% vol = 8 number = 4 prevlink = 174 nextlink = 182 titolo = "SUITE ET VALORISATIONS JURIDIQUES SUR LA CAUSE DES BRÛLÉS" data_pubblicazione = "Mars 2008" header titolo %>
RÉSUMÉ.
Cet article expose les principes de la réparation des préjudices dus aux brûlures et basée sur la notion de solidarité et l'intégralité de la prise en compte. Malheureusement les victimes d'incendie d'immeubles sont le plus souvent exclues de ce système.
L'auteur expose la notion de "guérison indemnitaire" en la recadrant au sein de la sauvegarde des droits fondamentaux. Les voies et les moyens d'y arriver sont ensuite décrits en insistant sur la nécessité d'un "tandem juridico-médical" pour faire reconnaître les droits des brûlés.
Dans un entretien publié dans le Monde du 10 septembre 2006, Monsieur Badinter, ex Garde des Sceaux et ex Président du Conseil Constitutionnel, a rappelé :
" Qu'il avait été jadis témoin de l'indifférence avec laquelle l'appareil judiciaire traitait la victime ".
Il ajoute en ce même entretien:
" Toutefois, actuellement, cette même justice prend en compte:
Désormais, c'est au nom de toute la SOLIDARITÉ, de toute la SOCIÉTÉ, que cette souffrance des victimes est prise en compte et respectée... "
Certes, nul ne saurait nier que notre droit indemnitaire, en application de nos valeurs institutionnelles de la SOLIDARITÉ connaît actuellement une prise en considération intégrale des droits d'une victime d'un préjudice corporel.
Le champ d'application de ce droit indemnitaire s'est étendu tant au niveau des causes, qu'au niveau de l'ampleur de l'indemnisation.
Encore faut-il, sur ce dernier aspect, que la victime et plus précisément la famille de cette victime, adopte toutes les dispositions nécessaires à cet effet.
Sur les causes indemnitaires
La victime BRÛLÉE s'inscrit-elle dans cette chaîne de la SOLIDARITÉ?
Oui... à l'exclusion des victimes d'incendie d'immeuble : Pour mémoire rappelons :
a) Indemnisation de plein droit pour les victimes d'accidents de la circulation dans les termes de la loi du 5 juillet 1985. En est toutefois exclu, le conducteur du véhicule, s'il est rapporté la preuve que lui-même a commis une faute dans la conduite de son véhicule ayant concouru à la réalisation de l'accident.
b) Les accidents ménagers :
Présomption de la responsabilité d'un fabricant d'un produit ménager générateur d'un dommage.
De même, les personnes qui subissent des brûlures et des dommages corporels divers consécutivement à une négligence ou maladresse commise par d'une tierce personne.
Exemples :
c) Faute inexcusable de l'employeur :
Lors d'un accident de travail, la responsabilité de la faute de l'employeur est présumée.
En effet, une nouvelle jurisprudence admet à la charge de l'employeur une obligation de sécurité résultat.
Toutefois, si la reconnaissance de la responsabilité est ainsi établie par présomption, il n'en demeure pas moins que la victime ne pourra prétendre à indemnisation intégrale de son préjudice.
Son indemnisation sera limitée à certains postes de préjudices (article 452-3 du Code de la Sécurité Sociale : majoration de la rente + préjudice personnel).
d) Les victimes d'infraction
C'est là un aspect fondamental que beaucoup de victimes ignorent.
Le principe est le suivant : que l'auteur de l'infraction soit connu ou inconnu, soit solvable ou insolvable, vivant ou décédé, la victime d'un élément matériel d'une infraction a vocation à réparation intégrale de son préjudice: préjudice pris en charge par le Fonds de Garantie, après saisine préalable
de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infraction, dénommée CIVI.
Exclusion : les victimes d'incendie d'immeuble :
LE PRINCIPE FONDAMENTAL en droit de la responsabilité repose sur la présomption de la responsabilité du gardien "de la chose" en application de l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil.
Ainsi, toute victime d'un préjudice corporel du fait de "la chose" d'un tiers est en droit de faire reconnaître la responsabilité du gardien de celle-ci, et par voie de conséquence, son obligation indemnitaire.
