance. Les cicatrices à ce niveau restent plus longtemps inflammatoires et la durée de port des masques et mentonnières est plus longue que celle des autres appareillages (18 mois en moyenne). Au décours du port de l'orthèse, un rétrognatisme transitoire existe souvent, puis régresse dans les mois suivants. S'il persiste des modifications, il est difficile de faire la part des choses entre le port de l'orthèse d'une part et la cicatrice elle-même, surtout en cas de rétraction cervico- mentonnière. [5].
L'équipe de Lille a initié une étude multicentrique pour essayer de répondre à cette question. En cas de doute, un bilan orthodontique est conseillé à distance.
Sur les cicatrices matures, les méthodes de rééducation ne sont plus efficaces isolément pour prévenir et traiter les troubles de croissance. Elles peuvent être réintroduites après chirurgie réparatrice pour prévenir les récidives d'attitudes vicieuses.
L'enfant doit être suivi pendant toute sa croissance si des placards fibreux menacent de perturber celle-ci. Les zones, les plus à surveiller et sur lesquelles il faut intervenir, si besoin, sont :
La collaboration entre le chirurgien plasticien et le médecin MPR est intéressante pour déterminer l'heure et le type de chirurgie en fonction d'une répercussion fonctionnelle associée ou non à une rétraction menaçant la croissance cutanée. Deux situations sont particulières : la poussée mammaire chez la jeune fille et la croissance des moignons d'amputation. Les brûlures de face antérieure du thorax sont fréquentes chez l'enfant (liquide chaud renversé). L'évolution chez le garçon est souvent marquée par une asymétrie des mamelons peu gênante (fig 5).
<% immagine "Fig. 5","gr0000006.jpg","évolution 10 ans après brûlure thoracique (garçon), asymétrie des mamelons.",230 %>Par contre chez la fille la poussée mammaire doit être surveillée pour intervenir chirurgicalement si un placard cutané rétractile perturbe la croissance. Le risque est plus grand lorsque la cicatrice concerne la moitié inférieure du sein (fig. n° 6).
<% immagine "Fig. 6","gr0000007.jpg","évolution 10 ans après brûlure thoracique (fille), plastie mammaire.",230 %>Les moignons d'amputation posent le problème d'adapter des prothèses sur une peau cicatricielle. Lorsque la brûlure du membre est circulaire avec atteinte des parties molles sous-jacentes à la cicatrice, le déséquilibre entre croissance osseuse et cutanée est inévitable, les ulcérations de moignons sont fréquentes et difficile à traiter, le recours à la chirurgie de raccourcissement osseux s'impose de façon itérative (fig. 7).
<% immagine "Fig. 7a et 7b","gr0000008.jpg","amputation du 1/3 supérieur tibial à l'âge 12 mois.",230 %>La croissance cutanée d'une cicatrice de brûlure est à surveiller comme celle des parties molles musculo-tendineuses des enfants paralytiques, pendant toute la phase inflammatoire et à un moindre degré après la maturation cicatricielle. L'adaptation des méthodes de rééducation et d'appareillage et la programmation à bon escient des interventions chirurgicales nécessaires doivent permettre d'éviter les troubles de croissance ou les corriger le plus précocement possible.
Abstract
The prevention of the growth disorders of the burned child.
by a surgical and occupational specialized team must early begin (covering, positional bandage) continue during the phase of scar's maturation (postures, successive casts, splints) then during all the growth (repairing surgery).
A retrospective study of 12 children burned on the level of the axilla and treated by split thickness skin [thin epithelial] autograft, followed during 10 years ; show that 50 % of them had postured by successive casts, befor orthotics thoraco- brachials removable. The total duration of wearing the devices is on average 6 months. A third of the children profited from a simple repairing surgery on the level of the axilla (Z-plasty). All have a normal joint range of motion of the shoulder after 10 years.
Key words : burn injury of the child, growth disorders, prevention.