A L'EXCLUSION, tel que visé à l'article 1384 alinéa 2 du Code Civil, des victimes d'incendie d'un immeuble, lesquelles ne peuvent faire valoir leur droit indemnitaire que dans la mesure impérative où elles doivent elles-mêmes rapporter la preuve de la faute commise par ce même tiers.
Or, cette preuve de la cause est difficile à rapporter dans la mesure où :
En d'autres termes, bien souvent les expertises techniques aboutissent à : " une cause indéterminée ".
Dans ces conditions, bien souvent, les victimes d'incendie d'immeuble, se trouvent dans l'incapacité d'obtenir indemnisation de leur préjudice.
C'est ainsi que l'un des derniers bastions de la responsabilité pour faute résiste encore malgré les évolutions législatives allant toujours dans le sens d'une meilleure indemnisation des victimes et donc d'une responsabilité sans faute.
Au point que d'éminents juristes n'ont pas hésité à stigmatiser cette forme d'incohérence dans les termes suivants :
" Le lobby des assurances serait-il si puissant en France que le droit indemnitaire ne pourrait suivre une évolution cohérente spécifiquement pour les victimes d'incendie... "
Sur l'étendue de l'indemnisation
Préjudice : fonction reconstructive :
Paraphrasant en cela la pensée formulée par Monsieur Badinter, citée ci-dessous :
" La victime doit être traitée eu justice avec toute l'humanité que sa souffrance appelle. Cette justice ne peut se confondre avec la vengeance, ni avec la compassion pour les victimes. La justice n'a pas pour mission d'être une thérapie de la souffrance, elle a une fonction expressive, car elle exprime des valeurs de la Société... ".
Lors de différentes interventions, Madame Nicole Guedj, alors Secrétaire d'Etat aux droits des victimes, tout en dénonçant les incohérences dans la prise en considération des éléments constitutifs du dommage corporel, suivant les compagnies d'assurances ou suivant les Tribunaux et Cours, a situé son action pour que soit : " Adopté un faisceau de mesures dont le but est de parvenir à un système d'indemnisation prévisible, il faut une véritable politique de fraternité
envers ces victimes. Il faut prévenir, soutenir, reconstruire ... " Ce à quoi, l'indemnisation, en dépit de l'émiettement des régimes, est sous entendu par un principe qui les relit et les unit, celui de la Réparation intégrale.
Un arrêt de principe de la Cour de Cassation datant du 28 octobre 1954, définit cette réparation intégrale comme :
" Le fait de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, au détriment du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ".
Ce à quoi, une résolution du Conseil de l'Europe datant du 14 mars 1979 définit à peu près dans les mêmes termes la notion de réparation intégrale, avec l'idée que la personne qui a subi un préjudice a droit à la réparation de celui-ci :
" En ce sens qu'elle doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit... "
Nous avons donc une approche qui pourrait être qualifiée de "GUERISON INDEMNITAIRE".
Il s'agit d'une logique de restauration des droits de reconstruction et de sauvegarde des droits de l'Homme.
Dès lors, le concept de préjudice corporel ne saurait se limiter suivant le modèle de WOOD, sur trois notions principales :
Cette approche purement médicale réduisant donc la victime à une dimension essentiellement biologique :
Cette approche de "guérison indemnitaire" inscrit l'expression de la problématique du handicap car il s'agit de mettre les vrais problèmes au clair et l'indemnisation recadrée dans les droits fondamentaux.
La question est de savoir comment le "sujet" va pouvoir rester acteur de son existence et sauvegarder ses droits fondamentaux.
Cette sauvegarde est l'objectif cardinal de la notion de réparation intégrale.
Voies et moyens : le tandem juridico-médical :
1 - La justice indemnitaire passe par la restauration de l'égalité entre l'assureur et la victime.
Ce n'est que dans le cadre d'un débat contradictoire, spécifiquement au niveau de l'expertise médico-légale, que cet objectif cardinal peut être retenu et, si besoin, peut être défendu.
Une victime seule peut-elle être l'acteur de la défense de ses droits fondamentaux ?
Il ne faut pas se cacher la face : quand une victime est lourdement blessée, elle est rarement en capacité d'assurer la défense même de ses droits.
La famille se trouve souvent le porte-parole de la victime et est elle-même accablée.
La famille n'est pas en mesure de penser à ces choses qui sont essentielles à la reconstruction de la victime.
La famille se trouvant dans une situation douloureuse, n'apparaît pas être en mesure de pouvoir faire face à un assureur qui est un professionnel de l'indemnisation.
Les assureurs s'organisent autour de services financiers, de services juridiques, de médecins conseils et d'inspecteurs (qualifiés de régleurs) présents pour créer une situation de négociation d'indemnisation à la victime.
Une inégalité également liée au manque de transparence du rôle de chacune des parties.
Les victimes ignorent souvent que l'intervenant assureur qui vient parfois au chevet de la victime au centre de rééducation, n'est pas un accompagnateur bienveillant mais un professionnel qui joue son rôle de débiteur, mais qui ne dit pas toujours son nom.
Cette inégalité des armes est donc un premier risque de dérive. L'indépendance de l'avocat, de même sa compétence dans la réparation du préjudice, doit compenser cette inégalité, d'autant que la victime et l'assureur sont dans une situation inégale qui s'inscrit dans une logique différente.
La logique économique prédomine pour l'assureur.
La victime quant à elle se pose dans une approche reconstructive. Elle cherche à reconquérir sa liberté, sa sécurité. Comment restaurer des liens, l'environnement familial, social ?
Il s'agit d'une démarche longue dont l'évolution est incertaine. Dès lors, l'attente de la victime contrairement à celle de l'assureur n'est pas de connaître le montant de l'indemnisation mais de pouvoir obtenir une réponse indemnitaire adaptée et ce, en fonction des besoins qui se manifestent dans les étapes de la reconstruction.
Ce n'est pas en vain que, Madame Noher-Schraub, alors Présidente de la 17e Chambre de la Cour d'Appel de Paris, relevait d'une manière assez inquiétante que : "chaque fois que nous devons reconnaître une transaction, nous sommes surpris car les montants alloués par voie de transaction sont inférieurs de moitié voire des deux tiers aux sommes que nous aurions accordées dans les mêmes circonstances..." (Gazette du Palais du 13/07/2006).
Aux fins de lui voir reconnaître une approche reconstructive de la réparation de son préjudice de façon intégrale, force est de rappeler que les dispositions nécessaires sont les suivantes :
Seul ce tandem, présent aux côtés de la victime, dès les premiers moments du processus d'indemnisation, peut assurer l'équilibre des plateaux de la balance indemnitaire et faire de la victime un des acteurs de ce processus.
Dans ses propos tenus dans la Gazette du Palais du 12 et 13 juillet 2006, Maître Aline Boyer, Avocat Honoraire, Présidente de l'ANADAVI (Association Nationale des Avocats de Victimes de Dommages Corporels), s'est clairement prononcée :
"Le médecin et l'avocat poursuivent un objectif commun : assurer à la victime la réparation la plus juste de son préjudice. La réalisation de cet objectif exige un travail d'équipe et non la juxtaposition de deux efforts qui peuvent ne pas être coordonnés et même se contrarier. Seul le tandem avocat- médecin présent à ses côtés dès les premiers moments du processus d'indemnisation peut assurer l'équilibre des plateaux de la balance indemnitaire et faire de la victime un des acteurs de ce processus. Pas de préséance, pas de prévalence de l'un par rapport à l'autre... pas de compétition entre médecin et avocat mais synergie des compétences pour entourer, soutenir et défendre la victime face aux équipes binaires de ses adversaires...".
La cause des brûlées, au niveau de la reconnaissance de l'intégralité de son dommage n'a pu être reconnue et s'imposer qu'en application des principes précités, et en s'inscrivant dans ce tandem nécessaire juridico-médical.
Cette cause des brûlés ne mérite t-elle pas d'être poursuivie pour enfin faire reconnaître, admettre le droit des brûlés victimes d'incendie d'immeuble, sans pour autant leur imposer la charge d'une preuve qui s'avère, dans les faits, quasiment impossible.
Que les brûlés victimes d'incendie d'immeuble puissent également s'inscrire dans nos valeurs institutionnelles de la SOLIDARITÉ.
Abstract
This paper explain the principles for the reparation of prejudices caused by burns established on the basis of solidarity and total compensation. Unfortunately, victims of fire house are excluded off this process.
Notion of "recovery indemnity" is exposed in view of the fundamentals human rights may be safeguarded. The means to reach this aim are described with the necessity of the collaboration between lawyers and physicians.